Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 22/01/2004

Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur l'importance dans la cité et le manque de moyens des centres de crise psychiatrique de proximité. Alors que l'ensemble des professionnels et des politiques menées ces dernières décennies se sont largement orientés vers des solutions alternatives à la psychiatrie asilaire, on peut craindre un retour à ce type de psychiatrie qui aurait pour conséquence une dégradation des soins, des prises en charge, et des possibilités d'accompagnement et d'insertion des patients et plus particulièrement des jeunes adolescents. Le centre de crise et l'hôpital de nuit de Choisy-le-Roi en sont des exemples flagrants. Ces derniers risquent en effet d'être fermés compte tenu de la pénurie des moyens en personnel qui se traduit par la non-compensation des départs en retraite et le non-remplacement depuis plus d'un an des infirmiers et des cadres de santé pour des raisons financières. Elle lui demande ainsi quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre en faveur de ces structures, nombre d'entre elles étant menacées, ce qui marquerait un grand retour en arrière vers des politiques d'enfermement des personnes atteintes de troubles mentaux.

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Réponse du Ministère délégué à la famille publiée le 03/03/2004

Réponse apportée en séance publique le 02/03/2004

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre délégué, sans que cette remarque soit désagréable à votre endroit, je veux exprimer mon regret de constater l'absence de M. Jean-François Mattei, puisque j'avais accepté de différer ma question à une date où il lui serait possible d'être présent.

Tous les professionnels, au travers des politiques qui ont été menées ces dernières décennies, se sont largement orientés vers des solutions alternatives à la psychiatrie asilaire. En témoignent les résultats probants obtenus par l'Italie en matière de soins psychiatriques, pays avec lequel ont été récemment organisés des rencontres avec le préfet du Val-de-Marne et la municipalité de Choisy-le-Roi.

N'oublions pas la circulaire de 1960, selon laquelle « le principe essentiel de l'organisation de la lutte contre les maladies mentales est en effet de séparer le moins possible le malade de sa famille et de son milieu ».

La plupart des malades mentaux posent des problèmes médico-sociaux importants qui ne sont pas réglés par l'hospitalisation, cette dernière les rendant parfois plus aigus encore.

L'accent doit être mis sur la réadaptation grâce à l'ouverture de structures extra-hospitalières et à une prise en charge précoce par une équipe médico-sociale qui serait également chargée de développer la prévention, tant dans le milieu scolaire que dans le milieu du travail.

Il s'agit d'assurer des soins de proximité, de les rendre accessibles et de garantir la continuité des soins. Il s'agit également de permettre aux malades de pouvoir continuer leur activité et de garder des liens avec leurs proches, avec leur ville. Cela est particulièrement vrai pour les adolescents en cas de crise.

Par conséquent, c'est toute la collectivité qui doit être associée aux soins et à l'insertion : équipes soignantes, psychiatres, psychothérapeutes, associations de familles et usagers, représentants des établissements et associations à caractère social et médico-social, hôpitaux, collectivités et élus locaux, mais aussi et surtout l'Etat. En effet, aux difficultés matérielles et en personnel s'ajoute une image de la psychiatrie trop synonyme de stigmatisation et d'exclusion des personnes souffrant de troubles mentaux.

A Choisy-le-Roi, par exemple, a été ouvert en 1982 un centre de crise avec cinq lits d'hospitalisation à temps plein, rendant possibles des hospitalisations plus brèves avec un maintien du lien social, familial et environnemental bénéfique au patient.

Ce centre de crise, rattaché au centre hospitalier Paul-Guiraud de Villejuif et permettant une hospitalisation si nécessaire, a connu une évolution considérable. Il a été renforcé par la création d'un hôpital de jour de vingt places et d'un hôpital de nuit de quatorze lits, avec une structure indépendante pour les adolescents - elle est très fréquentée - à laquelle s'ajoutent cinq places en famille d'accueil, deux appartements communautaires de trois places chacun, deux centres et un centre d'accueil thérapeutique à temps partiel.

Cette évolution a permis une intensification du nombre des prises en charge de patients, qui est passé de 600 à 1 050, et un rapprochement des lieux de soin du lieu de vie des patients.

Par ailleurs, les consultations externes à Choisy-le-Roi sont passées, ces cinq dernières années, de 7 000 à 17 726.

Or une menace pèse sur la qualité des soins dispensés dans le centre de crise et à l'hôpital de nuit de Choisy-le-Roi. En effet, les difficultés financières que connaît l'hôpital de Villejuif entraînent une pénurie des moyens en personnel qui se traduit par la non-compensation des départs en retraite et le non-remplacement, depuis plus d'un an, des infirmiers et des cadres de santé.

A ce titre, je veux souligner le manque de personnels médicaux et non médicaux et la faiblesse de leur recrutement en France dans toutes les structures psychiatriques.

Le plus inquétant est de constater le nombre de postes vacants dans le secteur de la psychiatrie et la pénurie en personnel, notamment infirmier. Cela risque d'aboutir à la fermeture de ces structures et à un grand retour en arrière vers l'enfermement. Ainsi, à Choisy-le-Roi et dans les villes environnementales, les malades seraient réorientés vers l'hôpital de Villejuif, où les locaux d'hébergement et d'accueil n'existent plus du fait du redéploiement de moyens sur Choisy-le-Roi. Ce paradoxe est inacceptable.

De belles déclarations d'intention sont faites quant à la nécessité de ces structures, mais les décisions financières ne sont pas prises pour assurer leur maintien dans de bonnes conditions, voire leur développement. Or ces structures constituent l'un des moyens, parmi d'autres, de lutter contre le suicide des jeunes, qui augmente de jour en jour.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, quelles décisions financières le Gouvernement compte prendre en faveur de ces structures de proximité. Des mesures urgentes et indispensables doivent être adoptées pour permettre aux moyens affectés aux soins d'être à la hauteur des enjeux et aux structures existantes d'être pérennisées afin d'apporter une réponse satisfaisante à la souffrance psychique à laquelle sont confrontés nombre de nos concitoyens. Il faut aller dans le sens d'une organisation des soins et de la prévention beaucoup plus ancrée dans la cité.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame Luc, je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de M. Mattei, dont vous connaissez l'attachement au débat parlementaire.

Vous avez appelé son attention sur le devenir des établissements psychiatriques, plus particulièrement sur le centre de crise et l'hôpital de nuit de Choisy-le-Roi.

Ces deux structures extra-hospitalières, rattachées à l'hôpital Paul-Guiraud de Villejuif, occupent une place très importante dans la prise en charge des patients atteints de troubles mentaux. Comme vous le soulignez à juste titre, elles permettent d'offrir une alternative à la psychiatrie asilaire.

Petites structures de proximité, elle rencontrent malheureusement certaines diffucultés de fonctionnement dans un contexte de pénurie de personnels infirmiers. Cela est particulièrement vrai pour le centre d'accueil et de crise, le CAC. Comprenant quatre lits, celui-ci doit fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre et trois cent soixante-cinq jours par an. L'hospitalisation de nuit compte, de son côté, quatorze lits. Dans ces conditions, tout départ de personnel rend extrêmement difficile le maintien d'équipes devant assurer une présence continue.

En 2003, le secteur auquel appartient le CAC de l'hôpital de nuit a ainsi connu dans son ensemble un important turn over, puisque sur dix-sept postes d'infirmiers laissés vacants seul sept ont pu être remplacés.

M. le ministre de la santé se veut cependant rassurant : même s'il existe à l'hôpital Paul-Guiraud, comme dans d'autres établissements psychiatriques, une forte pression sur l'hospitalisation à temps plein, aucun projet de fermeture n'est prévu sur les structures de Choisy-le-Roi.

Les professionnels sont conscients du rôle préventif d'unités comme les CAC, lesquels, situés en amont, peuvent éviter un certain nombre d'hospitalisations.

De manière concrète, la direction met tout en oeuvre pour pourvoir les postes vacants et compenser les absences en recourant, outre aux annonces de postes, au recrutement d'intérimaires et au paiement d'heures supplémentaires.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre délégué, j'entends bien votre réponse et j'en prends acte, mais vous ne dites pas que vous allez accorder les crédits nécessaires à un meilleur fonctionnement de ce centre, bien que vous constatiez vous-même qu'il est difficile de le faire fonctionner convenablement.

Evidemment, si vous êtes dans cette situation, c'est parce que l'Etat persiste dans son désengagement en matière de santé publique et dans le domaine de la psychiatrie. Il y a donc tout lieu d'être très inquiet, car les décisions financières ne suivent pas les déclarations d'intention.

Aujourd'hui, la crainte d'un retour à la psychiatrie asilaire, qui aurait pour conséquence une dégradation des soins, est bel et bien présente. La prise en charge et les possibilités d'accompagnement et d'insertion des patients sont de plus en plus difficiles et les cas de plus en plus nombreux.

Cela est particulièrement vrai - monsieur le ministre de l'éducation nationale, cela vous intéresse également - pour les jeunes adolescents, car il est important qu'ils puissent se retrouver dans une antenne qui leur soit réservée. Parfois, je peux en témoigner, avoir un lit, un centre au sein même de la cité peut éviter l'acte le pire qu'on puisse imaginer, c'est-à-dire le suicide.

La DDASS du Val-de-Marne effectue un travail remarquable en dépit d'un manque de moyens en personnels d'encadrement et d'entretien des locaux, et je tiens à saluer les nombreuses actions conduites par les collectivités locales dans le domaine de la santé mentale. Ainsi, le conseil général du Val-de-Marne organise chaque année une Quinzaine de la santé qui suscite un énorme intérêt de la part des médecins et des infirmières scolaires, des assistantes sociales et des parents.

Mais de telles initiatives n'exonèrent en aucune manière l'Etat, qui doit assumer ses responsabilités en s'inspirant de ces initiatives et en les prolongeant, s'agissant notamment de la formation de ces personnels - je m'adresse là à vous, monsieur le ministre de l'éducation nationale -, qui est indispensable au bon fonctionnement de ces centres et de ces hôpitaux.

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