Question de M. BOULAUD Didier (Nièvre - SOC) publiée le 10/11/2005

M. Didier Boulaud appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les modalités d'application de la loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 préservant les relations entre frères et soeurs en cas d'ouverture d'une procédure d'assistance éducative. Ce texte est destiné à préserver l'unité de la fratrie dans le cas de placement de mineurs ordonné par le juge des enfants. Une telle décision est toujours difficile à prendre, dans un contexte souvent marqué par l'urgence. Or, si cette loi est d'application directe et ne prévoit pas de mesure réglementaire, c'est pour répondre à une véritable urgence à l'égard des enfants en rupture avec leur famille d'origine. Le placement des frères et soeurs dans des lieux différents aggrave les conséquences de l'éclatement de la famille en privant les uns et les autres du soutien qu'ils pourraient s'apporter mutuellement en pareille circonstance. On ne saurait, dès lors, s'étonner que l'assistance éducative ait été retenue comme le cadre naturel de l'application de ce principe nouveau de non-séparation de la fratrie. Toutefois, il arrive que cette loi ne soit pas totalement respectée, et il lui demande donc pourquoi certains cas de séparation de fratrie subsistent encore aujourd'hui.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 04/05/2006

L'honorable parlementaire appelle l'attention du garde des sceaux, ministre de la justice, sur les modalités d'application de la loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 préservant les relations entre frères et soeurs en cas d'ouverture d'une procédure d'assistance éducative. Il convient de rappeler l'objectif, la portée et les limites du texte législatif, de manière à revenir sur le contexte qui peut conduire à ce que cette loi ne soit pas totalement respectée. La loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 est la première loi de la République issue du Parlement des enfants lors de sa session de 1996. Porté par une dynamique de l'apprentissage de la citoyenneté par la pratique, le texte a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale puis par le Sénat après que la commission des lois a intégré une exception (sauf si cela...). La loi insère au code civil un article 371-5 disposant que : « L'enfant ne doit pas être séparé de ses frères et soeurs, sauf si cela n'est pas possible ou si son intérêt commande une autre solution. S'il y a lieu, le juge statue sur les relations personnelles entre les frères et soeurs. La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat. » Ce texte consacre la promotion et le respect des droits de l'enfant (comprenant le droit à la famille) en droit interne. La famille se fonde également sur la fratrie et non plus sur le seul lien parental. Il s'agit de la formalisation d'une pratique de terrain existant depuis de nombreuses années, tant dans la jurisprudence des juges du fond qui tentaient sans fondement textuel de ne pas bouleverser davantage des familles en les séparant (Th. Garé, JCP, 1997. II. 22759, note sous Toulouse. 1re ch. 28 novembre 1995) que de la part de structures d'accueil : on peut citer en exemple SOS villages d'enfants. La loi ne nécessite pas de textes d'application. Elle est d'applicabilité directe. Le juge et les institutions mettant en oeuvre l'assistance éducative doivent tenir compte des spécificités de chaque cas : urgence, accord entre parents se séparant, désirs opposés du ou des mineurs De même, les acteurs ont à composer avec certains aspects de la pratique. Il peut arriver, en effet, que l'état du nombre de places d'accueil disponibles interdise le regroupement des fratries. L'ensemble de ces considérations, ainsi que la recherche d'une meilleure effectivité du texte législatif, conduisent à une interprétation de la limitation posée par le Sénat allant dans le sens de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ainsi, si la séparation de la fratrie ne peut être évitée dans un premier temps, des solutions permettant son regroupement devront être recherchées dans les meilleurs délais.

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