Question de M. BOYER Jean (Haute-Loire - UC-UDF) publiée le 14/07/2005

M. Jean Boyer attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sur l'avenir de nos communes face à la montée en puissance des structures de coopération intercommunale. Dans notre paysage institutionnel, la commune s'efface peu à peu devant des cadres juridiques multiples et variés parfois complexes : communautés de communes, pays, départements, régions, sans oublier les communautés d'agglomération, les syndicats à vocation multiples. Sur les 98 508 communes existant en Europe, 36 600 sont situées en France soit 32% du nombre des communes européennes; la commune pourra-t-elle continuer à jouer un rôle dans l'élaboration des choix pour l'avenir de nos enfants et des générations futures ? Nos communes s'appuient sur une présence fédératrice, génératrice de solidarité humaine et de relation permanente. Non seulement elles sont le creuset de la démocratie mais aussi elles apportent une vitalité sans commune mesure avec les autres échelons formant les niveaux de collectivités locales les mieux organisées, les mieux hiérarchisées, les plus fonctionnarisées. Elles symbolisent l'expression d'une certaine liberté locale mais aussi d'une véritable citoyenneté. L'évolution intercommunale éloigne de plus en plus les décisions des hommes et des femmes qui vivent au pays. Si l'œuvre communautaire s'inscrit dans une certaine rationalité, une nécessaire optimisation des moyens, il n'en demeure pas moins que la commune demeure et continuera à demeurer un repère fondamental dans l'esprit de nos concitoyens. La mairie est le lieu naturel et privilégié des relations humaines mais c'est aussi un lieu d'expression facilement identifiable où chacun peut aisément venir s'exprimer ou tout simplement trouver une porte ouverte. Il souhaite connaître comment le Gouvernement entend maintenir cet échelon de proximité et lui donner les moyens de remplir ses missions essentielles au service de toutes nos populations. Serviteurs de l'ombre, prompt à remplir une mission le plus souvent désintéressée particulièrement dans le monde rural, les maires incarnent plus que n'importe qui la pleine dimension humaine et sociale de l'élu de proximité prêt a répondre à toutes les attentes. Parallèlement, il aimerait connaître de quelle manière nos communes continueront à être aidées et mieux armées pour préparer les missions qui sont les leurs au service de la collectivité toute entière.


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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 26/10/2005

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2005

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je me permets d'attirer votre attention sur l'avenir de nos communes face au développement des structures de coopération intercommunale. Nos maires ont pourtant la chance de bénéficier d'une écoute attentive, grâce à la présence au sein du Gouvernement - je le dis sincèrement - d'un brillant ministre délégué aux collectivités territoriales, donc à nos communes. (Marques d'approbation sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mais, dans notre paysage institutionnel, la commune s'efface peu à peu devant des structures juridiques multiples et variées, parfois complexes. Je veux évoquer les communautés de communes, les pays, sans oublier les communautés d'agglomération ou les syndicats à vocation multiple, les schémas de cohérence territoriale, les agences locales de tourisme. Vous connaissez bien cela en Auvergne, monsieur le ministre !

Ces structures sont certes nécessaires, mais toutes leurs actions empiètent sur les actions communales ! Les maires sont inquiets car, ils le savent, l'Europe compte 98 508 communes, et la France seulement 36 000, soit quelque 32 % du nombre des communes européennes.

La commune pourra-t-elle continuer de jouer un rôle et apporter des réponses de proximité à nos concitoyens ?

La commune s'appuie sur une vie fédératrice, génératrice de solidarité humaine et de relation permanente. Non seulement elle est le creuset de la démocratie, mais elle apporte également une vitalité différente des autres échelons, certes mieux organisés, plus structurés, mais souvent plus éloignés des réalités et des besoins.

Oui, une commune symbolise l'expression d'une certaine liberté locale, mais aussi celle d'une véritable citoyenneté. Or l'évolution intercommunale éloigne de plus en plus les décisions des hommes et des femmes qui vivent « au pays ».

Si l'action communautaire s'inscrit dans une certaine rationalité, une nécessaire optimisation des moyens, il n'en reste pas moins que la commune demeure et continuera de demeurer un repère fondamental dans l'esprit de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la mairie est le lieu naturel et privilégié des relations humaines, vous le savez tous, mais c'est aussi un lieu d'expression facilement identifiable, où chacun peut aisément venir s'exprimer ou tout simplement trouver une porte ouverte.

Je souhaite savoir comment le Gouvernement entend maintenir cet échelon de proximité et lui donner les moyens de remplir ses missions essentielles au service de toutes nos populations.

Oui, serviteurs de l'ombre, prompts à remplir souvent une tâche désintéressée et imprévue, particulièrement dans le monde rural, les maires incarnent la pleine dimension humaine et sociale de l'élu de proximité prêt à répondre à toutes les attentes.

Ils sont inquiets, monsieur le ministre, car les investissements réalisés sur leurs communes dépendront de plus en plus de décisions centralisées en amont. Ils sont inquiets, car ils redoutent de devenir des officiers d'état civil, des policiers ou même simplement des présidents d'association... Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Un sénateur de l'UMP. Vous avez raison !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous évoquez à juste titre le rôle fondamental que jouent les communes dans la vie démocratique de notre pays, contribuant notamment à la formation d'une véritable citoyenneté. Leur rôle dans la vie quotidienne de nos concitoyens, par les services de proximité qu'elles assurent et que le Gouvernement s'efforce de défendre, fait également d'elles un niveau irremplaçable de notre organisation administrative.

Le Gouvernement partage votre analyse, et rien dans ses projets ne se fera qui mettrait en cause cette cellule de base de notre vie administrative et démocratique que constituent les 36 000 communes françaises.

Le nombre de communes que vous avez cité est celui de la répartition d'ensemble sur l'Europe. Mais il existe une image sans doute encore plus parlante : c'est la référence à l'Europe des Quinze avant l'élargissement au 1er mai 2004, qui comptait autant de communes que la France en recensait à elle seule !

Pour autant, monsieur le sénateur, avec l'acte II de la décentralisation, et surtout le développement rapide de l'intercommunalité, l'évolution de notre paysage institutionnel impose effectivement de veiller à ce que nos communes ne soient pas « délégitimées », voire « déstabilisées ».

L'intercommunalité ne saurait être remise en cause, comme vous l'indiquez vous-même, car elle constitue une réponse adaptée à la mise en oeuvre rationnelle et optimisée de certaines compétences pour lesquelles l'échelon communal peut s'avérer trop étroit. N'en doutez pas une seule seconde, monsieur le sénateur, à la suite des rapports parlementaires qui ont été rendus publics et dans l'attente du rapport de la Cour des comptes, nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet et de le développer.

Toutefois, pour que le partage des rôles entre les communes et leurs groupements ne se fasse pas au détriment des premières, pour que nos concitoyens continuent d'identifier clairement les différents niveaux de décision, car c'est finalement ce qui importe et ce qui est essentiel à leurs yeux, une rationalisation progressive du paysage intercommunal est nécessaire.

Les instruments juridiques existent depuis la loi du 13 août 2004 : des procédures de fusion simplifiées, par exemple, et surtout - c'est sans doute là l'élément principal, en tout cas celui auquel je crois le plus - l'obligation de définir, dans un délai de deux ans, l'intérêt communautaire au sein de chaque compétence, c'est-à-dire la ligne de partage entre ce qui incombe à la communauté et ce qui continue de relever de l'échelon communal. La définition de l'intérêt communautaire permet non seulement de clarifier les responsabilités respectives des EPCI et de leurs communes membres, mais aussi de conforter ces dernières dans la conduite des politiques de proximité qu'elles sont seules à pouvoir décider de façon pertinente. Il a été demandé aux préfets, en partenariat avec les élus, qui restent naturellement les principaux acteurs en dernier ressort, de mettre en oeuvre de façon active ces démarches pour simplifier et rationaliser notre paysage administratif local.

Vous l'avez observé, le fait que le Gouvernement ait décidé d'accorder jusqu'au 18 août la possibilité de définir l'intérêt communautaire s'inscrit précisément dans cette perspective. Quelle que soit la décision concernant l'intérêt communautaire, soyez certain que les communes se verront réaffirmées dans leur rôle pivot de cellule de base de la vie démocratique. Leur capacité de contrôle des groupements auxquels elles appartiennent, que la loi a prévu par des dispositions instaurant des comptes rendus obligatoires, doit également être confortée.

Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement entend être attentif au maintien des communes actives et pleinement capables d'assumer le rôle qu'elles jouent dans notre démocratie depuis toujours. Cela s'étend bien sûr aux moyens financiers dont elles pourront disposer, dont le maintien fait partie du pacte entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Pour ma part, monsieur le sénateur, une citation d'Alexis de Tocqueville dicte ma conviction concernant le rôle des collectivités locales, tout particulièrement des communes : « Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple; elles lui en font goûter l'usage paisible et l'habituent à s'en servir. »

La commune, là où bat le coeur des hommes ! Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir rappelé, avec votre question, qu'il doit battre durablement et fortement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, merci de votre réponse, dont la conclusion était particulièrement belle. Je sais que, en Auvergne, vous êtes un homme de proximité. Je l'ai été aussi et je pense le demeurer. C'est quand on est maire que l'on est vraiment en communication avec ses citoyens. Je sais que vous l'avez compris, et vous avez d'ailleurs remarquablement traduit cette analyse collective : l'attachement des communes à leur maire et du maire à leur commune.

Mais, monsieur le ministre, un maire ne sera-t-il pas quelque peu démobilisé s'il ne peut, au cours de son mandat, marquer son passage - c'est fondamental, nous le savons tous - par un projet d'assainissement ou encore une construction ? Je sais que vous avez bien perçu ce sentiment.

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