Question de Mme BOYER Yolande (Finistère - SOC) publiée le 05/12/2003

Question posée en séance publique le 04/12/2003

Mme Yolande Boyer. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne l'interruption involontaire de grossesse, nouveau délit créé au détour d'un amendement qui n'a rien à voir avec le texte concerné, à savoir la lutte contre la grande criminalité, et que votre ministre de la justice a accepté.

Ce n'est d'ailleurs pas la première tentative. La précédente avait eu lieu il y a six mois. Fort heureusement, la Haute Assemblée avait rejeté la disposition qu'on lui proposait.

De quoi s'agit-il, sur le fond ?

Il s'agit d'utiliser la douleur de femmes victimes d'un avortement à la suite, par exemple, d'un accident de la route pour modifier en profondeur un pan entier de notre droit.

Ce texte donne ainsi au foetus un statut juridique autonome en le reconnaissant comme une personne.

Que vous l'admettiez ou non, vous ouvrez ainsi une brèche dans le difficile équilibre obtenu par la loi Veil. Il n'y a qu'à voir la satisfaction des associations anti-avortement, qui n'ont jamais désarmé et qui reprennent du poil de la bête ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Vous remettez en cause les droits des femmes et le long combat des associations depuis les années soixante-dix.

Mme Odette Terrade. Absolument !

Mme Yolande Boyer. Enfin, vous mettez les médecins en danger. Leur responsabilité risque d'être engagée face à des problèmes liés à un examen ; je pense, par exemple, à l'amniocentèse.

Cet épisode est une fois de plus révélateur de votre méthode de gouvernement. A peine la décision est-elle prise qu'elle est déjà reniée !

En spécialiste du tango, un pas en avant, deux pas en arrière,...

M. Christian Cointat. Ce n'est pas le tango, cela !(Sourires.)

Mme Yolande Boyer. ... le garde des sceaux lance maintenant une concertation, certes, mais après le vote. Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ? Les termes du débat étaient connus depuis plusieurs mois !

Je pourrais citer d'autres exemples, dans d'autres domaines, d'utilisation par le Gouvernement de la méthode du « ballon d'essai » : je lance, et j'attends le retour !

Nombreux sont nos concitoyens qui ont envie de vous dire : assez de cafouillages et de dérapages ! Mais quelle image donnez-vous de l'action politique !

Il y aurait encore beaucoup à dire, mais le temps est compté. J'en viens donc à ma question. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Elle est claire, nette et précise : allez-vous, oui ou non, retirer purement et simplement non seulement pour aujourd'hui, mais aussi pour demain, ce texte inutile et inacceptable sur l'interruption involontaire de grossesse ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle publiée le 05/12/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/12/2003

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la sénatrice, personne ne peut penser un seul instant que le Gouvernement veuille remettre en cause le droit à l'IVG. (Bravo ! et applaudissements sur les travées l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Simon Sutour. Oh si ! Il y a toutes les raisons de le penser !

M. Robert Bret. Il semble que ce soit l'objectif !

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Il s'agit là d'un acquis irréversible et d'une liberté fondamentale dont je me sens aussi, en titre, garante, puisque je suis en charge des droits de la femme. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Simon Sutour. Le titre ne suffit pas !

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Au demeurant, M. le garde des sceaux, Dominique Perben, a immédiatement fait référence à cette loi, qui est fondamentale, lors de l'examen de l'amendement en question.

Cependant, c'est vrai, des ambiguïtés demeurent sur cette disposition d'initiative parlementaire. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo. Cet amendement, nous n'en voulons pas !

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je suis sensible à ces ambiguïtés, et le Gouvernement aussi.

M. René-Pierre Signé. Le ministre l'a soutenue, cette disposition !

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. C'est pourquoi - et c'est une méthode qui est ouverte, transparente et intelligente (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Approbations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Gournac. Exactement !

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. ... la concertation a été engagée avec les associations...

Mme Nicole Borvo. On vote un amendement et on mène la concertation après !

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. ... pour que, effectivement, un éclairage utile soit apporté et permette de concilier une loi qui, je le répète, est fondamentale et constitue un acquis irréversible. (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Mahéas. C'est une loi... pour l'instant !

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. C'est un acquis irréversible. Comment faut-il que le vous le dise ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En retirant cette disposition !

Mme Nicole Borvo. Vous le remettez en cause à l'occasion d'un texte qui traite de la grande criminalité !

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Il s'agit donc de concilier cet acquis irréversible avec une juste interrogation, puisque vous avez vous-même évoqué le drame que connaissent certaines de ces femmes.

Madame la sénatrice, je puis vous assurer que, à titre personnel, je suis particulièrement sensible à ce sujet. J'ai d'ailleurs réuni hier les membres de la commission permanente du conseil supérieur de l'information sexuelle afin que toutes les ambiguïtés soient levées dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socilaiste et du groupe CRC.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Retirez l'amendement !

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