Question de M. AUBAN Bertrand (Haute-Garonne - SOC) publiée le 07/08/2003

M. Bertrand Auban attire l'attention M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les règles de financement des services publics à caractère industriel et commercial (SPIC) par les établissements publics de coopération intercommunale (EPIC) sans fiscalité propre. Dans son arrêt société sucrerie agricole de Colleville (CE 29 octobre 1997), le juge administratif précise en effet que lorsqu'un syndicat de communes est exclusivement chargé de l'exploitation d'un ou plusieurs SPIC, les communes membres ne peuvent prendre en charge des dépenses de ces services que dans le cadre des dérogations limitativement prévues à l'article L. 2224-2 du code général des collectivités locales, dans les conditions de formes requises par ces même dispositions. En outre, le financement de ces dépenses ne peut s'effectuer qu'à travers le versement par les communes de subventions exceptionnelles, dans la mesure où le Conseil d'Etat exclut la possibilité de recourir aux participations budgétaires et aux contributions fiscalisées réservées au financement des seuls services publics à caractère administratif (SPA). Il lui demande si l'on doit en conclure que des communes membres d'un syndicat intercommunal qui gère à la fois des service à caractère administratif et des services à caractère industriel et commercial peuvent, dans les cas dérogatoires visés à l'article L. -2224-2 du CGCT, prendre en charge des dépenses d'un ou plusieurs SPIC, par le biais de subventions exceptionnelles. Dans l'affirmative, et en raison du caractère facultatif qui s'attache à cette recette, il lui demande comment le syndicat pourrait contourner la décision d'une commune membre qui refuserait de verser la subvention demandée. Il lui demande si l'on peut imaginer que ce dernier augmente les tarifs du SPIC, à due concurrence de la subvention non versée, et répercute exclusivement cette augmentation sur le territoire de la commune concernée. Il lui demande, au cas où la solution des subventions exceptionnelles ne pouvait être retenue, si les dépenses pourraient être prises en charge par le budget propre du syndicat au travers des participations budgétaires ou fiscalisées. Dans ce cas, il lui demande s'il n'y a pas contradiction avec les considérations de l'arrêt précité du Conseil d'Etat qui réserve de manière limitative ce type de recettes aux seuls SPA.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 21/10/2004

Par sa décision en date du 29 octobre 1997, Société des sucreries agricole de Colleville, le Conseil d'Etat a précisé les règles de financement des services publics à caractère industriel et commercial par les établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre. Le juge administratif a ainsi précisé que lorsqu'un syndicat de communes est exclusivement chargé de l'exploitation d'un ou plusieurs services publics à caractère industriel et commercial, les communes membres ne peuvent prendre en charge des dépenses de ces services que dans le cadre des dérogations limitativement prévues à l'article L. 2224-2 du code général des collectivités locales (CGCT) et dans les conditions de formes requises par ces même dispositions. En outre, le financement de ces dépenses ne peut s'effectuer qu'à travers le versement par les communes de subventions exceptionnelles, dans la mesure où le Conseil d'Etat exclut la possibilité de recourir aux participations budgétaires et aux contributions fiscalisées réservées au financement des seuls services publics à caractère administratif. Au préalable, il convient de rappeler que l'alinéa 1° de l'article L. 2224-2 du CGCT interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics à caractère industriel et commercial. Cette disposition résulte du fait que ces services doivent être financés par la redevance demandée aux usagers en vue de couvrir les charges du service. Toutefois, l'article L. 2224-2 prévoit quelques dérogations à ce strict principe de l'équilibre. Par délibération motivée, le conseil municipal peut décider une prise en charge des dépenses du service public à caractère industriel et commercial dans son budget général : si des exigences conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ; si le fonctionnement du service public exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ; si lorsque, après la période de réglementation des prix, la suppression de toute prise en charge par le budget de la commune aurait pour conséquence une hausse excessive des tarifs. Ces dispositions sont uniquement applicables aux communes et les structures intercommunales en sont donc exclues. Le financement d'un service public à caractère industriel et commercial transféré à un syndicat doit en principe être assuré par la redevance versée par les usagers. Toutefois, si la gestion de ce service apparaît déficitaire, le syndicat peut solliciter une subvention exceptionnelle auprès de ses communes membres sur le fondement des dérogations prévues par l'article L. 2224-2 du CGCT précité. Le versement de cette subvention revêt un caractère facultatif et le syndicat ne peut en aucun cas contraindre une commune à la verser. Ainsi, l'augmentation des tarifs du service public à caractère industriel et commercial, à due concurrence de la subvention non versée, exclusivement sur le territoire de la commune concernée afin de contourner son refus, paraît illégale. En effet, cela semble être contraire à plusieurs principes juridiques régissant le fonctionnement des collectivités territoriales. D'une part, cette augmentation constitue une rupture du principe d'égalité devant le service public, puisque l'existence d'une tarification différentielle n'est pas justifiée par une différence objective liée à la situation des usagers ou un motif d'intérêt général. D'autre part, l'augmentation de la tarification est également contraire au principe selon lequel la redevance versée par les usagers d'un service public à caractère industriel et commercial correspond à l'exacte contrepartie d'une prestation rendue. Enfin, une telle augmentation de la tarification ciblée sur le territoire de la commune semble être contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. En effet, le versement de la subvention exceptionnelle étant facultatif, l'augmentation des tarifs envisagée pour contourner le refus d'une commune constituerait donc une atteinte à sa liberté d'administration. Par ailleurs, il est également exclu que le budget propre d'un syndicat puisse prendre en charge les dépenses d'un service public à caractère industriel et commercial au travers des participations budgétaires ou fiscalisées. En effet, les participations budgétaires ou fiscalisées sont réservées en principe aux syndicats de communes qui exploitent des services publics administratifs pour le financement de ces services. Toutefois, si un syndicat de communes exploite simultanément des services publics à caractère administratif et à caractère industriel et commercial, les participations budgétaires ou fiscalisées peuvent également être perçues mais uniquement dans la limite des nécessités propres à financer les services publics à caractère administratif. Par conséquent, l'excédent financier éventuel résultant de ces participations budgétaires ou fiscalisées destinées initialement au financement d'un service public à caractère administratif ne peut pas être utilisé pour le financement d'un service public industriel et commercial. Si tel n'était pas le cas, cela reviendrait en pratique à permettre indirectement à un syndicat de contourner la volonté d'une ou plusieurs communes membres de refuser de verser une subvention exceptionnelle pour le financement du service. Le syndicat ne peut donc pas verser une participation budgétaire ou fiscalisée ainsi qu'une subvention exceptionnelle de son budget principal au budget annexe d'un service public industriel et commercial. Les conséquences de la décision du Conseil d'Etat ne peuvent donc être remises en cause. Cette décision a par ailleurs été suivie récemment par la cour administrative d'appel de Nancy du 22 janvier 2004, préfet des Vosges.

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