Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - UMP) publiée le 28/01/2005

Question posée en séance publique le 27/01/2005

M. Roger Karoutchi. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je n'utiliserai sûrement pas les deux minutes trente du temps de parole qui m'est imparti, ce qui laissera davantage de temps au Premier ministre pour y répondre.

Monsieur le Premier ministre, depuis quelques semaines, nous assistons à des sessions budgétaires régionales au cours desquelles sont prévues des hausses moyennes de fiscalité qui se situent entre 15 % et 60 %.

M. Roland Muzeau. Grâce à vous !

M. Jacques Mahéas. Grâce à la décentralisation !

M. Alain Gournac. Attendez la suite !

M. Roger Karoutchi. Nos collègues socialistes s'empressent d'imputer la responsabilité de ces hausses à la décentralisation. Les situations sont très différentes selon les régions. Mais, aux dires de certains - l'Association des régions de France et d'autres : il n'y a qu'un coupable : le Gouvernement ; il n'y a qu'un coupable : la décentralisation.

M. René-Pierre Signé. Vous avez été battus !

M. Roger Karoutchi. Cependant, très vite, les présidents de région socialistes se sont rendu compte que cela ne tenait pas. Et, aujourd'hui, ils ne parlent plus trop de décentralisation : ils mettent en cause le désengagement de l'Etat, globalement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Raymond Courrière. C'est l'héritage !

M. Roger Karoutchi. Or la progression des compensations et des dotations financières que les régions percevront en 2005 sera strictement liée à celle de l'inflation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Raymond Courrière. Et les contrats de plan Etat-région ?

M. Roger Karoutchi. Il est donc nécessaire, mes chers collègues, d'être sincère et de rétablir la vérité : les régions supporteront-elles des charges nouvelles en raison des transferts, ou bien, en réalité, les présidents de région se saisissent-ils de l'impôt Raffarin pour dissimuler l'impôt Huchon, l'impôt Royal, l'impôt Patriat, l'impôt Frêche, etc.

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Réponse du Premier ministre publiée le 28/01/2005

Réponse apportée en séance publique le 27/01/2005

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur Karoutchi, vous avez raison de poser cette question. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. C'est vous qui l'avez rédigée !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je partage votre préoccupation. En 2005, les transferts prévus au titre de la décentralisation de l'Etat vers les régions s'élèveront à 404 millions d'euros. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Et les TOS ! Et les DDE !

M. Raymond Courrière. Les plans Etat-région !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. On commet une erreur en vouloir faire croire que la décentralisation coûte cher aux citoyens.

M. Raymond Courrière. Elle coûte très cher !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. En réalité, ce sont des promesses électorales et un certain nombre de dépenses mal maîtrisées qui, aujourd'hui, conduisent les régions à cette augmentation de la fiscalité. (Marques d'approbation et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations et rires sarcastiques sur les travées socialistes.)

Il suffit d'ailleurs d'appeler l'objectivité en arbitrage : depuis la décentralisation Mauroy-Defferre, la fiscalité des régions socialistes a toujours été plus élevée que celle des régions dirigées par l'actuelle majorité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Cela ne date pas d'aujourd'hui ! Lorsque j'ai présidé la région Poitou-Charentes, j'ai pu constater que, dans la région Limousin et dans la région Aquitaine, les impôts étaient toujours plus élevés. C'est une vieille histoire : les socialistes financent la dépense par l'augmentation de l'impôt, et non pas par la recherche d'économies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste, qui vont devenir un bruit de fond continu, de plus en plus fort, jusqu'à couvrir la voix du Premier ministre.)

Je vous en prie, faites preuve d'un peu de décence, vous qui avez transféré l'allocation personnalisée à l'autonomie aux départements sans la financer ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Les protestions sur les travées du groupe socialiste s'intensifient, rendant le Premier ministre difficilement audible.) Comment les enfants de Pierre Mauroy et de Gaston Defferre peuvent-ils se contredirent à ce point ? C'est incroyable ! Je n'en crois pas mes oreilles ! (Les paroles du Premier ministre se perdent dans le tumulte des protestations sur les travées du groupe socialiste et des marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Bel. Assez !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il est un argument décisif ! Certaines régions sont dirigées par la gauche, d'autres le sont par la droite. Regardez en Corse, en Alsace : l'augmentation est inférieure à 4 %, ce qui est bien en deçà de ce que fait la gauche. (Le brouhaha persiste.)

C'est irréfutable ! Je sais bien que les chiffres sont gênants, mais telle est la vérité. Il est de la dignité des élus locaux d'assumer leurs responsabilités ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Présentez-vous aux élections !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. La décentralisation, c'est une responsabilité ! (Protestations ironiques sur les travées du groupe socialiste. - Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Ce qui m'inquiète, c'est la stratégie du mistigri : je passe ma responsabilité aux autres !

M. Raymond Courrière. Vous êtes mauvais perdant !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je le dis aux citoyens, à tous ceux qui nous écoutent : l'impôt porte le nom de celles et ceux qui le votent (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Aux protestations, les sénateurs socialistes ajoutent des marques d'impatience.).

M. Jean-Pierre Bel. Et le respect du temps de parole ! Chacun a droit à deux minutes et demie, pas davantage ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. L'impôt portera le nom des présidents de région socialistes qui, conformément à leurs habitudes politiques, auront fait appel à cette procédure fiscale.

En dernier lieu, je veux dire combien je suis inquiet de voir que le parti socialiste engage aujourd'hui les présidents de région dans des processus préoccupants pour l'équilibre de la République. (Protestations véhémentes contre le dépassement du temps de parole sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le Premier ministre !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. La décentralisation, mesdames, messieurs les sénateurs...

M. Jean-Pierre Bel. Cela suffit !

M. Henri de Richemont. Ecoutez-le !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il est des moments où l'on fait du bruit pour masquer la pensée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Le tumulte s'amplifie sur les travées du groupe socialiste, plusieurs sénateurs socialistes pointent du doigt leur montre.)

La décentralisation, ce n'est pas l'opposition des régions à l'Etat, c'est la différence (Aux vociférations des sénateurs socialistes s'ajoutent les bruyantes approbations des sénateurs de l'UMP.) Ce qui est important, c'est que la République est indivisible.

M. Jean-Pierre Bel. Rappel au règlement ! (Plusieurs sénateurs socialistes se lèvent.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Mais les régions sont différentes - par exemple la Bretagne, la Franche-Comté, l'Ile-de-France - et il faut en tenir compte. Cette coalition régionale qui veut s'opposer à l'Etat agit en contradiction avec l'esprit de la décentralisation, avec l'organisation décentralisée de la République. (Les sénateurs socialistes martèlent leur pupitre. - Les sénateurs de l'UMP protestent vivement.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le Premier ministre !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Ils ne réussiront pas à me faire taire ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. - Les sénateurs socialistes continuent de marteler leur pupitre.)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, présidez !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Ma dernière inquiétude, c'est de voir le désengagement des régions socialistes. Quand je vois la Bretagne casser Ouest Atlantique, pôle majeur d'aménagement du territoire, quand je vois le Langedoc-Rousillon casser le pôle scientifique de chimie, quand je vois la région Poitou-Charentes casser la politique de création d'entreprises, je me dis que c'est une politique fiscale de démolition, de recul et de désengagement régional. (Les paroles se perdent dans le tumulte.)

Regardez l'attitude républicaine que vous avez : le bruit plutôt que l'argument ! (Sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent vivement. - Exclamations indignées et sifflets sur les travées du groupe socialiste.)

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