Question de M. ROUVIÈRE André (Gard - SOC) publiée le 17/07/2004

M. André Rouvière appelle l'attention de M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale sur la situation particulièrement préoccupante de l'usine Perrier à Vergèze dans le Gard. La source Perrier représente une activité très importante pour l'économie gardoise. Le personnel ainsi que les représentants syndicaux n'arrivent pas à obtenir des précisions sur les intentions de la direction. Depuis plusieurs semaines, les syndicats souhaitent obtenir, avec la direction de Perrier, un dialogue et un accord. Jusqu'à présent, les représentants du groupe Nestlé ne semblent pas vouloir entrer dans un processus de négociations. L'importance de cette entreprise pour l'avenir de nombreuses familles l'oblige, moralement, à lui demander son intervention afin que le président-directeur général du groupe Nestlé consente à ouvrir des discussions et marque ainsi sa volonté d'aboutir à un accord sur l'avenir de cette importante entreprise gardoise. Il lui demande, en conséquence, quelles démarches il pense pouvoir entreprendre.

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Réponse du Ministère déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion publiée le 20/10/2004

Réponse apportée en séance publique le 19/10/2004

M. André Rouvière. Ma question, qui porte sur l'usine Perrier implantée à Vergèze, dans le Gard, date du 11 juin 2004. En quatre mois, la situation sur le terrain a évolué, mais les craintes et les appréhensions demeurent.

Il est bon de le rappeler, la source Perrier représente une activité très importante pour l'économie gardoise. Le personnel, les syndicats, les élus, la population n'arrivent pas à obtenir des clarifications et des précisions sur les intentions de la direction.

Les syndicats demandent l'ouverture de négociations en vue d'un accord sur l'avenir du site. Les représentants du groupe Nestlé ne semblent pas vouloir ouvrir un dialogue objectif ni avec les syndicats, ni avec quiconque.

La situation n'est - hélas ! - pas limitée à l'économie gardoise, elle pose un problème plus général et plus grave. Elle concerne des groupes prospères qui, pour accroître encore et encore leur profit, sont prêts à sacrifier l'avenir d'une ville, d'un département, d'un pays.

Le comportement des responsables du groupe Nestlé ne peut pas être réduit à un affrontement entre la direction et le syndicat majoritaire. En effet, la victoire de la direction, ce serait la défaite des ouvriers et des employés, bref, la défaite de toute une région et même de notre pays.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement doit, à mon avis, intervenir afin que les intérêts de la société Nestlé ne soient pas les seuls à être pris en compte.

Pouvez-vous me dire, madame la ministre, ce que le Gouvernement que vous représentez pense faire dans ce cas, mais aussi dans des situations comparables qui commencent à être très nombreuses en France, en Europe et dans les pays à économie développée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord de vous prier d'excuser mon collègue Gérard Larcher, actuellement retenu au ministère du travail, qui m'a chargée de vous transmettre les éléments suivants.

Vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur l'absence de dialogue entre les syndicats et la direction chez Perrier à Vergèze et sur les conséquences économiques et sociales qui pourraient en résulter.

Le groupe Nestlé Waters France avait conclu avec la CFDT et la CFE-CGC un accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Cet accord permettait de faire bénéficier environ un quart des salariés de l'entreprise d'un départ dans le cadre du dispositif de cessation d'activité de certains travailleurs salariés, le CATS. La CGT, syndicat majoritaire, avait alors fait jouer son droit d'opposition, conformément aux nouvelles dispositions législatives sur la négociation collective.

Le dialogue social qui a été récemment renoué a permis aux partenaires sociaux de parler à nouveau de l'avenir de l'entreprise, de ses projets d'investissement et de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de ses salariés. Il a débouché sur la levée par la CGT de son droit d'opposition.

Dès l'annonce de cette nouvelle, mon collègue Gérard Larcher a donné des instructions afin que les accords ayant été négociés en liaison avec le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale fassent, dans les prochaines semaines, l'objet d'une convention qui permettra aux salariés de bénéficier de tous les avantages prévus dans ces accords, en particulier pour les départs en préretraite.

M. le président. La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Etant présent sur le terrain, j'avais bien sûr déjà connaissance de ces éléments d'information. Le dialogue a en effet repris depuis l'époque où j'ai rédigé ma question, mais, au mois de juin dernier, le blocage était presque total.

Certes, l'accord intervenu est un moindre mal, mais il n'écarte pas les menaces que nous ressentons et les appréhensions qui nous habitent. Nous déplorons que toute cette affaire débouche sur une réduction du nombre des emplois, d'autant que nous ne sommes pas certains que la société Nestlé s'en tiendra là. Autrement dit, nous n'avons aucune garantie quant à la pérennité des emplois restants.

Je souhaite, bien entendu, que nous nous trompions, mais nous craignons que la société Nestlé n'envisage de procéder à ce que l'on appelle une délocalisation. Cette grave question n'intéresse d'ailleurs pas, hélas ! que ce seul groupe. On s'aperçoit, en effet, qu'elle se pose dans d'autres pays de l'Union européenne, et même outre-Atlantique.

Je voudrais, à l'occasion de cette intervention, suggérer au gouvernement dont vous faites partie, madame la ministre, de prendre l'initiative à l'échelon de l'Union européenne et de l'Organisation mondiale du commerce et de proposer la mise en place de moyens techniques qui permettraient au moins de réduire, sinon d'écarter, cette menace des délocalisations. On pourrait ainsi envisager une taxation différentielle des exportations des pays où les salaires, les niveaux de protection sociale et de protection de l'environnement seraient inférieurs à un seuil mondial moyen. En effet, ce qui est à craindre, c'est que les délocalisations n'entraînent l'appauvrissement des pays perdant de ce fait leurs industries,...

M. Roland Courteau. Très bien !

M. André Rouvière. ...sans que cela garantisse pour autant l'enrichissement des pays d'accueil.

M. Roland Courteau. Oui !

M. André Rouvière. A cet égard, certains pays, notamment issus de l'ex-Union soviétique, s'aperçoivent aujourd'hui que les délocalisations ne sont pas forcément pérennes et peuvent n'être qu'une étape avant d'autres délocalisations.

M. Roland Courteau. Exact !

M. André Rouvière. Si l'on ne prend pas des garanties à l'échelon de l'Union européenne et de l'OMC, on tendra, à mon sens, vers un enrichissement des entreprises qui délocalisent parallèlement à un appauvrissement de nos sociétés. (M. Roland Courteau applaudit.)

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