Question de M. REINER Daniel (Meurthe-et-Moselle - SOC) publiée le 07/11/2003

M. Daniel Reiner souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur le financement de l'innovation en agriculture, notamment à la lumière du cas d'Arvalis, institut du végétal. Selon cet institut, le ministère envisagerait, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2003, de prélever des actifs monétaires d'Arvalis au bénéfice de l'Etat. Cette trésorerie excédentaire de l'institut, fruit de vingt années de gestion rigoureuse, avait pour vocation de lancer un important programme pluriannuel de recherche pour mieux assurer la protection sanitaire du consommateur et mieux protéger l'environnement, deux thèmes pourtant récurrents dans les discours du Gouvernement. Cette pratique, si elle est confirmée, n'est pas sans rappeler les dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2002, visant à alimenter le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) par des prélèvements autoritaires sur les réserves des caisses de la mutualité sociale agricole (MSA), le Fonds national de garantie des calamités agricoles et la société Unigrains. Tout récemment encore, le ministère de l'environnement a appliqué cette méthode en décidant de ponctionner 210 MEUR de la trésorerie des agences de bassin pour pallier ses difficultés budgétaires. Ces pratiques de l'Etat ne peuvent que susciter l'amertume et le découragement de tous ces organismes qui font des efforts de gestion considérables. Confisquer les moyens d'Arvalis au nom de la rigueur budgétaire serait priver l'agriculture et l'industrie agro-alimentaire française d'innovations pendant de longues années, et faire courir des risques aux consommateurs et à l'environnement. Aussi, il souhaiterait connaître exactement les projets du ministère concernant les actifs monétaires d'Arvalis et les intentions du Gouvernement en faveur de l'innovation et de la recherche dans le secteur agricole.

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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 17/12/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2003

M. Daniel Reiner. Madame la ministre, ma question s'adressait à M. le ministre délégué au budget, mais votre réponse sera celle du Gouvernement.

Je souhaite attirer votre attention sur le financement de l'innovation en agriculture, notamment à la lumière du cas d'ARVALIS, l'institut du végétal, question qui a été très abondamment traitée ces dernières semaines tant à l'Assemblée nationale qu'ici même, notamment hier après-midi.

Le financement de cet organisme m'avait déjà amené à poser une question écrite dans le courant du mois de juillet dernier, car il était prévu de supprimer la taxe parafiscale qui l'alimentait. La réponse du Gouvernement, à la fin du mois de septembre, m'avait satisfait, puisqu'elle dégageait des perspectives pour assurer la pérennité des ressources de cet institut.

De nouveau, mon attention a été alertée, le ministère du budget ayant envisagé, dans la loi de finances rectificative pour 2003, de prélever 79 millions d'euros d'actifs monétaires d'ARVALIS au bénéfice du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles. Je sais que ce chiffre a été ramené, par un amendement parlementaire, à 59 millions d'euros à l'Assemblée nationale, chiffre confirmé hier après-midi par le Sénat, mais la somme reste considérable.

Cette pratique n'est pas sans rappeler les dispositions de la loi de finances rectificative pour 2002 visant à alimenter le BAPSA par des prélèvements à caractère obligatoire opérés sur les réserves des caisses de la mutualité sociale agricole, du fonds national de garantie des calamités agricoles et de la société UNIGRAINS. Tout récemment encore, une démarche analogue a conduit le ministère de l'environnement à ponctionner 210 millions d'euros sur la trésorerie des agences de bassin pour pallier ses difficultés budgétaires.

Le terme qui est retenu par le ministre - celui de contribution volontaire - ferait sourire dans tous nos rangs s'il n'inquiétait pas autant. Ces pratiques suscitent en effet l'amertume et le découragement de tous ces organismes, qui, en définitive, se font prendre en flagrant délit de bonne gestion et qui ne manqueront pas d'en tirer des leçons à l'avenir en évitant, j'en suis sûr, de constituer des réserves de trésorerie trop abondantes. Elles mettent aussi en lumière, s'il en était besoin, l'impasse financière dans laquelle se trouve l'Etat, contraint de recourir à de telles méthodes, mais c'est son choix, puisqu'il a lui-même décidé de baisser l'impôt de solidarité sur la fortune et l'impôt sur le revenu !

Confisquer les moyens d'ARVALIS au nom de la rigueur budgétaire, c'est ralentir l'effort d'innovation de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire française. C'est aussi faire courir des risques aux consommateurs et à l'environnement, ce qui est parfaitement contradictoire avec le discours gouvernemental en faveur du développement durable.

Madame la ministre, quels engagements pouvez-vous prendre devant le Parlement pour qu'ARVALIS et l'ensemble des instituts de recherche en matière agricole puissent continuer à travailler dans de bonnes conditions et respectent leur programme en faveur de l'innovation et de la recherche dans ce secteur ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, en préalable à ma réponse à votre question, je souhaite rappeler un point fondamental : le prélèvement sur ARVALIS en loi de finances rectificative est affecté au BAPSA, c'est-à-dire à la protection sociale agricole. Les taxes parafiscales prélevées sur les agriculteurs reviennent donc aux agriculteurs.

Par ailleurs, ce prélèvement sur ARVALIS ne menace ni la viabilité de l'organisme ni la recherche agronomique. Comme l'ont montré clairement les commissions des finances des deux assemblées - je tiens à souligner ici la qualité du travail d'investigation de MM. Carrez et Marini -, le prélèvement ne concerne qu'une trésorerie dormante, sans utilité sociale et déposée en placements obligataires.

Il faut donc se défier de la campagne de lobbying quelque peu tapageuse menée actuellement par ARVALIS. Cette campagne, financée grâce à des subventions publiques, est mensongère.

C'est pourquoi le Parlement a décidé de maintenir, pour l'essentiel, ce prélèvement. Il est arrêté aujourd'hui à 59 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de moins que ne le proposait le Gouvernement. Il restera encore à ARVALIS un an et demi de fonds de roulement, à quoi s'ajouteront ses recettes annuelles. ARVALIS disposera donc de crédits couvrant largement ses coûts fixes et le financement de ses programmes de recherche déjà prévus.

Les débats parlementaires ont, par ailleurs, révélé la nécessité d'un meilleur contrôle des organismes bénéficiant de taxes parafiscales ou de taxes fiscales affectées. Un amendement, adopté hier sur l'initiative du Gouvernement, vise à mettre en place en tel contrôle.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Je m'attendais à cette réponse. J'ai suivi comme vous les débats parlementaires, madame la ministre, et j'ai relevé quelques points critiquables tant sur la méthode que sur le fond.

Tout d'abord, si je comprends bien que le prélèvement sera opéré au profit du BAPSA, donc des agriculteurs, il s'agit néanmoins clairement de détourner de sa destination une partie du produit des taxes parafiscales concernées, ce qui ne manque pas de semer le doute dans l'esprit des contributeurs.

Par ailleurs, on nous dit que la trésorerie d'ARVALIS est pléthorique. Dans ces conditions, que n'a-t-on fixé les taux des taxes parafiscales à un niveau plus convenable !

Plus fondamentalement, cette affaire affecte symboliquement la recherche, à l'heure où chacun a pleinement conscience de l'importance de ce domaine pour notre avenir économique, en particulier dans le secteur agricole, où les moyens budgétaires, d'une manière générale,sont limités, même si tel n'est pas le cas s'agissant d'ARVALIS.

En outre, la sécurité alimentaire est également concernée, alors même que les crises sanitaires que nous avons traversées ont suscité une vive inquiétude parmi les consommateurs et de lourdes conséquences économiques.

En conclusion, il faudrait que les règles du jeu soient clairement posées, de manière qu'il ne soit plus procédé à des prélèvements de ce type à l'avenir.

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