Question de M. DEMERLIAT Jean-Pierre (Haute-Vienne - SOC) publiée le 04/02/2004

M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les difficultés engendrées par la création d'une nouvelle taxe à l'équarrissage prévue par la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003). Cette taxe remplace celle créée par la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs, qui était acquittée par la distribution, et qui est devenue contraire aux règles européennes. Il est à présent prévu que la nouvelle taxe soit collectée sous la responsabilité des abattoirs, alors qu'aucun texte d'application n'est venu préciser quel maillon de la filière doit en supporter le coût. Au cours des débats parlementaires, le ministre de l'agriculture a fait état de " l'assurance écrite du ministère de l'économie et des finances que ce coût figure en pied de facture, de manière à ce qu'il soit répercuté vers l'aval ", c'est-à-dire vers la distribution et les consommateurs, dans la logique du système précédent. Or, il s'avère que des tensions sont apparues, certaines enseignes de la distribution refusant de s'acquitter de cette taxe ; les abattoirs, qui doivent avancer au Trésor public les sommes correspondantes sous peine de se voir infliger des pénalités de retard, et de voir l'équilibre de leurs budgets gravement menacé, sont donc tentés de répercuter le coût de la taxe vers l'amont de la filière, c'est-à-dire vers les éleveurs. Ceux-ci, déjà grandement fragilisés depuis la crise de la " vache folle ", refusent à juste titre de supporter le coût de l'équarrissage. Il lui demande donc que des règles claires soient établies pour l'application de la nouvelle taxe d'équarrissage, de manière que la filière ne soit pas déstabilisée, et que les prix de vente au détail n'augmentent pas.

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Réponse du Secrétariat d'Etat au développement durable publiée le 25/02/2004

Réponse apportée en séance publique le 24/02/2004

M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le service public de l'équarrissage a été mis en place par la loi du 26 décembre 1996 à la suite de la crise de la « vache folle ». Il était en effet indispensable d'adopter des règles sanitaires plus contraignantes.

Une taxe sur les achats de viandes et d'autres produits, dite « taxe d'équarrissage », a été créée afin de le financer. Elle était due par toute personne réalisant des ventes au détail de viandes et de produits carnés ; elle pesait sur la distribution, et, bien évidemment, en fin de course, sur les consommateurs.

La dernière loi de finances a modifié le système mis en place en 1996, en raison de son incompatibilité avec les règles communautaires.

Une nouvelle taxe a été créée. Elle est due à l'Etat par les abattoirs, selon le principe « pollueur-payeur ».

Les abattoirs ne peuvent supporter ce surcoût, qui représente environ 1,34 million d'euros pour un établissement traitant 15 000 tonnes de carcasses, et sont obligés de répercuter ces nouveaux frais.

Mais, alors que l'ancien système était clair - paiement par les distributeurs -, la question centrale de la répercussion du coût de cette nouvelle taxe n'a pas été tranchée.

Certes, M. le ministre de l'agriculture nous avait assuré, lors des débats budgétaires, que ce coût serait répercuté vers l'aval de la filière, c'est-à-dire vers la distribution, dans la logique de l'ancien système.

Mais la non-parution du décret d'application ainsi que le flou de la position du Gouvernement ont engendré une situation de tension tout à fait préjudiciable à un secteur déjà durement éprouvé. En effet, prétextant l'absence de texte d'application, de nombreux distributeurs ont refusé que leur soit facturé le coût de la taxe d'abattage.

Les abattoirs, qui en tout état de cause sont redevables au Trésor public du montant de la taxe, se trouvent ainsi dans une situation financière délicate. Certains ont donc choisi de répercuter le coût vers l'amont, c'est-à-dire vers les éleveurs, en réduisant de 11 à 15 centimes d'euro le prix du kilogramme de carcasse. Les éleveurs s'en sont indignés à juste titre.

L'accord intervenu avec la grande distribution, le 23 janvier dernier, est de nature à rassurer les éleveurs et les gestionnaires d'abattoirs. Il ne règle cependant pas totalement le problème, les autres distributeurs n'étant pas parties prenantes.

Ainsi, à titre d'exemple, seulement 45 % de la taxe concernant les bovins et 20 % de celle qui concerne les porcins seraient répercutés.

La seule mesure préconisée par le Gouvernement est que les abattoirs informent leurs clients du montant de la répercussion de la taxe, par une mention en pied de facture.

Mais cette « information » n'est pas contraignante du fait de la réglementation européenne. On peut donc craindre qu'elle n'empêche pas l'épreuve de force actuelle de se poursuivre. Si le futur décret d'application ne comporte que ce type de disposition, les inquiétudes et les tensions ne sont pas près de disparaître...

Madame la secrétaire d'Etat, l'ensemble de la filière attend du Gouvernement qu'il prenne des dispositions claires et indiscutables quant à la répercussion du coût de la nouvelle taxe d'équarrissage. Il me paraît indispensable que ces mesures ne bouleversent pas les équilibres antérieurs, et surtout que les intérêts des éleveurs et des gestionnaires d'abattoirs soient préservés.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage votre souci de ne pas voir augmenter les prix de la viande au détail.

Permettez-moi de vous apporter les précisions suivantes.

Il n'appartient pas à l'Etat de désigner le ou les maillons de la filière qui doivent supporter les coûts liés au service public de l'équarrissage, le SPE. En effet, cette charge constitue la rétribution d'un service rendu. C'est une charge d'exploitation qui a vocation à être couverte par la vente de la viande.

C'est pourquoi mon collègue Hervé Gaymard a demandé, avec notre collègue chargé des finances, que l'impact sur le prix de la viande à la sortie des abattoirs soit clairement indiqué pour permettre la répercussion. Les termes de leur lettre du 29 décembre dernier seront prochainement repris dans un décret actuellement soumis au Conseil d'Etat. On note d'ailleurs qu'après des débuts difficiles cette répercussion se met en place, notamment auprès des grandes surfaces.

Les abattoirs ne font pas l'avance des sommes, le service étant rendu deux mois avant la perception de la taxe correspondante.

Toutefois, bien que le dispositif que le Parlement a voté soit entré en vigueur le 1er janvier 2004, il a été décidé, en accord avec notre collègue chargé des finances, de différer le recouvrement de la taxe d'abattage, initialement prévu à partir de ce 20 février. Cela a été officiellement confirmé aux organisations professionnelles le 19 février.

Dernier point : le prix de la viande.

Je citerai deux chiffres pour clarifier le débat. La taxe d'abattage instituée par le Parlement devrait générer 156 millions d'euros, permettant de couvrir les trois quarts du coût du SPE, le solde étant financé par l'Etat. La taxe sur les achats de viande abrogée par le Parlement a rapporté environ 500 millions d'euros en 2003. La simple comparaison de ces deux chiffres montre bien que la réforme du financement du SPE ne pourrait expliquer une augmentation du prix de la viande.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.

M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi de souligner que l'Etat a consacré 240 millions d'euros à la gestion des déchets à risques en 2001, contre seulement 48 millions d'euros en 2004.

Si je ne conteste pas la nécessité de cette nouvelle taxe, la question est de savoir par qui elle doit être financée. Elle ne doit pas l'être par les éleveurs, qui voient leurs revenus stagner, sinon régresser, ni non plus par les abattoirs, qui ont des marges extrêmement faibles. Si la moitié des abattoirs appartient au secteur public, aux collectivités territoriales, les coopératives en possèdent en réalité la plus grande partie puisque seuls 10 % d'entre eux relèvent vraiment du secteur privé.

Faire supporter le financement des abattoirs publics par leurs propriétaires, c'est-à-dire par les collectivités territoriales, se traduira par de nouveaux transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales, c'est-à-dire vers les contribuables. Et si l'on ne recourt pas aux contribuables par le biais de subventions des collectivités aux abattoirs, qui paiera en définitive ? Les intermédiaires ou le consommateur final ?

Il faut organiser une table ronde, en concertation avec la profession et les propriétaires d'abattoirs, car ce que l'on voit poindre n'est satisfaisant, à mon sens, ni pour ceux qui sont le plus en amont, c'est-à-dire pour les éleveurs, ni pour ceux qui sont en aval, c'est-à-dire pour les consommateurs.

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