Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 03/12/2004

Question posée en séance publique le 02/12/2004

Mme Eliane Assassi. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

A en croire les débats que suscitent, au sein de la Haute Assemblée, le budget pour 2005, une partie de la population serai, en France, brimée, maltraitée, persécutée, soumise à une injustice flagrante : je veux parler des 300 000 personnes assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF.

Elles sont, semble-t-il, injustement taxées, alors même que « leur richesse fait vivre notre économie ». Ces malchanceux soumis à l'ISF se verraient contraints, pour survivre, de délocaliser, voire de fuir à l'étranger.

Dois-je vous rappeler qu'en France trois millions de personnes, soit une personne sur vingt, vivent avec moins de 579 euros par mois? Que plus de 3 millions de personnes sont au chômage ? Que 10 millions de personnes subissent la précarité ? Que le phénomène des working poors- ces personnes qui travaillent, mais qui ne peuvent pas vivre de leur maigre salaire - se banalise ? Que 3 millions de personnes sont sans-abri ou vivent dans des conditions de logement insalubre ? Que 2 millions d'enfants vivent sous le seuil de la pauvreté ?

Vous semblez avoir intégré la différence entre nos concitoyens les plus pauvres et nos concitoyens les plus riche, puisque vous menez une politique différente selon ces deux catégories.

Pour ceux de nos compatriotes qui sont les plus aisés, après avoir l'année dernière, baissé de 1 % des tranches du barème de l'impôt sur le revenu, cette année vous vous apprêtez à voter un allégement de quelques centaines de millions d'euros sur l'ISF et sur les droits de succession.

M. Laurent Béteille. Il y a les classes moyennes, aussi !

Mme Eliane Assassi. Les autres - et je pense qu'ils sont les plus nombreux - sont sans cesse taxés dans le domaine fiscal comme dans celui de la protection sociale, qu'il s'agisse des retraites, de l'assurance maladie, de la hausse du plafond hospitalier, du déremboursement des médicaments, de l'euro supplémentaire lors des consultations (Exclamations sur les travées de l'UMP),...

M. Dominique Braye. Qu'est-ce que vous avez fait, vous ?

Mme Eliane Assassi. ... de la hausse de la fiscalité locale, des augmentations des loyers, des majorations des tarifs des mutuelles et des compagnies d'assurances ou encore de la remise en cause des allocations chômage.

M. Bernard Fournier. La question !

Mme Eliane Assassi. Certes, j'ai bien noté que la prime de Noël pour les plus démunis allait être reconduite.

M. Dominique Braye. Les pauvres ? C'est grâce à la gauche !

Mme Eliane Assassi. Or, vous le savez très bien, cette prime est très nettement insuffisante au regard des besoins des familles.

M. le président. Veuillez poser votre question, madame !

Mme Eliane Assassi. J'y viens, monsieur le président.

M. Bernard Fournier. Deux minutes !

Mme Eliane Assassi. Ne pensez-vous pas qu'en termes de justice sociale et pour l'emploi, il serait plus juste d'augmenter les salaires, le SMIC, les indemnités chômage et les minima sociaux ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. La question !

M. Dominique Braye. Le temps de parole est écoulé !

Mme Hélène Luc. Un peu de politesse, messieurs, laissez parler notre collègue !

M. le président. Ma chère collègue, veuillez maintenant poser votre question, s'il vous plaît !

Mme Eliane Assassi. Nous faisons une autre proposition : pourquoi ne pas reverser immédiatement aux foyers fiscaux, exonérés de l'impôt sur le revenu ou imposables en première tranche, la somme de 300 euros prise sur les placements financiers des entreprises et des banques, et en taxant les prêts accordés par les banques pour les délocalisations ?

Les ressources ainsi dégagées s'élèveraient, d'après les évaluations, à 5 milliards d'euros, de quoi répondre largement à cette revendication.

M. Alain Gournac. La question !

Mme Eliane Assassi. D'où ma question, monsieur le ministre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, nos collègues font tellement de bruit qu'ils couvrent la voix de l'orateur !

Mme Eliane Assassi. Est-ce une mesure que votre gouvernement est prêt à prendre ?

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Réponse du Ministère délégué au budget et à la réforme budgétaire publiée le 03/12/2004

Réponse apportée en séance publique le 02/12/2004

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Madame la sénatrice, si je vous comprends bien, vous proposez la création d'une prime de 300 euros en faveur des plus défavorisés, prime qui serait financée par une fais un rapide calcul et que je multiplie cette somme par les 16 millions de foyers exonérés d'impôt sur le revenu, ...

Mme Hélène Luc. Eh oui !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... je constate que ce que vous proposez coûterait pratiquement 5 milliards d'euros. Me demander cela aujourd'hui, alors que nous avons achevé, ici même, la nuit dernière - à trois heures du matin, rappelez-vous - l'examen de la première partie du projet de loi de finances dans laquelle nous proposons aux Français un budget en 2005 qui non seulement permet de réduire les déficits, de maîtriser la dépense publique,...

Mme Nicole Borvo. Toujours sur le dos des mêmes !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... mais aussi de mener une politique sociale ambitieuse, vraiment, c'est un peu sévère !

Votre mesure est de surcroît très antisociale, madame la sénatrice, parce que, à l'examen, on constate qu'à force de vouloir taxer les activités bancaires, vous risquez en réalité de pénaliser 45% des foyers défavorisés qui recourent aujourd'hui aux prêts bancaires. Car c'est naturellement sur leurs taux que votre proposition va se traduire.

Mme Nicole Borvo. Oh !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est tout à fait regrettable et me laisse à penser que, de temps en temps, il est bien que la France ne soit pas gouvernée par les communistes. (Rires sur les travées de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. Proposez un autre financement !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Finalement, depuis deux ans et demi, nous avons mené une politique sociale qui pourrait susciter votre adhésion.

M. Raymond Courrière. Je ne sais pas si mes oreilles entendent bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mais considérez plutôt ce que nous avons fait.

Nous avons augmenté le SMIC de 11%, ce dont un million de personnes ont bénéficié. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Nous avons élargi la prime pour l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Nous avons lancé un programme extrêmement ambitieux de construction de logements, ...

Mme Nicole Borvo. Pour combien de personnes ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... dix fois plus que ce qui se faisait du temps de M. Jospin. (Applaudissements sur les mêmes travées.- Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo. Personne ne peut le croire !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et tout cela, madame la sénatrice, en tenant nos équilibres budgétaires et sans augmenter les impôts, puisque nous les baissons même.

Voyez-vous, madame la sénatrice - et ce sera mon dernier mot sur ce sujet - nous sommes tous à la recherche d'un modèle social équilibré. Or, et je veux vous le dire avec force, il nous semble qu'une politique sociale moderne...

Mme Eliane Assassi. L'ISF en fait partie !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... se mesure non pas au nombre de personnes aidées, mais au nombre de personnes qui n'ont plus besoin d'être aidées ! C'est en ce sens que nous travaillons.

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