Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 09/01/2004

M. Roland Courteau expose à M. le ministre de la culture et de la communication que la Commission européenne, en date du 25 juillet 2001, a décidé de saisir la Cour de justice contre la France, sur les restrictions ayant pour effet d'interdire aux producteurs de boissons alcooliques l'accès aux marchés des services d'émissions télévisées, de parrainage sportif et de publicités transfrontalières. La Commission considère que le code de bonne conduite, pris en application de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, est de nature à restreindre de façon disproportionnée la fourniture de services de vente de médias transfrontalière par les organisateurs de manifestations sportives dans les autres Etats membres et a pour effet d'" empêcher les producteurs concernés d'acheter des services publicitaires et de parrainage, auprès des organisateurs de manifestations sportives, dans d'autres Etats membres ", et précise que son initiative " a trait aux effets extraterritoriaux de cette loi ". En effet, ce code, élaboré en 1995, imposé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel aux chaînes de télévision, opère des distinctions injustes et fort peu juridiques entre les manifestations multinationales et les manifestations binationales en appliquant à l'épreuve un régime différent, selon le public visé. Ainsi telle manifestation sportive à l'étranger, diffusée dans un grand nombre de pays, pourra être retransmise par les chaînes de télévision françaises, quand bien même des publicités en faveur des boissons alcoolisées viendraient à apparaître à l'écran, mais telle autre, qualifiée de binationale, fera l'objet de mesures de censure. Situation paradoxale puisque, par le biais des retransmissions télévisées de manifestations sportives qui se tiennent à l'étranger, du fait des différences de législations existantes, les marques étrangères d'alcool, y compris les alcools durs, jouissent, en particulier chez nous, d'un moyen d'accès à la notoriété qui a été interdit à nos propres produits viticoles. A la suite de nombreuses plaintes déposées, il lui rappelle que la Commission avait adressé, le 21 novembre 1996, un avis " motivé " au gouvernement français, estimant que la version finale de ce code n'était, ni sur le plan de son contenu, ni sur celui de sa forme juridique, de nature à permettre l'élimination satisfaisante des barrières qu'elle avait contestées. Il lui demande donc si le Gouvernement entend prendre des initiatives permettant de rendre compatibles, avec les règles du traité les dispositions actuellement en vigueur.

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Réponse du Ministère délégué à la coopération et à la francophonie publiée le 28/01/2004

Réponse apportée en séance publique le 27/01/2004

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, dans un communiqué en date du 25 juillet 2001, la Commission européenne précise qu'elle a décidé de saisir la Cour de justice contre la France, sur les restrictions ayant pour effet d'interdire aux producteurs de boissons alcoolisées l'accès aux marchés des services d'émissions télévisées, de parrainage sportif et de publicités transfrontalières.

La Commission considère que les mesures d'application prises en France sous la forme d'un « code de bonne conduite », en application de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, sont de nature à restreindre de façon disproportionnée la fourniture de services de vente de médias transfrontalière par les organisateurs de manifestations sportives dans les autres Etats membres, et qu'elles ont pour effet d'empêcher les producteurs concernés d'acheter des services publicitaires et de parrainage auprès des organisateurs de manifestations sportives dans d'autres Etats membres.

Si elle souligne qu'elle soutient pleinement l'objectif consistant à protéger la santé publique, la Commission précise que son initiative a trait aux effets extraterritoriaux de la loi du 10 janvier 1991, dont elle estime - je le répète - qu'ils sont « disproportionnés et donc incompatibles avec les règles du traité, en matière de liberté de prestation de services ».

Je me dois de préciser que ce code, au demeurant fort peu juridique, élaboré en 1995 par le ministère de la jeunesse et des sports et qui s'impose, par le biais du Conseil supérieur de l'audiovisuel, aux chaînes de télévision, opère des distinctions contraires à l'équité entre les manifestations sportives « multinationales » - celles qui ne peuvent être considérées comme visant principalement le public français - et les manifestations sportives dites « binationales », en appliquant à l'épreuve un régime différent selon le public visé.

Ainsi, telle manifestation sportive à l'étranger, diffusée dans un grand nombre de pays, pourra être retransmise par les chaînes de télévision françaises, quand bien même des publicités en faveur de boissons alcoolisées viendraient à apparaître à l'écran.

En revanche, telle autre manifestation, qualifiée de « binationale », fera l'objet de mesures de censure, par exemple l'interdiction de faire figurer, sur les maillots des joueurs, une publicité en faveur d'une boisson agricole, comme ce fut le cas lors d'une rencontre qui opposa, sur le sol de la Grande-Bretagne, une équipe française à une équipe anglaise.

Cette situation est pour le moins étrange, vous en conviendrez. En effet, si l'interprofession du Languedoc, car c'est d'elle qu'il s'agit, avait choisi de sponsoriser l'équipe anglaise et non pas l'équipe française, aucune censure n'aurait été applicable.

En outre, et c'est un paradoxe, par le biais des retransmissions télévisées de manifestations sportives qui se tiennent à l'étranger et du fait des différences de législation existantes, les marques étrangères d'alcool, y compris les alcools durs, trouvent un moyen, dont sont privés nos propres producteurs, d'accéder à la notoriété sur notre marché.

La Commission européenne, saisie de nombreuses plaintes, a adressé, le 21 novembre 1996, un avis motivé au gouvernement français, estimant que la version finale du code de bonne conduite n'était, ni sur le fond ni sur la forme, de nature à permettre l'élimination dans des conditions satisfaisantes, de « barrières » qu'elle avait elle-même contestées. Elle a donc décidé de saisir la Cour de justice des communautés européennes.

Dès lors, monsieur le ministre, quelle va être la réaction du Gouvernement ? Va-t-il attendre que la Cour de justice rende son jugement et s'exposer ainsi au risque d'une condamnation assortie de l'obligation de modifier les dispositions en vigueur ? Va-t-il au contraire, avant toute procédure, assouplir lesdites dispositions ?

Dans cette éventualité, monsieur le ministre, je me permets de vous rappeler les termes de la proposition de loi que j'ai déposée, avec MM. Raymond Courrière et André Vézinhet, afin d'autoriser « exclusivement des opérations de parrainage, dans le cadre, ou non, d'événements télédiffusés, pour les boissons agricoles régies par l'article 32 du traité instituant la Communauté économique européenne et énumérées aux chapitres 22-04 à 22-07 de l'annexe 1 de ce traité ».

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Jean-Jacques Aillagon, retenu ce matin par une manifestation officielle qui se tient en présence du Président de la République. Permettez-moi, monsieur Courteau, de vous communiquer la réponse qu'il aurait souhaité vous apporter lui-même.

Tout d'abord, je tiens à replacer votre question dans son contexte. L'Organisation mondiale de la santé a indiqué, en 2001, qu'en Europe un décès sur quatre frappant des jeunes de sexe masculin, âgés de quinze à vingt-neuf ans, est attribué à l'alcool.

La réglementation en vigueur a donc pour objet non pas de stigmatiser une profession particulière, mais de limiter l'abus d'alcool, en particulier chez les jeunes.

C'est la raison pour laquelle la publicité pour l'alcool est interdite à la télévision. Cette mesure paraît nécessaire pour enrayer le fléau que constitue l'alcoolisme dans notre pays.

Or, lorsque les chaînes de télévision retransmettent des événements sportifs depuis l'étranger, certains producteurs de boissons alcoolisées en profitent pour faire la publicité de leurs produits sur les panneaux implantés dans les enceintes sportives. La loi française est ainsi contournée et, avec elle, l'objectif de protection de la santé publique que je viens de rappeler.

Les pouvoirs publics, notamment le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ont donc élaboré, en 1995 - vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur - un « code de bonne conduite » avec les chaînes de télévision françaises.

Selon ce code, lorsque les chaînes retransmettent depuis l'étranger un événement sportif qui vise un public international - il s'agit de manifestations qualifiées de multinationales, les jeux Olympiques par exemple - aucune obligation spécifique n'est faite aux chaînes de télévision. A l'inverse, lorsqu'elles retransmettent depuis l'étranger un événement sportif qui vise particulièrement le public français - ce sont les épreuves dites binationales -, elles doivent mettre en oeuvre les « moyens disponibles » pour tenter d'éviter l'apparition à l'antenne de publicités en faveur de l'alcool.

Pour le Gouvernement français, le code de la santé publique et ce code de bonne conduite, apportent une réponse souple et adaptée à un problème complexe et garantissent une certaine sécurité juridique à l'égard des diffuseurs.

En outre, le code de bonne conduite, élaboré par des professionnels, est à la fois précis et proportionné à l'objectif de protection de la santé publique.

La conformité de ce code au droit communautaire reste à vérifier et fera d'ailleurs l'objet d'un examen par la Cour de justice des communautés européennes dans les tous prochains mois. A la lumière de l'arrêt qui sera rendu, le Gouvernement décidera s'il convient ou non d'adapter notre réglementation.

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