Question de M. PONIATOWSKI Ladislas (Eure - UMP-R) publiée le 03/12/2004

Question posée en séance publique le 02/12/2004

M. Ladislas Poniatowski. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, nous avons été nombreux sur les travées du Sénat à avoir été sidérés d'apprendre, la semaine dernière, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait donné l'autorisation à la chaîne de télévision Al-Manar de diffuser sur notre territoire.

M. Didier Boulaud. Que fait Baudis ?

M. Ladislas Poniatowski. Auparavant, par satellite, cette chaîne pouvait être reçue par quelques milliers de foyers mais, du jour au lendemain, grâce au CSA, elle peut en toucher plus de trois millions.

Or, mes chers collègues, je veux vous rappeler que cette chaîne de télévision est l'instrument de communication du Hezbollah, ...

M. René-Pierre Signé. Et Baudis ?

M. Ladislas Poniatowski. ...c'est-à-dire un groupe qui défend le terrorisme.

M. François Autain. Le racisme ! L'antisémitisme !

M. Didier Boulaud. Remplacez Baudis par Douste-Blazy !

M. Ladislas Poniatowski. Dans les programmes diffusés, on n'hésite pas à appeler à la haine, à l'assassinat des juifs.

M. René-Pierre Signé. Que fait Baudis ?

M. Ladislas Poniatowski. On y montre aussi, de manière caricaturale, dans des feuilletons destinés aux plus jeunes, des rabbins qui boivent le sang d'enfants, mes chers collègues !

M. François Autain. Absolument !

M. Ladislas Poniatowski. On y appelle également au lynchage des homosexuels, on défend des positions rétrogrades quant aux droits de la femme.

Or, monsieur le Premier ministre, le CSA savait tout cela le 19 novembre dernier, lorsqu'il a pris la décision d'accorder cette autorisation. En effet, ses membres avaient visionné un certain nombre d'extraits de ces programmes, et c'est par un vote à bulletins secrets, par six voix contre trois, qu'ils ont donné leur feu vert.

Onze jours après, arriva ce qui devait arriver, mes chers collègues : cette chaîne n'ayant pas le moins du monde modifié ses programmes, le week-end dernier, elle a de nouveau diffusé des appels à la haine.

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement, par la voix de M. Renaud Donnedieu de Vabres, a eu raison de déclarer que ce l'on avait pu voir était honteux, mais il faut aller plus loin. On ne peut pas attendre une éventuelle décision du Conseil d'Etat d'ici à Noël. Il y va de la sécurité dans nos banlieues, qui sont fragiles ; il y va aussi de l'honneur de la France et du respect des droits de l'homme qu'elle incarne dans le monde.

Monsieur le Premier ministre, vous l'aurez compris, plus qu'une question, c'est une demande que je formule : il faut immédiatement mettre un terme à ces émissions.

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Réponse du Premier ministre publiée le 03/12/2004

Réponse apportée en séance publique le 02/12/2004

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur Signé, quand il s'agit de racisme ou d'antisémitisme et que l'on défend la République, on n'est jamais embarrassé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Car quoi de plus contraire à la République que le racisme et l'antisémitisme ? C'est pour cette raison que nous les combattrons, ardemment, puissamment, avec conviction !

Hier, je me suis entretenu avec M. Dominique Baudis ...

M. René-Pierre Signé. Il fallait en effet le convoquer !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... de ce sujet. Je connais la série Diaspora, je l'ai d'ailleurs fait projeter à un certain nombre de personnalités pour qu'elles puissent mesurer les sentiments d'émotion et de révolte qu'un tel programme peut provoquer.

Personnellement, en tant que chef du Gouvernement, ...

M. René-Pierre Signé. Ah, il est le chef !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... je partage et l'émotion et la révolte.

Je tire trois conséquences de cette situation.

Premièrement, les programmes d'Al-Manar sont, en effet, monsieur Poniatowski, incompatibles avec nos valeurs. Il est clair qu'ils ne peuvent que conduire à la résiliation de la convention passée entre le CSA et la chaîne. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Deuxièmement, puisque nous n'avons pas les moyens juridiques d'intervenir immédiatement, car le droit a quelquefois ses lenteurs, je vous soumettrai très prochainement, mesdames, messieurs les sénateurs, un projet de loi tendant à nous donner les moyens d'interrompre immédiatement de tels programmes qui portent en eux la haine, la violence et l'indignité humaine.

M. René-Pierre Signé. Et Baudis ?

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous devons avoir la capacité juridique de suspendre immédiatement la diffusion de tels programmes. Nous allons donc nous doter, dans les semaines à venir, de l'outil législatif nécessaire.

Troisièmement, comme il s'agit d'une diffusion par satellite, ces programmes sont retransmis partout en Europe. Avec M. Renaud Donnedieu de Vabres, nous avons saisi les autorités de l'Union européenne pour faire inscrire cette question à l'ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil européen, afin que nous apportions, ensemble, une réponse européenne à cette propagande de la haine.

Telles sont les actions que nous allons conduire pour faire face à la propagation d'idées inacceptables. Je suis certain que, sur toutes les travées, nous avons cette même conviction, qui doit être également partagée par tous nos partenaires européens.

M. René-Pierre Signé. Tout à fait ! Nous sommes d'accord !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. En Europe, on doit aussi savoir se souvenir : toute civilisation qui oublie son passé se condamne à le revivre !

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