Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 05/12/2003

Question posée en séance publique le 04/12/2003

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Henri de Raincourt. Ah !

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, après le vote d'énormes avantages fiscaux pour les entreprises et les plus gros contribuables, MM. Carrez et Marini, membres influents de votre majorité, proposent maintenant d'instaurer une amnistie fiscale, autrement dit une prime aux fraudeurs du fisc.

M. Alain Gournac. C'est affreux !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ils veulent permettre à ceux qui se sont soustraits à l'impôt, c'est-à-dire à la solidarité nationale, en transférant illégalement des capitaux à l'étranger...

M. Henri de Raincourt. Pourquoi illégalement ?

M. Jean Bizet. A cause de vous !

Mme Marie-Claude Beaudeau. ... de les rapatrier en France, moyennant un prélèvement libératoire fixé à un taux ridiculement bas.

Ils se verraient ainsi exemptés du remboursement de l'impôt dû et due toute pénalité. Pour solde de tout compte, ils s'acquitteraient d'un prélèvement inférieur à ce qu'un salarié de bonne foi qui n'a pas pu régler ses impôts à temps doit payer au seul titre des intérêts de retard.

Avec cynisme, MM. Carrez et Marini prétendent vouloir favoriser l'emploi et réhabiliter la valeur travail.

M. Philippe François. Ils ont raison !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Le monde du travail a autre chose à faire de son argent que de le placer au Luxembourg. Lui, il ne fraude pas !

Pourtant, c'est bien sur lui et sur ses représentants que s'abattent les sanctions, que se multiplient les recours patronaux devant les tribunaux pour le seul exercice de leur liberté syndicale.

M. Joseph Ostermann. Oh !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Comment peut-on affirmer que l'amnistie fiscale, cette incitation à l'incivisme, pourrait apporter de l'argent dans les caisses d'Etat ?

En revanche, c'est une formidable opportunité qui serait offerte pour le blanchiment d'argent sale, l'anonymat des retours de fonds étant au coeur de ces propositions.

Au nom de l'harmonisation européenne, c'est la course au dumping fiscal, l'alignement sur les paradis fiscaux que votre majorité propose. MM. Carrez et Marini laissent entendre que l'évasion fiscale atteint des niveaux considérables, et, en même temps, monsieur le ministre, vous supprimez 900 postes d'agents des impôts...

M. Henri de Raincourt. Ils ne servent à rien !

Mme Marie-Claude Beaudeau. ... qui pourraient être affectés à la répression de la délinquance financière.

Aujourd'hui, les entreprises ne peuvent être contrôlées par le fisc qu'une fois tous les soixante-neuf ans en moyenne...

M. Henri de Raincourt. C'est déjà beaucoup !

Mme Marie-Claude Beaudeau. ... et le secret bancaire continue à sévir.

M. Alain Gournac. C'est faux !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, irez-vous jusqu'à adresser à ceux qui spéculent contre l'emploi sur les marchés financiers mondiaux ce signal : « Trichez tranquilles, vous pourrez toujours rapatrier vos capitaux impunément ! »

M. Marcel-Pierre Cléach. C'est la lutte des classes !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, voici ma question : allez-vous désavouer cette proposition d'amnistie fiscale dont M. Alain Lambert dit qu'elle n'est pas taboue ? Pour le Gouvernement, c'est l'amnistie sociale qui semble être taboue ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 05/12/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/12/2003

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. Après l'IVG, l'ISF !

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame Beaudeau, je vous rassure, ce projet n'est pas à l'ordre du jour des réflexions du Gouvernement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais qu'en pense-t-il ?

M. Jacques Mahéas. Il émane du rapporteur général M. Carrez !

M. Francis Mer, ministre. M. Lambert l'a déclaré, et je vous le confirme. Nous avons bien trop d'autres sujets à traiter, y compris en matière fiscale !

M. Robert Bret. Les élections, par exemple !

M. Francis Mer, ministre. Quant à la « performance » de la direction générale des impôts que vous avez évoquée, selon vous, plus il y aurait d'inspecteurs des impôts, mieux les entreprises seraient contrôlées.

Sachez, madame Beaudeau, que la qualité d'un service n'est pas directement ni proportionnellement liée à la quantité des effectifs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nicole Borvo. Il faut le dire à M. Sarkozy ! S'il y avait moins de policiers, tout irait mieux !

M. Francis Mer, ministre. Vous avancez des moyennes qui n'ont pas de sens, madame. Lorsque l'on divise le nombre d'entreprises surveillées chaque année par le nombre total des entreprises, y compris les entreprises unipersonnelles, on obtient peut-être soixante-neuf ans, mais cette division n'a aucune signification.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Francis Mer, ministre. Y compris en matière de rendement fiscal, je me dois de conduire une politique ciblée sur les enjeux importants. Qu'un certain nombre de petites entreprises, voire de très petites entreprises, échappent pendant toute leur vie aux contrôles fiscaux...

Mme Nicole Borvo. Mieux vaut s'occuper de François Pinault, c'est sûr !

Mme Odette Terrade. Il n'y a que les grosses entreprises qui y échappent !

M. Francis Mer, ministre. ... c'est peut-être grave du point de vue de l'esprit civique, esprit, chacun le sait, qui nous anime tous, mais, en tout cas, ce ne l'est pas pour les finances de l'Etat.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Si vous aviez contrôlé Gemplus !

M. Francis Mer, ministre. Nous devons, dans ces domaines, mener une politique intelligente, et c'est ce que nous nous efforçons de faire.

Nous investissons beaucoup, y compris dans les services informatiques, pour améliorer la qualité de nos performances afin que le maximum d'entreprises puissent être contrôlées et d'une manière générale, afin que le plus d'argent possible entre dans nos caisses.

Cela va de soi, mais n'en tirez pas des conclusions erronées. Ce n'est pas parce que nous multiplierons par deux le nombre d'inspecteurs des impôts que nous aurons deux fois plus de rentrées fiscales ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Bernard Piras. On n'a pas dit cela !

M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas eu de réponse !

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