Question de M. BAILLY Gérard (Jura - UMP) publiée le 27/07/2004

M. Gérard Bailly appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la possibilité d'apporter un peu de souplesse aux règles régissant les modifications des limites territoriales des cantons, lorsque des communes adhérentes à une intercommunalité sollicitent le rattachement au canton de cette structure intercommunale et (ou) lorsque la modification rééquilibre le nombre d'habitants de ces cantons. A ce jour, en vertu de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, il appartient au Gouvernement de prendre l'initiative de la modification de ces limites par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général. Une jurisprudence constante a précisé que le Gouvernement devait respecter l'égalité devant le suffrage mais considère que ce principe peut être tempéré par des considérations historiques, géographiques et des traditions locales. Ainsi les remodelages ont surtout pour objet d'assurer une meilleure égalité en réduisant l'écart démographique entre populations des cantons d'un département. Toutefois, il semblerait opportun d'apprécier ce principe selon d'autres critères que la simple moyenne départementale. En effet, pour prendre un exemple précis dans le Jura, 24 communes ont délibéré unanimement pour accueillir 6 autres communes au sein de leur canton, ainsi que 32 autres communes qui ont unanimement délibéré pour accepter le retrait de ces communes de leur canton. Cette unanimité a été acquise au conseil général ainsi que dans chacun des conseils municipaux afin de faire correspondre les limites du canton au bassin de vie économique et d'être plus proche du chef-lieu de canton et du siège de leur intercommunalité. Or, cette modification a été refusée au motif que 2 cantons subiraient une perte de population alors que les populations de ces cantons sont en deçà des 7 316 habitants (moyenne des 34 cantons du Jura). Pourtant ces modifications auraient pour conséquence un meilleur équilibre des populations, à savoir : le canton de Conliège passerait de 6 057 à 5 819 habitants (soit moins 200 habitants) ; le canton de Saint-Laurent passerait de 5 080 à 4 695 habitants (soit moins 400 habitants) ; le canton de Clairvaux passerait de 4 372 à 4 995 habitants (soit plus 600 habitants). Ainsi, la modification souhaitée n'aurait pas pour effet d'accroître les disparités qui existaient auparavant entre cantons mais, bien au contraire, de les résorber entre cantons limitrophes. Aussi, tout en étant bien conscient que la modification des limites des cantons ne peut pas avoir pour effet d'accroître les disparités entre cantons, il lui demande si ce respect de l'équilibre démographique ne peut pas être apprécié au regard de critères plus précis que la simple moyenne départementale en permettant notamment de réduire les écarts à un niveau infra-départemental.

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Réponse du Ministère déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion publiée le 20/10/2004

Réponse apportée en séance publique le 19/10/2004

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, je tiens, moi aussi, à vous adresser mes vives félicitations et mes voeux de réussite dans votre nouvelle et haute fonction.

Madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité d'apporter un peu de souplesse aux règles régissant les modifications des limites territoriales de nos cantons. Je tiens à votre disposition des délibérations de nos communes qui, déjà, en 1888 - il y a 122 ans ! - demandaient leur rattachement à un autre canton et n'ont toujours pas obtenu satisfaction à ce jour.

Au moment où se met en place l'intercommunalité, vous comprendrez bien que les communes qui adhèrent à une autre intercommunalité sollicitent le rattachement au canton de cette structure intercommunale principale. Je souhaiterais que cet élément nouveau soit pris en considération.

Actuellement, en vertu de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, il appartient au Gouvernement de prendre l'initiative de la modification de ces limites par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général. Une jurisprudence constante a précisé que le Gouvernement devait respecter l'égalité devant le suffrage. Elle considère néanmoins que ce principe peut être tempéré par des considérations historiques, géographiques et de traditions locales. Ainsi, les remodelages ont surtout pour objet d'assurer une meilleure égalité en réduisant l'écart démographique entre les populations des cantons d'un département.

Toutefois, aujourd'hui, on sait que, pour modifier une limite cantonale, il faut que la population des cantons concernés soit supérieure à la moyenne de la population des cantons du département.

Je citerai un exemple à l'appui de ma question. Dans mon département, le Jura, la moyenne est de 7 316. Autrement dit, il est absolument impossible de modifier les limites de tout canton dont la population est inférieure à ce chiffre.

Dans ce cas précis, 24 communes ont délibéré unanimement pour accueillir 6 autres communes au sein de leur canton. De même, les 32 communes du canton auquel appartiennent ces dernières ont unanimement délibéré pour accepter leur départ.

Cette unanimité, on la retrouve également au sein du conseil général du Jura, où les 34 conseillers généraux ont voté pour accepter le changement de canton de ces communes. Quoi de plus naturel puisqu'il s'agit de rattacher ces communes à leur bassin de vie ? Elles sont très éloignées - parfois de 22 kilomètres - du chef-lieu de leur canton actuel, alors que celui auquel elles demandent d'être rattachées se situe à une dizaine de kilomètres - quatre pour l'une d'entre elles.

Mais on nous rétorque toujours que, la population de ces communes étant en dessous de la moyenne départementale, la modification est impossible.

Quelles seraient les incidences de cette modification pour les cantons concernés dans l'exemple que j'ai cité ?

Aujourd'hui, le canton de Conliège passerait de 6 057 habitants - chiffre inférieur au seuil, ce qui rend, nous répond- on, le rattachement impossible - à 5 819 habitants.

Le canton de Saint-Laurent passerait de 5 080 à 4 695 habitants.

Et le canton d'accueil, celui de Clairvaux, passerait de 4 372 à 4 995 habitants.

Nous ramènerions à 1124 la différence de population entre ces communes, aujourd'hui supérieure à 1 800 habitants. Autrement dit, on rapprocherait le poids des habitants de chacun de ces cantons.

Je vous demande donc ce qui est envisageable pour que cette règle de moyenne départementale puisse être revue, d'autant que ces six communes font partie de l'intercommunalité qui regroupe les 24 communes.

Je le répète, cela dure depuis 1888. Quelle que soit l'année - 1944, 1995, 1998 - au cours de laquelle les communes ont demandé leur rattachement à un autre canton, il leur est toujours répondu qu'à partir du moment où elles se trouvent en dessous de la moyenne départementale leur requête ne peut être acceptée.

Je demande au Gouvernement ce qui peut être fait pour mettre enfin en place une solution logique.

M. le président. Je rappelle aux auteurs des questions qu'ils ne disposent que de trois minutes pour poser leur question.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser M. Jean-François Copé, retenu à l'Assemblée nationale.

J'ai bien peur que ma réponse ne vous donne pas entièrement satisfaction.

Vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur les critères qui président à la modification des limites territoriales des cantons et j'ai bien entendu vos explications.

Comme vous l'avez souligné à juste titre, ces modalités sont soumises, ainsi que le rappelle une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, au respect du principe de l'égalité du suffrage prévu à l'article 3 de la Constitution.

Vous souhaiteriez que, à l'occasion d'un redécoupage, des critères autres que la simple moyenne départementale soient pris en compte.

Le caractère laconique de la législation issue de l'ordonnance relative à la procédure de modification des circonscriptions administratives et territoriales laisse une latitude d'appréciation suffisante pour retenir les solutions les plus adaptées à des situations locales très différentes et complexes.

En revanche, le Conseil d'Etat n'a jamais explicitement indiqué que des considérations historiques, géographiques et de traditions locales pouvaient tempérer le principe constitutionnel. Il leur a préféré la notion d'autres impératifs d'intérêt général sur lesquels les pouvoirs publics peuvent s'appuyer.

S'agissant de la demande précise que vous formulez pour trois cantons du Jura - Conliège, Saint-Laurent et Clairvaux - vous justifiez ce remodelage par la nécessité de faire correspondre la limite des cantons et celle des intercommunalités.

Ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, monsieur le sénateur, les structures intercommunales visent à la coopération entre les communes, alors que les cantons sont des circonscriptions électorales. Les unes et les autres n'ont pas nécessairement vocation à avoir des limites similaires. Ainsi, monsieur le sénateur, les deux découpages ont des finalités bien différentes.

En outre, le remodelage, quand il a lieu, a pour but de rapprocher le chiffre de la population des cantons de la moyenne départementale. Le juge administratif y veille scrupuleusement.

Or, comme vous l'avez dit, les trois cantons que vous souhaiteriez voir remodelés ne sont ni les plus peuplés, ni les moins peuplés du département du Jura. Les modifications qui pourraient être apportées à leurs limites seraient en contradiction avec la jurisprudence constante du Conseil d'Etat.

Dans ces conditions, monsieur le sénateur, il n'apparaît pas possible, en l'état, de reconsidérer les règles applicables aux modifications des limites territoriales de ces cantons.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour répondre brièvement à Mme la ministre.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, je vais être bref, mais j'ai dit tout à l'heure l'importance que j'accordais à ce souhait qui recueille l'unanimité. Aujourd'hui, on parle beaucoup de démocratie locale, de référendum local. Le cas que je vous ai cité s'inscrit dans ce contexte.

Je ne peux que demander de nouveau comment le Conseil d'Etat pourrait être sensibilisé au sujet qu'il me semble avoir suffisamment bien décrit. Que faire pour que ces populations n'attendent pas encore 122 ans avant d'obtenir satisfaction ?

Il ne s'agit pas uniquement de faire coïncider les limites des cantons avec celles de l'intercommunalité. Je sais qu'il existe bien d'autres critères. Mais, en l'espèce, c'est l'intercommunalité qui a voulu intégrer cette vallée entre deux montagnes et remodeler les choses. Dés lors, comme je l'ai démontré, chiffres à l'appui, il serait beaucoup plus logique d'avoir de nouvelles limites cantonales, avec des écarts entre les populations beaucoup plus serrés.

Je verrai comment saisir le Conseil d'Etat pour modifier cette législation.

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