Question de M. SIDO Bruno (Haute-Marne - UMP) publiée le 15/10/2004

M. Bruno Sido appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les conséquences de l'application du décret n° 2004-295 du 29 mars 2004 sur l'activité des petites agences bancaires situées notamment en zone rurale. Cette nouvelle réglementation du transport de fonds, dont l'objet parfaitement légitime et irréfutable est d'assurer une meilleure sécurité aux agents en charge du transfert, suite à une sinistre série d'attaques à main armée mettant en lumière la dangerosité de l'exercice de leurs fonctions, ne peut qu'être approuvée et soutenue dans son principe. Cependant, sa stricte application pourrait avoir des conséquences graves sur l'activité des petites agences bancaires situées en zone rurale, dont la clientèle est constituée principalement de personnes âgées et de commerçants. Il est en effet prévu que les transports de fonds par des employés des établissements bancaires soient interdits, supprimant ainsi le ramassage d'espèces et la démarche d'encaissement à domicile. Par ailleurs, les petites agences ne pourront plus effectuer d'opérations de caisse, sauf si elles sont équipées d'une installation complète de sécurité permettant d'accueillir les transporteurs de fonds et de stocker des espèces. Or, peu d'entre elles justifiant un volume d'opérations susceptible d'amortir les investissements nécessaires, cela entraînerait de facto la fermeture d'un grand nombre d'entre elles. Conscient de la nécessité d'assurer une plus grande sécurité aux transporteurs de fonds et pour ce faire d'édicter des règles qui ne peuvent souffrir d'exceptions, il apparaît cependant tout à fait souhaitable que des mesures d'assouplissement soient envisagées concernant ces petites agences bancaires rurales, recourant aux services de leurs propres employés pour circuler et rendre le meilleur service aux personnes ne pouvant se déplacer ou aux commerçants voisins. La politique de rationalisation des postes et des perceptions en zone rurale est déjà suffisamment difficile à expliquer aux habitants ruraux. Il serait particulièrement bienvenu que le Gouvernement, dans l'esprit de la loi actuellement en débat sur le développement des territoires ruraux, fasse ici un effort de prise en compte des spécificités de ces territoires. Il lui demande par conséquent les dispositions qu'il envisage de prendre pour répondre à cette attente.

- page 6777


Réponse du Ministère délégué à l'intérieur publiée le 17/11/2004

Réponse apportée en séance publique le 16/11/2004

M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur les conséquences de l'application du décret n° 2004-295 du 29 mars 2004 sur l'activité des petites agences bancaires situées notamment en zone rurale.

Cette nouvelle réglementation du transport de fonds, dont l'objet, parfaitement légitime, est d'assurer une meilleure sécurité aux agents en charge du transfert, à la suite d'une sinistre série d'attaques à main armée, met en lumière la dangerosité de l'exercice de leurs fonctions et ne peut qu'être approuvée et soutenue dans son principe.

Sa stricte application, cependant, pourrait avoir des conséquences graves sur l'activité des petites agences bancaires situées en zone rurale, dont la clientèle est constituée principalement de personnes âgées et de commerçants.

II est en effet prévu que les transports de fonds par des employés des établissements bancaires soient interdits, supprimant ainsi le ramassage d'espèces et la démarche d'encaissement à domicile.

Par ailleurs, les petites agences ne pourront plus effectuer d'opérations de caisse, sauf si elles sont équipées d'une installation complète de sécurité permettant d'accueillir les transporteurs de fonds et de stocker les espèces. Or la plupart d'entre elles ne pouvant pas justifier d'un volume d'opérations susceptible d'amortir les investissements nécessaires, cela entraînerait de facto une fermeture par manque de moyens.

Je suis bien conscient de la nécessité d'assurer une plus grande sécurité aux transporteurs de fonds et, pour ce faire, d'édicter des règles qui ne peuvent souffrir d'exceptions. Il me semble cependant tout à fait souhaitable, et non contradictoire, que des mesures d'assouplissement soient envisagées concernant ces petites agences bancaires rurales qui ont recours à leurs propres employés pour rendre le meilleur service aux personnes qui ne peuvent se déplacer ou aux commerçants voisins.

La politique de rationalisation des postes et des perceptions en zone rurale est déjà suffisamment difficile à expliquer aux habitants et aux élus. Il serait, dans ce contexte, particulièrement bienvenu que le Gouvernement, conformément à l'esprit de la loi actuellement en débat sur le développement des territoires ruraux, fasse ici un effort de prise en compte des spécificités de ces territoires.

Donner au monde rural les moyens de son avenir est une impérieuse nécessité. Les campagnes, fragiles, - le Gouvernement l'a d'ailleurs bien compris - ont grand besoin qu'on les aide au moyen d'outils adaptés, de leviers économiques qui leur permettront de préserver les services publics et privés.

C'est dans cet esprit, monsieur le ministre, que je vous demande si le Gouvernement envisage d'intégrer au dispositif en question une petite dose de pragmatisme. Comme vous le savez, les petits ruisseaux font les grandes rivières, et il y va ici du développement des territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le sénateur, toute notre action est empreinte de pragmatisme. Rien ne serait pire que d'en appeler à l'idéologie et au dogme alors même que nous savons bien que nous avons chaque fois à faire face à des problèmes spécifiques et que les situations en zone rurale ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit de secteurs périurbains ou de secteurs purement ruraux. C'est tout l'enjeu du travail que nous accomplissons ensemble.

Pour ce qui concerne l'état de la réglementation en matière de transports de fonds, vous exprimez vos préoccupations à propos des conséquences de l'application du décret du 29 mars 2004 sur l'activité des petites agences bancaires situées en zone rurale.

Ce décret élargit la possibilité de recourir aux véhicules banalisés pour le transport de valeurs. Il est donc sans incidence sur le maintien ou la fermeture d'établissements bancaires.

Ce décret a fait l'objet d'une intense concertation. La réglementation en vigueur résulte de compromis très difficiles à obtenir, mais notre démarche est tout entière inspirée du pragmatisme dont je parlais à l'instant, parce qu'il est absolument indispensable que, dans ce domaine, chacun puisse trouver des éléments de consensus. Or il y avait beaucoup de monde autour de la table : les syndicats de transporteurs de fonds, les employeurs, les donneurs d'ordre et les représentants du ministère de l'intérieur.

Je vous le dis tout net, il n'est pas facile de proposer aujourd'hui de revenir sur un accord consensuel et, encore une fois, empreint de pragmatisme.

Il faut bien avoir à l'esprit que les règles applicables aux transports de fonds par les salariés des donneurs d'ordre n'ont été modifiées ni par la loi de mars 2003 ni par le décret de 2004.

L'interdiction du transport de fonds par des employés des établissements bancaires relève de principes posés par un décret antérieur, datant du 28 avril 2000. Ce n'est donc pas une nouveauté pour les établissements bancaires, qui se sont déjà adaptés à cette contrainte.

Pour ce qui est des installations de sécurité nécessaires à l'accueil des transporteurs de fonds, là encore, la palette de solutions proposée par le décret de décembre 2000 est large.

Le sas isolé n'est pas l'unique dispositif autorisé. Des trappons permettant l'accostage latéral ou l'accolement du véhicule sont autorisés. En outre, si ces installations ne peuvent pas être réalisées, d'autres dispositifs plus souples peuvent être combinés : le coffre ou le guichet sécurisé, le système de vidéosurveillance, le système d'alarme.

Là encore, le décret de mars 2004 n'a rien changé à la réglementation existante. Par conséquent, même si certaines banques justifient par cet argument leurs décisions de fermeture, je ne suis pas dupe : la loi pour la sécurité intérieure et ce décret d'application ne sont pas la cause des fermetures d'agences.

Les clients sont néanmoins en droit de se demander si tout cela n'obéit pas plutôt à une logique de rentabilité : c'est un sujet plus vaste qui concerne l'attractivité de nos territoires.

Comme tous nos concitoyens, vous avez encore en mémoire la trop longue liste des attaques menées contre les convoyeurs de fonds, notamment entre 1998 et 2002, et vous vous rappelez les vastes mouvements de protestation des transporteurs qui en ont résulté.

Au cours de cette période, trente-sept convoyeurs de fonds ont été blessés et douze ont payé de leur vie l'exercice d'un métier périlleux. Pour éviter la répétition de ces agressions aux conséquences tragiques, nous devons nous montrer intransigeants sur l'application des règles de sécurité : il n'est pas question de nous contenter d'une « sécurité au rabais ».

Enfin, monsieur le sénateur, puisque vous avez évoqué les fermetures de services publics en milieu rural, je tiens à revenir sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Le Gouvernement avait donné un avis très favorable à un amendement du Sénat visant à améliorer la concertation et à donner aux préfets de nouveaux pouvoirs pour « initier toute action visant à garantir que l'offre d'accès aux services publics est adaptée aux caractéristiques des territoires, concourt à leur attractivité et au maintien de leurs équilibres ». C'est sur cela que nous allons nous appuyer pour faire en sorte que l'attractivité des services publics en zone rurale soit désormais une priorité absolue. Dans ce domaine, nous aurons grand besoin de la représentation parlementaire qui, sur le terrain, joue un rôle précieux, et je sais que c'est particulièrement vrai dans votre cas, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, je n'ai jamais prétendu que le décret en question était la cause des fermetures d'agences. Mais, comme tout un chacun dans cet hémicycle, je note que, trop souvent, des services au public ferment, et les banques en font partie, la réglementation les y contraignant parfois, car la rentabilité n'est pas suffisante eu égard aux équipements imposés.

Monsieur le ministre, j'ai noté que vous faisiez preuve de pragmatisme, ce dont je n'ai jamais douté, et que des adaptations en fonction des nécessités locales étaient envisageables, sinon possibles. Il faudra, je pense, en discuter avec les préfets pour que, finalement, les agences ne ferment pas.

Aujourd'hui, les populations vivant dans les zones rurales assistent à un véritable bouleversement de l'organisation du territoire : les postes ferment les unes après les autres, même si certaines sont transformées en « points Poste », les perceptions se réorganisent... Mon seul souci était d'attirer votre attention afin que vous n'en rajoutiez pas ! Mais je vous remercie, monsieur le ministre, de votre ouverture d'esprit.

- page 7928

Page mise à jour le