Question de M. GUERRY Michel (Français établis hors de France - UMP) publiée le 24/11/2005

M. Michel Guerry expose à M. le ministre des affaires étrangères que la France ne représente pas encore - et malgré des efforts notoires en ce sens - une destination naturelle et immédiate pour les nombreux Indiens de la classe moyenne qui se destinent aux études supérieures à l'étranger. Il lui indique que la présence en France d'étudiants indiens serait, cependant, essentielle pour permettre à notre pays de jouer pleinement son rôle d'influence auprès des élites de ce très grand pays. Il lui précise que ces étudiants sont la cible de campagnes marketing dynamiques et coûteuses de la part d'institutions du monde entier. Ils connaissent donc bien l'offre de formation supérieure internationale. Leurs destinations les plus courantes sont entre autres les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et l'Allemagne. D'autres pays démarchent également les étudiants indiens. Il lui rappelle que trois principaux obstacles sembleraient entraver les efforts d'ouverture aux étudiants indiens de notre enseignement supérieur : notre pays ne dispose pas encore d'un nombre suffisant de programmes d'enseignement supérieur en langue anglaise dans les universités ; la qualité de l'accueil des étudiants étrangers doit être améliorée tout spécialement à leur arrivée et pour tous les aspects scolaires et périscolaires ; enfin - et cet élément est au coeur des préoccupations des étudiants indiens choisissant la France -, à l'issue de leurs études, les étudiants étrangers se heurtent à l'impossibilité de rester pour effectuer des stages rémunérés ou pour être embauchés par des entreprises de notre pays. Il lui indique qu'un étudiant indien, dont la famille accorde une place primordiale à l'éducation, choisit de s'endetter souvent pendant de nombreuses années pour effectuer ses études à l'étranger. Il les financera grâce à ses parents ou par un prêt bancaire. Certains pays offrant la possibilité de rester pour un stage ou un travail, les étudiants indiens les privilégient donc dans leurs choix de destination d'enseignement supérieur. A l'aune de ces éléments, il lui demande quelles sont les mesures concrètes qui peuvent être envisagées pour faciliter l'accueil des étudiants indiens en France et ce aussi bien dans les universités que dans les entreprises.

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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 19/01/2006

Si le nombre d'étudiants indiens poursuivant leurs études supérieures en France est encore relativement faible et offre des marges de progression importantes, il convient néanmoins de noter que, sur les six dernières années, la présence de ces étudiants dans nos universités et grandes écoles a connu un accroissement significatif. I. - Etat des lieux : l'effectif des étudiants indiens à l'étranger est actuellement estimé à 130 000, selon les informations recueillies auprès des organismes de promotion universitaire de six grands pays : Canada, Etats-Unis, Australie, Royaume-Uni, Allemagne, Nouvelle-Zélande. Les Etats-Unis restent le premier pays d'accueil avec 80 000 étudiants indiens, suivis par l'Australie (20 000), le Royaume-Uni (16 000), l'Allemagne (4 200), le Canada (4 000), la Nouvelle-Zélande (3 000), la France arrivant au 7e rang avec 1 200 étudiants et ayant enregistré une progression de 164 % depuis 1999. Parallèlement, le nombre de visas de long séjour délivrés par notre poste diplomatique est passé de 155 en 1998 à 795 en 2003. Ces étudiants se répartissent à niveau égal entre les universités et les instituts universitaires de technologie d'une part (489 pour 2004-2005), dans les écoles du réseau de la conférence des grandes écoles d'autre part (479). Enfin, on estime à plus de 300 le nombre d'étudiants indiens présents dans les autres établissements publics ou privés et notamment dans les écoles de commerce. En ce qui concerne les universités, la répartition des étudiants indiens est d'environ un tiers dans chacun des trois cycles d'études supérieures. Les disciplines dans lesquelles ils s'engagent prioritairement sont les sciences fondamentales et les sciences de l'ingénieur (23 %), les sciences de la vie et les disciplines médicales (15 %), les lettres françaises et les langues étrangères (près de 30 %), les sciences économiques et de gestion (17 %), les sciences sociales et humaines (11 %), le droit et les sciences politiques (5 %). S'agissant des étudiants indiens présents dans le réseau des grandes écoles, 321 suivent des formations diplômantes d'ingénieur pour deux tiers d'entre eux et de gestion pour un tiers ; 158 sont inscrits dans des formations qualifiantes avec une très forte majorité d'entre eux (129) en gestion et 29 dans des cursus d'ingénieur. Le nombre des étudiants indiens bénéficiant d'une bourse du gouvernement français s'établit à 355 pour 2005, ce qui représente une progression de 52 % depuis 2000. II. - Les choix des étudiants indiens : différents facteurs économiques, historiques et culturels expliquent les choix des étudiants indiens dans leur démarche de mobilité internationale. Parallèlement, certains obstacles sont liés aux conditions d'accueil et de séjour sur notre sol. La barrière linguistique reste ainsi un obstacle majeur et il ressort des chiffres cités plus haut que les étudiants indiens privilégient les pays dans lesquels ils ont la possibilité de suivre un cursus en anglais. La méconnaissance réciproque des systèmes d'enseignement supérieur français et indien nourrit également les réserves des étudiants indiens à poursuivre leurs études en France de même qu'elle explique en partie la faible mobilité des étudiants français vers les universités indiennes. La présence d'une forte diaspora indienne dans des pays tels que les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne motive également les choix de certains étudiants. Mais les progrès qui restent à accomplir en France dans la qualité de l'accueil, ainsi que l'impossibilité à ce stade pour les étudiants étrangers de rester sur notre territoire après leur diplôme afin d'y acquérir une première expérience professionnelle qualifiante, constituent également des freins certains à l'attractivité de la France pour les étudiants indiens comme pour les autres étudiants étrangers. a) La barrière linguistique. Si le nombre des étudiants indiens en France a presque décuplé en trois ans, il ne fait pas de doute que cette progression est en partie due à l'ouverture de cursus anglophones dans les écoles d'ingénieurs, les écoles supérieures de commerce, et les écoles de gestion et de management qui rencontrent un succès grandissant. L'opérateur Edufrance a recensé actuellement 310 formations en anglais. A cet égard, et plus particulièrement pour les cursus scientifiques, il est admis qu'une très bonne maîtrise de la langue française constitue plutôt un objectif à atteindre dans le cadre du séjour d'études qu'un préalable imposé à la mobilité des étudiants les plus talentueux. Par ailleurs, l'examen prend largement en compte les possibilités de préformation ou d'accompagnement linguistique qui peuvent être mises en place soit dans le pays d'origine, soit à l'arrivée en France. Toutefois, l'augmentation significative des effectifs d'étudiants indiens accueillis en France doit également être mise en relation avec la priorité accordée depuis 1999 par notre ambassade à New Delhi à la promotion de nos établissements d'enseignement supérieur français. Au cours des dernières années, cet effort a notamment porté sur la mise en place de neuf espaces Edufrance dans les plus grandes villes (New Delhi, Bombay, Calcutta, Bangalore, Pune, Chandigar, Chennai, Trivendrum, Ahmedabad), lieux d'accueil et d'information sur l'enseignement supérieur français, sur l'organisation d'importantes manifestations de promotion. A l'automne 2005, une intense campagne de promotion des études supérieures en France a eu lieu avec l'organisation d'un grand salon de l'étudiant à New Delhi et d'un forum itinérant. Notre ambassade a également axé ses priorités sur les différents programmes de bourses puisqu'en 2005, 355 étudiants indiens ont bénéficié d'une bourse sur financement français dont 25 % de bourses d'études et qu'en 2006, 70 nouvelles bourses motivantes, dites « incentives » (bourses incentive master), s'ajouteront aux 153 bourses de ce type octroyées en 2005. b) Une connaissance réciproque insuffisante. Une connaissance réciproque insuffisante des systèmes universitaires limite encore la coopération entre les universités des deux pays. Afin de favoriser les échanges, notre ambassade a engagé d'importantes actions visant à attirer les universités françaises en Inde afin qu'elles puissent y identifier des partenaires et encourager les délégations d'universitaires indiens en France. C'est ainsi que, depuis le début de l'année 2005, une trentaine d'universités et écoles françaises ont effectué un voyage en Inde pour y découvrir le système universitaire local, présenter et promouvoir leurs programmes de formation et identifier des partenaires potentiels. Lors de chacune de ces visites, les responsables français ont été interviewés par des journalistes indiens, lesquels ont pu donner à ces déplacements un large écho dans la presse nationale. Parallèlement, afin de permettre la découverte du système universitaire français, notre ambassade a organisé en 2005 la mission d'une délégation de journalistes indiens spécialisés dans le domaine éducatif et d'une délégation de vice-chanceliers d'universités qui ont visité plusieurs universités françaises. Outre les prises de contact qu'elle a permis, cette mission a donné lieu à plusieurs articles dans les principales revues éducatives indiennes. c) Les conditions d'accueil en France. Il reste que les conditions de séjour et notamment d'hébergement dans notre pays n'atteignent pas les meilleures normes internationales dans ce domaine et sont considérées comme médiocres par rapport à ce que proposent nos concurrents, ce qui constitue un obstacle supplémentaire à la venue des étudiants étrangers en général. Afin de pallier ces insuffisances qui nuisent à la réputation de la France en matière d'accueil, le séminaire gouvernemental sur l'attractivité du 7 février 2005 a retenu la proposition d'élaborer une charte de qualité. Cette charte dresse la somme des exigences auxquelles l'ensemble des acteurs concernés par cette question doivent souscrire s'ils souhaitent parvenir ensemble au meilleur niveau international d'un dispositif d'accueil des étudiants étrangers. Le texte de la charte, qui a été préparé par le ministère des affaires étrangères en étroite concertation avec l'ensemble des acteurs mobilisés sur ce thème (opérateurs, établissements d'enseignement supérieur, conférences) et qui fait écho à la charte européenne de qualité pour la mobilité en cours d'adoption, concernera dans un premier temps les boursiers étrangers du gouvernement français. Il a vocation à s'appliquer, à terme, à l'ensemble des étudiants en mobilité vers la France. Par ailleurs, un certain nombre de mesures ont été récemment prises par le CICI (comité interministériel de contrôle de l'immigration) concernant les procédures d'octroi de visas ou d'admission au séjour en France en faveur des étudiants étrangers. Sous réserve des modifications législatives et réglementaires nécessaires à l'application de ces dispositions, il s'agira de permettre, pour des étudiants « à fort potentiel » admis à suivre, dans un établissement habilité au plan national, une formation en vue de l'obtention du grade de master, d'obtenir les avantages suivants ; la délivrance d'un visa à un étudiant reçu à un concours mais ne sachant pas encore précisément dans quel établissement il poursuivra ses études (ce pourra être le cas, par exemple, d'un étudiant étranger reçu au concours commun aux écoles des mines d'Alès, de Douai, etc.) ; la facilitation de la prolongation du séjour autorisé par les visas qui sont délivrés aux stagiaires étrangers, valable de trois à six mois et portant la mention « dispense temporaire de carte de séjour » ; la création d'une carte de séjour pluriannuelle, sans doute valable deux ans et susceptible d'être délivrée à partir de la seconde année d'études en France ; la possibilité d'obtenir en fin d'études une prolongation du séjour en vue de la recherche et de l'occupation d'un emploi et délivrance d'une autorisation de travail sans opposabilité de la situation de l'emploi. L'ensemble de ces mesures devrait concourir à renforcer sensiblement la présence des étudiants indiens en France.

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