Question de M. GUERRY Michel (Français établis hors de France - UMP) publiée le 28/07/2005

M. Michel Guerry souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur plusieurs cas de remise en cause de la nationalité française de ressortissants français résidant en Argentine. Il lui indique qu'il s'agit de personnes nées en France, de père et mère argentins, à qui la nationalité française a été attribuée en raison de leur naissance sur le territoire français. Il lui rappelle que la loi argentine sur la nationalité a été réformée en 1995 (décret n° 231-95 du 2 août 1995) et permet dorénavant aux parents argentins d'enfants mineurs nés à l'étranger d'opter en leur nom pour la nationalité argentine auprès du consulat d'Argentine le plus proche de leur domicile, sans avoir à démontrer que la nationalité du pays de naissance ne leur a pas été attribuée, comme c'était le cas avant la réforme. Il lui précise qu'en vertu d'une circulaire du 30 juillet 2001 du bureau de la nationalité du ministère de la justice - prise à la suite de ladite réforme de la loi argentine sur la nationalité - l'administration française considère que cette option pour la nationalité argentine revêt désormais le caractère d'une simple formalité administrative et que - rien n'empêchant les parents d'opter pour la nationalité argentine - ces enfants ne peuvent plus se voir attribuer la nationalité française dans les conditions prévues au 2° de l'article 19-1 du code civil. Cette position de l'administration française a des conséquences dramatiques dans la mesure où elle est appliquée non seulement aux enfants nés après le 2 août 1995 mais également à ceux nés avant cette date - et même à des personnes majeures - dans la mesure où il ne leur a jamais été délivré de certificat de nationalité française. En application de ladite circulaire, l'administration requiert systématiquement à ces Français, nés sur le territoire français de parents argentins, de fournir un certificat de nationalité française, pour toute démarche de renouvellement d'inscription au registre des Français établis hors de France ou de passeport ou de carte nationale d'identité, certificat qui leur est systématiquement refusé par les tribunaux français sur la base des dispositions du décret argentin du 2 août 1995. Il lui signale que, par ailleurs, les personnes détentrices d'un précédent certificat sont exemptées de la présentation du certificat de nationalité française. Il lui indique que des personnes françaises depuis des décennies - et qui ont toujours été considérées comme françaises - se voient ainsi opposer un refus de délivrance de certificat de nationalité française et donc de renouvellement de passeport ou de carte nationale d'identité. Ces personnes se retrouvent de facto apatrides, car elles ne sont plus considérées comme françaises par l'administration et elles n'ont jamais opté pour la nationalité argentine. Il lui précise que la nationalité française - qui leur a été attribuée pour éviter d'être apatrides - est ainsi remise en cause avec effet rétroactif sur le fondement du dernier paragraphe de l'article 19-1 du code civil, qui dispose que « toutefois, il sera réputé n'avoir jamais été français si, au cours de sa minorité, la nationalité étrangère acquise ou possédée par l'un de ses parents vient à lui être transmise. » Lui indiquant que cette pratique s'étend rétroactivement aux enfants nés en France de parents argentins avant le 2 août 1995, il lui demande si elle ne devrait pas faire l'objet d'un réexamen, dans la mesure où elle affecte des droits acquis sous une législation qui ne permettait pas à ces personnes d'acquérir la nationalité argentine par option si elles s'étaient vu attribuer la nationalité de leur pays de naissance. Lui précisant que, la nationalité étant l'un des éléments essentiels de la personnalité, cette application rétroactive entraîne de graves conséquences auxquelles il souhaite ainsi le sensibiliser, afin de rechercher des solutions qui tiennent compte des drames humains qui peuvent en résulter. Enfin, lui rappelant que le critère de possession d'un précédent certificat de nationalité française retenu pour tracer la ligne de démarcation entre ceux qui verront leur nationalité française remise en cause et ceux qui pourront la maintenir paraît fragile et source d'injustices, il lui demande de faire étudier de nouvelles mesures tendant à assouplir les conditions de délivrance d'un certificat de nationalité française pour les personnes nées en France de parents argentins.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 24/08/2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la loi de nationalité argentine du 22 mars 1984 énonce dans son article 1er b que sont argentins les enfants d'argentins d'origine qui, étant nés à l'étranger, optent pour cette nationalité. Son décret d'application n° 3213 du 28 septembre 1984 précisait que l'enfant né à l'étranger de parents argentins ne pouvait obtenir la nationalité argentine par option que s'il justifiait ne s'être pas vu attribuer la nationalité du pays de naissance. Dans ce cadre, il était admis, sur le fondement de l'article 21-1-2° du code de nationalité française alors en vigueur, que les enfants nés en France de parents argentins étaient français de naissance, la nationalité argentine ne leur étant pas attribuée de plein droit. Le décret du 28 septembre 1984 a fait l'objet d'une modification le 2 août 1995. Depuis cette date, il est permis aux parents argentins d'opter sans condition, au nom de leurs enfants mineurs nés à l'étranger, pour la nationalité argentine. En conséquence, les enfants de moins de dix-huit ans au 2 août 1995, saisis par les nouvelles dispositions, ne peuvent plus être considérés comme Français par simple naissance en France. La seule exception à cette règle concerne les enfants nés en France de parents argentins, déjà détenteurs d'un certificat de nationalité française, dès lors qu'ils peuvent justifier ne pas avoir opté pour la nationalité argentine postérieurement à la délivrance du certificat et avant l'âge de dix-huit ans. Cette position de l'administration française découle de l'articulation des textes de droit français et de droit argentin. L'attribution de la nationalité française sur le seul fait de la naissance en France est en effet conférée de manière exceptionnelle par notre droit afin d'éviter l'apatridie. Or, la possibilité qui a été offerte à partir de 1995 de transmettre par option la nationalité argentine aux enfants mineurs s'oppose à l'attribution de la nationalité française sur ce fondement sous réserve de l'exception susvisée.

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