Question de M. ADNOT Philippe (Aube - NI) publiée le 05/03/2004

Question posée en séance publique le 04/03/2004

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je souhaite, monsieur le ministre, revenir sur l'entrée en vigueur, d'ici à 2007, du ratio Mac Donough, qui intègre, outre le risque de crédit, le risque opérationnel recouvrant les risques imputables au facteur humain, aux systèmes, aux procédures et aux causes extérieures. Ce nouveau mode de calcul des fonds propres que doivent mobiliser les banques pour accorder des prêts aux entreprises oblige en effet celles-çi à tenir compte de la solvabilité de leurs emprunteurs. Aujourd'hui, les banques doivent mobiliser huit euros de fonds propres pour prêter cent euros à une entreprise. Avec ce ratio, elles devront justifier au minimum de trois fois plus de fonds propres pour des investissements à risque, au nombre desquels le financement des entreprises.

Si l'objectif d'une gestion plus fine des risques est louable, il aura néanmoins pour effet de modifier considérablement la façon d'allouer les fonds propres aux différentes activités d'une banque. Ce dispositif aura donc un impact sur l'économie et il est important de veiller à ce que cette contrainte réglementaire ne génère pas d'effets pervers. Outre le fait que sa mise en oeuvre est lourde, complexe et coûteuse, il fait peser de graves menaces sur l'investissement dans les sociétés non cotées.

En effet, la Bourse de Paris finance de moins en moins de PME et la réforme en cours d'Euronext va raréfier leur financement par appel public à l'épargne, Euronext ayant pour but d'accroître l'intérêt des investisseurs pour les valeurs moyennes - c'est-à-dire les sociétés ayant une capitalisation inférieure à un milliard d'euros -, ce qui représente 643 sociétés, soit 3 % des volumes traités sur Euronext.

Dans le même temps, du côté du capital investissement, les montants investis en fonds propres dans les PME non cotées sont en baisse, du fait de la domination des rachats par effet de levier. De surcroît, le capital risque connaît, lui aussi, des contraintes et les montants consacrés au refinancement des PME par les fonds de capital développement ont tendance à se spécialiser sur certaines lignes et à un certain niveau. C'est donc tout l'accompagnement du redémarrage de l'activité économique, notamment le développement des entreprises, qui doit être conforté.

Je ne méconnais pas les efforts déployés par le Gouvernement en faveur de la création d'entreprises. Toutefois, nous ne devons pas ignorer les craintes soulignées par l'étude menée par des acteurs majeurs du Private Equity en France rendue publique hier, attestant du désengagement des banques françaises sur le marché du non-coté et de besoins évalués entre dix et vingt milliards d'euros.

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Philippe Adnot. C'est pourquoi j'avais déjà, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, proposé un amendement visant à drainer une petite part de l'épargne investie en contrats d'assurance vie vers ces entreprises. Plus particulièrement, si cette idée faisait son chemin, cette réorientation pourrait-elle, du côté de l'épargnant, s'accompagner d'une baisse d'impôts dans l'esprit des « baisses ciblées » demandées par le Président de la République ? J'ai personnellement pris l'initiative de reprendre ce dossier.

Mme Nicole Borvo. La question !

M. René-Pierre Signé. C'est trop long !

M. Philippe Adnot. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si, de votre côté, vous avez engagé une réflexion sur ce sujet. Dans l'affirmative, pouvez-vous me confirmer que vous avez mis en place un groupe de travail chargé de concevoir un produit financier destiné...

M. le président. Votre temps de parole est épuisé !

M. Philippe Adnot. ... à couvrir le segment du financement de ces entreprises intermédiaires si importantes pour le dynamisme de notre économie ?

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Réponse du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 05/03/2004

Réponse apportée en séance publique le 04/03/2004

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Adnot, je voudrais d'abord rectifier le sentiment pessimiste que vous avez exprimé au début de votre question.

A la suite des événements qui se sont produits aux Etats-Unis et en Europe, de nouvelles règles sont actuellement élaborées pour inciter les banques à être plus prudentes et plus professionnelles dans l'octroi de leurs crédits, car vous savez que, quelquefois, cela se termine très mal.

Dans ce contexte, le ratio Mac Donough dont vous parlez, qui correspond aux nouvelles dispositions dites de « Bâle II », peut donner l'impression que le financement des petites et moyennes entreprises en fonds propres ou par prêts bancaires va être rendu plus difficile.

A cet égard, je voudrais vous rassurer, ainsi que tous ceux qui sont concernés par le sujet. Après une large concertation avec toutes les personnes compétentes, non seulement en France mais aux niveaux européen et international, nous sommes aujourd'hui parvenus à la conclusion que ces nouveaux ratios, cette nouvelle discipline ne sont pas de nature à influer fondamentalement sur la facilité ou la difficulté pour une banque de prêter de l'argent pour financer le projet d'une petite ou moyenne entreprise.

Par ailleurs, en ce qui concerne le capital-investissement, s'il a effectivement baissé l'année dernière, c'était uniquement en raison de l'existence d'un projet très important. En dehors de ce projet, le niveau est resté stable, pour un montant d'environ 4,5 milliards d'euros, ce qui n'est pas mal.

Vous avez évoqué les fonds d'amorçage, qui consistent à doter en fonds propres des entreprises au moment où elles démarrent, à condition que l'acteur principal, l'entrepreneur, accepte ce concours venu de l'extérieur. Il risque effectivement de se produire un défaut de fonds propres. Vous le savez peut-être, nous avons récemment signé avec la Caisse des dépôts et consignations un nouveau protocole pour consolider, sur les trois prochaines années, les 150 millions d'euros par an que nous mettons à la disposition de ce mode de financement.

Lorsque vous avez évoqué ce sujet lors de la discussion de la loi de finances, nous n'avions pas eu le temps de l'examiner en détail. Depuis, nous avons tiré les conclusions suivantes.

D'abord, nous devrons respecter les règles européennes qui imposent le libre choix des gestionnaires des sociétés d'assurance-vie en ce qui concerne les placements qu'ils réalisent à partir des primes qu'ils reçoivent.

Ensuite, nous constatons que nombreuses sont les entreprises qui, spontanément, financent d'ores et déjà des sociétés non cotées.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Francis Mer, ministre. Enfin, le groupe de travail que vous avez sollicité a démarré ses travaux voilà quelques semaines avec toutes les parties concernées. D'ici au mois de mai prochain, nous aurons la possibilité d'en reparler en termes opérationnels, et ce dans la direction que vous avez souhaitée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

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