Question de M. PASTOR Jean-Marc (Tarn - SOC) publiée le 25/12/2003

M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'émission " Mots croisés " diffusée le 3 novembre dernier sur France 2 qui a donné l'occasion à la vice-présidente du Sénat algérien de proférer des mots extrêmement désobligeants, voire insultants à l'égard des harkis. Ces mots ont légitimement choqué les harkis, notamment les harkis du Tarn, après ceux tenus par le président de l'Algérie, alors que le 25 septembre est devenu le jour de reconnaissance de leur action et que 2003 est l'année de l'Algérie en France. Les harkis ont payé de leur personne, de leur jeunesse, de leur déracinement, de la perte d'une partie de leurs familles leur engagement aux côtés de la France. Ils n'ont pas besoin qu'on vienne chez eux, dans leur pays d'adoption, de nombreuses années après la fin du conflit, pour s'entendre dire de responsables du FLN sur une chaîne de service public qu'ils ont été des collaborateurs. Mais pour qu'ils se sentent véritablement acceptés, la France doit leur rendre justice. Les harkis attendent toujours des pouvoirs publics français non seulement une réparation liée à leur endettement, à leur retraite, aux iniquités résultant de la loi de 1970, une intégration de leurs enfants encore frappés par un taux de chômage anormalement élevé, mais aussi et au préalable une reconnaissance du choix qu'ils ont fait pour la France, incités en cela par les représentants des autorités de la métropole qui leur avaient promis que l'Algérie resterait française. Il a fallu attendre quarante ans pour que le Parlement reconnaisse à l'unanimité l'état de guerre en Algérie. Il ne faut pas attendre encore pour établir la vérité sur ce que les harkis ont vécu, sur l'accueil qu'ils ont reçu ici, souvent parqués dans des lieux d'hébergement temporaire pendant que d'autres supplétifs étaient même renvoyés en Algérie au printemps 1962 (le service historique des armées estime à 150 000 le nombre de harkis massacrés par le FLN, au su et peut-être au vu de l'armée française). Ceux d'entre eux qui ont survécu et qui endurent parfois chômage et précarité demeurent encore dans l'incompréhension et leur mal être est évidemment exacerbé par le type de propos qu'ils ont entendu prononcer à leur encontre sur les ondes françaises. Le sort des harkis pesant d'un poids exceptionnel sur la conscience de la France, il est donc primordial de faire aujourd'hui la clarté sur les conditions de la guerre d'Algérie pour rétablir leur dignité à ces concitoyens et il est indispensable que la France assume toute sa responsabilité. C'est pourquoi il lui demande ce qu'il compte faire pour l'on puisse comprendre, pour que l'on sache ce qui s'est réellement passé et pour que les harkis qui ont versé leur sang pour la République n'aient plus l'impression d'être abandonnés d'elle.

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Transmise au Secrétariat d'Etat aux anciens combattants


Réponse du Secrétariat d'Etat aux anciens combattants publiée le 26/02/2004

Ainsi que l'a annoncé le secrétaire d'Etat aux anciens combattants lors des débats sur les rapatriés qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat en décembre dernier, et suite au rapport de M. Michel Diefenbacher, un projet de loi sera déposé au Parlement dans les tout premiers mois de l'année 2004. Il concernera les rapatriés d'origine européenne, mais aussi les harkis, constituera une nouvelle étape de l'indemnisation de ces populations particulièrement éprouvées et complétera l'oeuvre de reconnaissance et de solidarité nationale envers tous les rapatriés. Il s'agira de parfaire les différentes lois d'indemnisation qui se sont succédé afin de réparer les injustices qui peuvent encore subsister et parachever les efforts de la nation amorcés par les lois de 1970, 1978 et 1987. D'ores et déjà, le Gouvernement s'est donné les moyens d'établir des relations de confiance avec les rapatriés d'origine européenne comme avec les harkis : pérennisation de la journée nationale d'hommage aux harkis et aux membres des formations supplétives et assimilées où désormais, chaque 25 septembre, la nation salue la mémoire de ces combattants valeureux ; création de la mission interministérielle aux rapatriés par le décret n° 2002-902 du 27 mai 2002, qui a permis de donner un interlocuteur aux rapatriés et de disposer d'un catalyseur pour l'action des pouvoirs publics ; création du Haut Conseil aux rapatriés par le décret n° 2002-1479 du 20 décembre 2002, qui a fourni une instance de débat, de réflexion et de proposition ; remise au Premier ministre du rapport de M. Diefenbacher en octobre 2003, qui fait un état de la situation et définit des pistes d'action pour le Gouvernement. Parallèlement, des mesures d'urgence ont été prises : mise en place, dès janvier 2003, de l'allocation de reconnaissance aux harkis, afin de leur assurer un complément de retraite d'un montant annuel de 1 372 euros porté à 1 830 euros au 1er janvier 2004, non imposable et indexé, accordé à tous les harkis ou à leur veuve de plus de soixante ans, sans condition de ressources ; augmentation de 15 points des pensions de veuves de guerre, d'invalides et de grands invalides. Une attention particulière sera portée par les grands employeurs publics - ministères en charge de la défense, de l'intérieur ou de la santé, notamment - aux candidatures des jeunes issus de familles harkies. Ces administrations seront également invitées à accompagner les préparations aux concours ou les formations aux métiers qu'elles proposent. Le dossier du surendettement des rapatriés sera également examiné, afin qu'il soit clôturé avec équité. Les dispositions applicables aux régimes de retraite seront améliorées et la situation de ceux d'entre eux qui n'auront pas bénéficié pleinement des lois d'amnistie sera étudiée. Sur le plan de la mémoire, plusieurs chantiers seront initiés : l'ouverture plus large des archives de la guerre d'Algérie ainsi que le traitement et la place de cette histoire dans l'enseignement. Enfin, pour mieux faire connaître le patrimoine, l'histoire, la culture et les traditions que portent les rapatriés, l'Etat s'associera au projet de mémorial national de l'outre-mer conçu à l'initiative du maire de Marseille. Ce mémorial, qui devrait être inauguré en 2006, présentera l'oeuvre de la France et les richesses léguées par les rapatriés et encouragera la recherche et la transmission aux jeunes générations de cet héritage historique. Le Premier ministre a, par ailleurs, annoncé que l'État était prêt à étudier la création d'une " fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats de Maroc et de Tunisie " qui rassemblerait historiens et témoins pour favoriser une approche objective et sereine de cette période si complexe. Ainsi que peut le constater l'honorable parlementaire, le Gouvernement entend donc agir résolument sur toutes les questions, matérielles et symboliques, qui concernent les rapatriés de toutes origines.

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