Question de M. BOULAUD Didier (Nièvre - SOC) publiée le 08/04/2005

Question posée en séance publique le 07/04/2005

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

Monsieur Boulaud, votre collègue M. Signé n'étant pas là pour vous interrompre, M. Courrière pourra vous écouter dans la sérénité. (Sourires.)

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, j'ai téléphoné ce matin à M. Signé, et je sais qu'il me regarde. (Rires.)

Ma question, qui porte sur la défense, s'adressait à Mme Alliot-Marie. Malheureusement, elle n'est pas des nôtres aujourd'hui, c'est donc à vous, monsieur le Premier ministre, que je m'adresse.

Monsieur le Premier ministre, depuis trois ans, vous n'avez pas eu de mots assez durs pour fustiger l'action du gouvernement précédent en matière de crédits militaires. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Eric Doligé. Il a eu raison !

M. Henri de Raincourt. Tout à fait !

M. Didier Boulaud. Le Président de la République, chef des armées depuis maintenant dix ans, n'a pas été en reste non plus.

En 2002, vous avez fait adopter par le Parlement une loi de programmation militaire couvrant la période 2003-2008 en affirmant à qui voulait l'entendre qu'elle serait enfin la première réellement réalisée intégralement.

Nous avions, pour notre part, exprimé notre opposition à cette programmation, parce que nous la trouvions irréaliste, tant l'augmentation annoncée des crédits ne pouvait être, en fait, qu'une illusion dans le contexte budgétaire général.

Les faits sont hélas ! en train de nous donner raison, et vos propres amis politiques de l'Assemblée nationale, en rendant publics les errements de votre gestion, confirment que cette programmation militaire, comme les précédentes, est en passe de devenir lettre morte.

Pour permettre aux citoyens qui nous regardent et qui nous écoutent en ce moment de bien comprendre, il est bon de leur expliquer que vous avez fait voter pour 2004 des crédits que vous avez été incapables de dépenser. Il s'agit exactement de 2 775 millions d'euros d'équipements qui n'ont pas été utilisés par nos armées. Monsieur le Premier ministre, c'est à quelques euros près le montant du budget du ministère de la culture pour la même année 2004. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Par exemple, douze chars Leclerc ont été livrés au lieu des quarante-cinq annoncés, trois chars AMX 10 RC ont été rénovés sur les cinquante-deux qui étaient envisagés, aucun hélicoptère Tigre sur les sept qui étaient prévus n'a été livré, seuls trois avions Rafale sur cinq ont été livrés, et nous savons désormais que les frégates multimissions ne seront pas financées.

Alors que bon nombre de parlementaires ont regretté par ailleurs la faiblesse de certains budgets de la nation, notamment en matière sociale, pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, si les crédits que vous avez fait inscrire avaient pour but de réellement équiper nos armées ou si ce n'était somme toute que des leurres (Exclamations sur les travées de l'UMP) visant à tromper la vigilance des militaires et à faire croire à l'opinion publique que la droite pouvait garantir mieux que d'autres sa sécurité ?

J'espère que, dans votre réponse, que j'attends avec curiosité, vous ne ferez pas référence, une fois de plus, c'est-à-dire une fois de trop, monsieur le Premier ministre, à l'argument éculé de l'héritage socialiste que vous avez déjà largement utilisé et auquel plus personne ne croit désormais ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 08/04/2005

Réponse apportée en séance publique le 07/04/2005

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, si vous lui aviez fait part de votre question, Mme Alliot-Marie aurait pu être là pour vous répondre.

M. Didier Boulaud. Non, elle est à l'Assemblée nationale !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Une séance de questions d'actualité appelle des réponses spontanées, mais, si vous souhaitez des réponses précises sur des sujets précis, il est bon d'avertir le ministre pour qu'il soit présent à coup sûr. Mme Alliot-Marie tient beaucoup à ce que la démocratie parlementaire puisse s'exprimer pleinement et, quand elle est saisie d'une question, elle est présente.

M. Didier Boulaud. Non ! Mme Alliot-Marie est à l'Assemblée nationale !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je me sens le devoir de vous rappeler quelques réalités, mais je constate que vous avez vous-même voulu éviter qu'on vous les rappelle.

Vous n'avez pas voulu que l'on parle de l'héritage socialiste. Vous n'avez pas voulu que l'on parle - je vous promets que je n'en parlerai pas - du retard de la loi de programmation militaire votée sous le gouvernement socialiste. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Didier Boulaud. Elle est à l'eau !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je ne parlerai donc pas de ce retard, de ces années perdues, de ce manque d'équipements et de ces promesses non tenues, non, je n'en parlerai pas et je vous le confirme ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Et je demande à mes amis de ne pas plus évoquer ce retard, parce que je ne voudrais pas que l'on vous contrarie sur ce point. (Rires sur les mêmes travées.)

Nous avons élaboré, à la demande de M. le Président de la République, une loi de programmation militaire : elle sera respectée.

M. Jean-Pierre Sueur. Elle ne l'est pas aujourd'hui !

M. Didier Boulaud. Elle est à l'eau !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pendant cinq ans on a fait en sorte que le moral des armées soit au plus bas, que l'équipement des armées soit au plus bas et que la présence de la France dans les conflits extérieurs, demandée par les organisations internationales, soit au plus bas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Raymond Courrière. Qu'a fait Chirac ?

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Qu'avons-nous fait, nous ? Nous avons bâti, sous l'autorité du chef de l'Etat, chef des armées, une loi de programmation militaire qui donne à notre pays non seulement les moyens humains et techniques nécessaires, mais aussi les moyens stratégiques. (Mme Janine Rozier applaudit.)

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Aujourd'hui, cette force d'intervention intervient au nom de la paix, je pense à l'ONUSI et à la Côte d'Ivoire, au nom des organisations internationales, et elle est présente non pas pour faire la guerre, mais pour faire la paix.

Mme Nicole Bricq. On a peur !

M. Yannick Bodin. Mauvais exemple, la Côte d'Ivoire !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Car c'est cela, la puissance de la France : être capable de mobiliser des moyens pour son armée, non pas pour faire la guerre, mais pour assurer la sécurité des populations et pour défendre les valeurs auxquelles nous sommes attachés, c'est-à-dire, au premier chef, la paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le sénateur, je vous le dis avec fermeté : la France sera au rendez-vous budgétaire.

M. Didier Boulaud. Elle ne le sera pas, c'est fini !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. La France sera au rendez-vous technologique, la France sera au rendez-vous des ressources humaines.

M. Didier Boulaud. Elle ne le sera pas, ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'Assemblée nationale ! (M. Didier Boulaud brandit un rapport d'information de l'Assemblée nationale.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Mais la France sera surtout au rendez-vous de son message universel, en participant à une défense commune au sein d'une Union qui, grâce au traité établissant une Constitution pour l'Europe,...

M. Roland Muzeau. Cela faisait longtemps !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ...pourra défendre nos valeurs sur l'ensemble de la planète, car telle est notre mission, mesdames, messieurs les sénateurs, faire la paix partout dans le monde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. C'est fini !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. D'ailleurs, je vous remercie de soutenir cette démarche, qui permet aujourd'hui aux Français de se mobiliser pour ce traité. (Mmes et MM. les sénateurs de l'UMP se lèvent et applaudissent longuement.- Quelques sénateurs de l'UC-UDF applaudissent également.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) )

M. Robert Hue. Le « non » a encore gagné trois points !

M. Didier Boulaud. Lisez donc le rapport que viennent de publier à l'Assemblée nationale certains de vos amis, monsieur le Premier ministre !

M. François Autain. En tout cas, il est populaire au Sénat, à défaut de l'être dans l'opinion !

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