Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOC) publiée le 02/03/2005

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille sur la situation des femmes auxquelles du dystilbène (DES) a été prescrit, et de leurs enfants. Ces femmes ont dû mener des actions judiciaires très longues pour obtenir enfin de premières réparations aux lourds préjudices qu'elles ont subis. Le Parlement a adopté l'article 32 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale, qui dispose que les filles de ces femmes, bénéficient d'un congé de maternité à compter du premier jour de leur arrêt de travail dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Celles-ci attendent légitimement que ce décret soit publié dans les meilleurs délais. Elles ne comprendraient pas que l'application de cette disposition désormais inscrite dans la loi soit subordonnée à de nouvelles procédures, ou à la résolution d'autres problèmes. Elles font observer, de surcroît, que tout retard dans l'application des dispositions votées aurait pour effet de réduire le nombre de personnes susceptibles de bénéficier de la mesure inscrite dans cet article de loi. Il lui demande, en conséquence, de bien vouloir lui indiquer à quelle date il compte publier ce décret.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes handicapées publiée le 23/03/2005

Réponse apportée en séance publique le 22/03/2005

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite revenir sur la situation des femmes auxquelles du Distilbène a été prescrit, et sur celle de leurs enfants.

Ces femmes ont dû mener des actions judiciaires très longues - pendant quinze ans - pour obtenir, enfin, une possibilité de réparation des lourds préjudices qu'elles ont subis.

L'article 32 de la loi de financement de la sécurité sociale du 20 décembre 2004 dispose que les filles de ces femmes « bénéficient d'un congé de maternité à compter du premier jour de leur arrêt de travail dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Ces femmes et les associations représentatives du réseau DES France attendent légitimement que ce décret soit publié dans les meilleurs délais. Elles ne comprendraient pas que l'application de cette disposition, désormais inscrite dans la loi, soit subordonnée à de nouvelles procédures ou à la résolution d'autres problèmes.

Elles font observer, de surcroît, que tout retard dans l'application des dispositions votées aurait pour effet de réduire le nombre de personnes susceptibles de bénéficier de la mesure inscrite dans la loi.

Madame le secrétaire d'Etat, à quelle date compte-vous publier ce décret tant attendu ?

J'ajoute qu'il doit être établi que les personnes bénéficiaires de la mesure sont bien des filles de femmes ayant absorbé du Distilbène. Or il est clair que, si l'on posait des conditions draconiennes et que l'on exigeait, par exemple, de fournir l'ordonnance qui a été prescrite à la mère de la personne concernée, cela créerait des problèmes inextricables.

La procédure doit être simple : le gynécologue pourrait par exemple attester que la femme est effectivement concernée et qu'elle peut donc bénéficier de la disposition inscrite dans la loi.

Je précise en tout cas que nous serons très attentifs à la date de publication de ce décret.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, les enfants des femmes traitées il y a plus de vingt ans pendant leur grossesse par le Distilbène ont été soumis pendant leur vie intra-utérine aux effets de cette hormone.

Les conséquences en sont maintenant bien connues et il est nécessaire, plus que jamais, d'améliorer la prise en charge de ces femmes, dont le désarroi ne peut laisser personne insensible.

On estime que 160 000 femmes ont été traitées en France par le Distilbène pendant leur grossesse pour prévenir les avortements spontanés et les hémorragies gravidiques. On évalue ainsi le nombre des enfants nés de ces grossesses à 80 000 filles et 80 000 garçons exposés in utero.

Le pic de prescription est situé à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix. Les patients exposés in utero ont donc aujourd'hui un âge compris entre vingt-huit et cinquante-six ans.

Le problème majeur, aujourd'hui, concerne les femmes en âge de procréer et leurs difficultés de mener à bien leurs grossesses. Pour autant, le plan d'action mis en place par le Gouvernement, sensible aux difficultés de ces femmes, couvre également les autres troubles de l'appareil génital, comme les risques d'adénocarcinome et les problèmes de fertilité rencontrés par ces femmes et ces hommes.

Ce plan, qui vise également à mieux connaître les conséquences sur la troisième génération - on ne les a pas encore évaluées -, comporte plusieurs axes.

Il tend tout d'abord à améliorer les connaissances épidémiologiques sur les complications dues à cette exposition pour la deuxième et troisième génération.

Il vise ensuite à intensifier les actions d'information déjà diffusées par le ministère de la santé auprès des médecins pour les sensibiliser à la reconnaissance de ces troubles, en lien avec l'association représentant les patients exposés.

Sont également prévues la poursuite du soutien financier à cette association, ainsi que la création éventuelle de pôles de référence destinés à concentrer l'information, à favoriser le suivi des personnes exposées, mais aussi la recherche clinique et la formation.

Enfin, le dernier axe du plan d'action est l'amélioration des conditions de prise en charge financière, pendant leur grossesse, des femmes exposées, qui s'est traduite par la disposition de la loi de financement de la sécurité sociale du 20 décembre 2004 que vous avez évoquée, monsieur le sénateur. Cette loi a ainsi institué, dans son article 32, le principe d'un congé spécifique et supplémentaire pour les femmes qui ont été exposées au Distilbène lors de la grossesse de leur mère.

L'élaboration du décret d'application nécessite néanmoins de définir au préalable les critères médicaux permettant de cibler toutes les femmes concernées et de définir les conditions dans lesquelles ces femmes bénéficieront de ce congé, sans pour autant faire référence à des éléments de preuve administrative ou de prescription qui compliqueraient trop le dispositif.

Une prochaine réunion avec les spécialistes de cette question, fixée le 5 avril prochain, devrait permettre de fournir ces éléments, indispensables à la finalisation du décret auquel vous faites allusion. A l'issue de cette réflexion, des échanges seront menés avec l'assurance maladie et les associations concernées, avant transmission du projet ainsi finalisé au Conseil d'Etat pour examen.

Pour répondre précisément à votre question, monsieur le sénateur, je vous indique que, compte tenu de la nécessité de ces concertations - elles sont incontournables, vous l'avez compris -, la publication de ce décret devrait intervenir, en tout état de cause, avant le mois d'août 2005.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de votre réponse.

Le problème est en effet douloureux. Il est ancien, et il est normal que les femmes concernées demandent justice et obtiennent l'application de la loi.

Il est tout à fait positif que soit mis en oeuvre l'ensemble du plan d'action dont vous venez d'évoquer toutes les données. Mais ces femmes n'auraient sans doute pas compris que l'on attende la finalisation du plan d'action pour mettre en oeuvre une disposition qui a été adoptée et qui fait donc partie, à ce titre, de la loi.

C'est pourquoi j'avais plaidé auprès de votre ministère pour que l'on dissocie les choses : l'application d'une disposition de la loi n'empêche évidemment pas de travailler sur le plan d'action, qui est extrêmement nécessaire et judicieux.

A cet égard, le fait que vous ayez annoncé aujourd'hui que le décret serait pris avant le mois d'août 2005 est un engagement fort, qui sera reçu comme tel. Nous ne doutons pas qu'il sera tenu. Si le processus est encore plus rapide, madame la secrétaire d'Etat, sachez que toutes les femmes concernées vous seront reconnaissantes !

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