Question de M. AUBAN Bertrand (Haute-Garonne - SOC) publiée le 18/03/2005

M. Bertrand Auban attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les suppressions d'emploi annoncées et sur le risque de disparition de l'entreprise Isochem, à Toulouse. L'entreprise Isochem, filiale de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), subit depuis 2001 les conséquences de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse. Il rappelle qu'Isochem (ex-SNPE) n'a pas été mise en cause dans cette catastrophe industrielle. Mais par mesure de précaution son activité principale de production et d'utilisation de phosgène a été interdite à Toulouse. Deux plans sociaux en 2002 et 2003 ont supprimé 402 puis 14 emplois. Un troisième plan social annoncé fin janvier 2005 prévoit 103 suppressions de postes sur les 181 restants, plus la mise sous cocon de l'atelier pharmaceutique, de l'atelier hydrazines et de l'atelier F 1 (chimie), ne conservant que deux activités de production à l'atelier perchlorate d'ammonium et l'atelier N 2 (chimie fine en gros volume). Ces deux activités ne seront pas viables à terme car le perchlorate d'ammonium est un produit en fin de vie, et le vivier de l'atelier N 2 est l'atelier F 1 mis sous cocon. La mise sous cocon d'outils industriels de chimie fine et pharmaceutique conduit au vieillissement accéléré de ces outils, à la perte de compétences et à leur condamnation à terme. En contrepartie de l'arrêt de l'activité phosgène, la SNPE et Isochem ont reçu de l'Etat 300 millions d'euros et 50 millions en recapitalisation pour redéployer l'activité vers la chimie fine. Ces sommes n'ont été utilisées que pour financer les plans sociaux. Enfin Isochem a rejeté en décembre 2004 une proposition de reprise de l'atelier pharmaceutique par un établissement pharmaceutique régional d'envergure nationale, qui sauvait 40 des 103 postes. Il craint que ces éléments ne présagent une volonté du groupe SNPE de fermer le site Isochem de Toulouse, alors que tous les acteurs locaux, collectivités et institutions, ont maintes fois manifesté leur soutien pour le maintien de l'activité de chimie fine et de chimie pharmaceutique. C'est pourquoi il lui demande une intervention forte du Gouvernement auprès de la SNPE pour que l'argent public alloué soit utilisé comme prévu à des fins de redéploiement de l'activité et de sauvegarde des emplois et non pas à financer des plans sociaux. Il lui demande également comment le Gouvernement appréhende globalement ce dossier afin de préserver et développer l'emploi et l'activité industrielle d'Isochem à Toulouse. Il lui demande enfin, le cas échéant, des mesures de reclassement innovantes en faveur des 103 salariés dont le poste risque d'être supprimé.

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Réponse du Secrétariat d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité publiée le 04/05/2005

Réponse apportée en séance publique le 03/05/2005

M. Bertrand Auban. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur les suppressions d'emplois annoncées et sur le risque de disparition de l'entreprise Isochem à Toulouse.

L'entreprise Isochem, filiale de la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE, subit depuis 2001 les conséquences de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse.

L'entreprise Isochem n'a pas été mise en cause dans cette catastrophe industrielle. Mais, par mesure de précaution, son activité principale de production et d'utilisation de phosgène a été interdite à Toulouse.

Deux plans sociaux en 2002 et en 2003 ont supprimé 402 puis 14 emplois. Un troisième plan social annoncé fin janvier 2005 prévoit 103 suppressions de postes sur les 181 restants, plus la mise sous cocon de l'atelier pharmaceutique, de l'atelier hydrazines et de l'atelier Fl - chimie -, ne conservant que deux activités de production à l'atelier perchlorate d'ammonium et l'atelier N2 - chimie fine en gros volume. Ces deux activités ne seront pas viables à terme, car le perchlorate d'ammonium est un produit en fin de vie, et le vivier de l'atelier N2 est l'atelier Fl mis sous cocon. La mise sous cocon d'outils industriels de chimie fine et pharmaceutique conduit au vieillissement accéléré de ces outils, à la perte de compétences et à leur condamnation à terme.

En contrepartie de l'arrêt de l'activité phosgène, la SNPE et Isochem ont reçu de l'Etat 300 millions d'euros et 50 millions d'euros en recapitalisation pour redéployer l'activité vers la chimie fine. Ces sommes n'ont été utilisées que pour financer les plans sociaux. Enfin, Isochem a rejeté en décembre 2004 une proposition de reprise de l'atelier pharmaceutique par un établissement pharmaceutique régional d'envergure nationale, qui sauvait 40 des 103 postes.

Je crains que ces éléments ne présagent une volonté du groupe SNPE de fermer le site Isochem de Toulouse, alors que tous les acteurs locaux, collectivités et institutions, ont maintes fois manifesté leur soutien pour le maintien de l'activité de chimie fine et de chimie pharmaceutique.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite une intervention forte du Gouvernement auprès de la SNPE, afin que l'argent public alloué soit utilisé, comme prévu, à des fins de redéploiement de l'activité et de sauvegarde des emplois, et non au financement des plans sociaux.

Je vous demande également comment le Gouvernement appréhende globalement ce dossier pour préserver, développer l'emploi et l'activité industrielle d'Isochem à Toulouse.

Je vous demande enfin, le cas échéant, de prendre des mesures de reclassement innovantes en faveur des 103 salariés dont le poste risque d'être supprimé.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité. Monsieur le sénateur, vous appelez l'attention du ministre de l'économie, sur l'avenir du site toulousain de la société Isochem. Permettez-moi tout d'abord d'excuser Thierry Breton, qui ne peut être présent du fait d'une obligation internationale et qui m'a demandé de vous apporter les éléments suivants.

A la suite de la catastrophe qui a frappé la ville de Toulouse en 2002, la décision d'arrêter de manière définitive l'activité de production de phosgène sur le site Isochem de Toulouse a eu des conséquences très graves sur l'activité globale de la société, qui, dans une conjoncture défavorable, a perdu de nombreux marchés.

Isochem représente ainsi aujourd'hui une part essentielle des pertes globales du groupe SNPE. Ces pertes se sont élevées à 72 millions d'euros en 2004, contre 41 millions d'euros en 2003. Au regard de sa situation financière très dégradée, la SNPE ne peut continuer à supporter des pertes récurrentes sur Isochem sans risquer, à court terme, de connaître de très graves difficultés qui pourraient mettre en cause des centaines d'emplois, au niveau non plus seulement d'un site, mais du groupe dans son ensemble. Nous connaissons cette situation, qu'il me paraissait important de rappeler.

Il est donc vital pour la société que ces pertes soient résorbées au plus tôt, ce qui justifie de ne pas maintenir telles quelles les activités de chimie fine du site de Toulouse, qui, actuellement, ne disposent pas toutes de plan de charge suffisant pour maintenir tous les ateliers en activité de façon économiquement acceptable.

Le projet de plan de sauvegarde de l'emploi a été communiqué au comité central d'entreprise le 9 février 2005. La procédure d'information et de consultation est en cours, selon le calendrier négocié avec les représentants des salariés et suivant les règles en vigueur.

Monsieur le sénateur, sachez que le Gouvernement, que vous avez interrogé sur l'appréhension qu'il a de ce dossier, porte une attention particulière au déroulement de la procédure et aux solutions qui seront proposées aux salariés d'Isochem Toulouse dans le cadre de ce plan de sauvegarde de l'emploi. Je vous le dis avec force, ces solutions devront avoir un caractère exemplaire. Soyez assurés que nous avons recherché avec l'entreprise toutes les solutions qui seraient à même de maintenir le plus d'activité possible sur le site. Mais il y a la situation que vous avez évoquée et que je vous ai rappelée dans le détail.

Sur ce dossier, le Gouvernement a favorisé - là encore, je le dis avec force - le développement d'un dialogue approfondi entre tous les acteurs concernés au niveau local. Ce dialogue se poursuit, et nous avons bon espoir qu'il débouche prochainement sur un règlement de la situation actuelle. Après la catastrophe que la ville de Toulouse a connue à la suite de l'explosion d'AZF, soyez assuré que le Gouvernement suit le développement de ce dossier avec une particulière vigilance, compte tenu, dans le cas d'Isochem, de la dimension spécifique et de l'enchaînement de circonstances.

Voilà, monsieur le sénateur, les réponses que M. Thierry Breton souhaitait apporter à votre question. Soyez assuré que je lui transmettrai vos propres remarques.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban.

M. Bertrand Auban. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse que j'ai écoutée avec attention.

J'insiste sur la situation de l'entreprise ISOCHEM, afin que ce problème industriel soit bien intégré dans l'environnement désastreux d'une explosion qui a fait près de cinquante morts et de nombreux blessés, qui a coulé l'entreprise AZF, cassée par l'explosion, et, par voie de conséquence, a affaibli considérablement la SNPE et Isochem sur ce pôle chimique brillant.

J'ajouterai que les salariés de l'entreprise Isochem, après avoir observé un arrêt de travail quotidien d'une heure depuis le 14 mars, sont en grève totale et reconductible depuis le 20 avril.

La nomination d'un médiateur essentiellement chargé de l'avenir à moyen terme de l'entreprise ne peut suffire à régler le problème, qui est immédiat, à la fois pour la survie de l'entreprise et pour la sauvegarde des emplois.

Je reformule la demande que j'ai faite, à savoir que, pour ce problème, le Gouvernement assume toute sa responsabilité vis-à-vis de cette entreprise publique appartenant à l'Etat et, en particulier, qu'il intervienne fortement auprès de la direction de la SNPE, afin que celle-ci supprime le prochain plan social, recherche activement des partenariats industriels et des pistes de valorisation de l'entreprise, dont le savoir-faire et l'expertise sont incomparables dans les métiers de la chimie.

Enfin, pour les salariés qui, dans la pire des hypothèses, ne conserveraient pas leur emploi, je demande que soient recherchées et mises en oeuvre des mesures de reclassement exemplaires, en vue notamment de leur intégration dans les entreprises du futur Cancéropôle prévu sur ce site.

L'entreprise Isochem et ses salariés ont toujours effectué un travail remarquable en faveur de la collectivité nationale. Ils sont confrontés à des difficultés qui ne sont pas de leur fait ; elles sont la conséquence indirecte de la terrible explosion de l'usine AZF.

Aujourd'hui, Isochem et ses salariés méritent que le Gouvernement agisse rapidement pour assurer la survie de cette entreprise, qui est malgré tout toujours très compétitive, et donc la sauvegarde des emplois.

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