Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 08/12/2005

M. Jean-Pierre Godefroy attire l'attention de M. le Premier ministre sur les difficultés récurrentes liées à l'application de la loi littoral. Les objectifs de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 dite loi littoral qui régit l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral français, sont partagés par l'ensemble des élus comme des citoyens. Mais le caractère général ou imprécis de certaines dispositions du texte, de même que le retard dans la publication de très nombreux décrets d'application, parfois incomplets, ont laissé le soin à la jurisprudence de préciser certaines notions de façon très extensive et parfois même aberrante. Il en résulte ainsi une inadaptabilité de la loi à certaines configurations de territoire. Dans le département de la Manche, le principal problème vient du fait que loi littoral s'applique à tout le territoire de la commune classée littoral, quelle que soit la profondeur de celle-ci ou quelle que soit sa constitution en divers hameaux dont certains sont éloignés du littoral ; il y a aussi un problème lié à la définition de la notion de « village », etc. Les services de l'Etat qui instruisent les demandes de permis de construire, appliquant cette jurisprudence, sont ainsi amenés à refuser ces permis et donc à contredire des documents d'urbanisme autorisant la construction et pourtant avalisés par la même administration. Ainsi la loi littoral est-elle perçue comme une source de complication et surtout comme une entrave au développement et au repeuplement de ces zones le plus souvent rurales. Lors des débats sur la loi relative au développement des territoires ruraux, M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire avait annoncé la parution d'une circulaire « explicitant clairement les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi, en prenant en compte l'ensemble des évolutions de la jurisprudence », qui devait être publiée avant l'été 2005. Elle ne l'est toujours pas et les maires concernés sont de plus en plus exaspérés, voire sceptiques quant à son efficacité éventuelle. Il lui demande donc quand cette circulaire sera publiée et s'il ne faudrait pas envisager une révision partielle de la loi littoral en procédant à des ajustements restreints, comme cela a d'ailleurs été fait pour la loi montagne.

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Transmise au Ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer


Réponse du Ministère délégué au tourisme publiée le 18/01/2006

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2006

M. Jean-Pierre Godefroy. Je souhaite attirer une nouvelle fois l'attention du Gouvernement sur la loi « littoral », dont nous fêtons cette année les vingt ans.

Monsieur le ministre, vous savez que les objectifs des rédacteurs de cette loi sont partagés par tous, élus comme citoyens, mais vous savez aussi que le caractère général ou imprécis de certaines dispositions du texte, de même que le retard dans la publication de très nombreux décrets d'application, parfois incomplets, ont laissé le soin à la jurisprudence de préciser certaines notions le plus souvent de façon très extensive et parfois même aberrante.

Il en résulte ainsi une inadaptabilité de la loi à certaines configurations de territoire, en particulier dans le département de la Manche, qui compte 350 kilomètres de littoral.

Le principal problème vient du fait que loi « littoral » s'applique à tout le territoire de la commune, classé « littoral », quelle que soit la profondeur de celle-ci ou quelle que soit sa constitution en divers hameaux, dont certains sont éloignés du littoral.

Un problème se pose également quant à la définition de la notion de « village » et à la présence de commerces et d'activités administratives.

Le hameau est le coeur de vie de nos territoires, ruraux et maritimes, et constitue une particularité du département de la Manche. Pour respecter le SDAU, le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme, fut même avalisée par soixante et onze communes à l'unanimité la décision de privilégier le développement de ces hameaux afin d'éviter le mitage du territoire et un développement anarchique le long du littoral.

Dans la Manche comme dans d'autres départements, les services de la DDE, qui instruisent les demandes de permis de construire, font une lecture de la loi qui les amène à refuser ces permis et donc à être en contradiction avec des documents d'urbanisme pourtant avalisés par la même administration. Ainsi, les parcelles figurant en zone constructible du POS deviennent de fait inconstructibles.

Appliquée de la sorte, la loi littoral devient une menace pour le développement et le repeuplement de ces communes. En effet, le coût de l'habitat ancien y est souvent tel que les nouveaux arrivants ne peuvent s'y installer.

De plus, la plupart de ces communes ont souvent consenti, afin d'attirer ces nouvelles populations, des efforts financiers importants pour la construction ou la rénovation d'équipements collectifs : voiries, groupes scolaires, bien souvent situés sur le littoral du fait de leur ancienneté, stations d'épuration, etc.

Que deviennent les acquéreurs des parcelles concernées ? Ils ont acheté à l'époque, en toute bonne foi, des terrains constructibles qui, aujourd'hui, n'ont plus aucune valeur. C'est une spoliation de fait.

Monsieur le ministre, c'est l'avenir de ces communes qui est en jeu.

Lors des débats sur la loi relative au développement des territoires ruraux, l'ancien ministre délégué à l'aménagement du territoire, M. Frédéric de Saint-Sernin, avait annoncé la parution d'une circulaire « explicitant clairement les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi, en prenant en compte l'ensemble des évolutions de la jurisprudence », qui devait être publiée avant l'été 2005. Or elle ne l'est toujours pas. La situation devient intenable et les maires concernés sont de plus en plus exaspérés. Dans mon département, certains envisagent de passer outre les avis négatifs de la direction départementale de l'équipement, la DDE.

Monsieur le ministre, je vous demande donc quand cette circulaire sera publiée, si elle doit l'être. Ne faudrait-il pas plutôt envisager une révision partielle de la loi littoral en procédant à des ajustements restreints, comme cela a été fait pour la loi montagne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause la loi littoral, qui assure un juste équilibre entre les impératifs de protection du littoral et les nécessités de son développement.

Pour autant, M. Dominique Perben comprend bien les préoccupations des élus du littoral et est conscient des difficultés qu'ils peuvent rencontrer dans l'application de cette loi. Cette plaquette présentant de manière simple les grands principes de la loi sera très rapidement diffusée auprès de l'ensemble des élus du littoral de métropole et d'outre-mer.

Parallèlement, une circulaire, dont la rédaction est en cours de finalisation, précisera les concepts essentiels de cette loi, éclairés par la jurisprudence la plus récente du Conseil d'État.

La loi littoral s'applique à la totalité du territoire des communes littorales. Elle tend à opérer une distinction importante entre les « espaces proches du rivage », où l'urbanisation est limitée et soumise à des règles de procédure strictes, et les autres espaces des communes littorales, où l'urbanisation doit s'effectuer en continuité de l'urbanisation existante.

Le Gouvernement est conscient de la nécessité de clarifier certaines notions de la loi, telles que celles d'espaces proches du rivage, d'extension d'urbanisation, de hameaux nouveaux ou de village.

La loi ne vise pas à interdire le développement des communes littorales, mais à protéger les fronts de mer, à privilégier le développement de l'urbanisation à l'arrière des espaces déjà urbanisés et à éviter le mitage.

Dans cet esprit, le Gouvernement fera en sorte que la parution des derniers décrets d'application puisse s'effectuer dans les meilleurs délais.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je prends acte de votre réponse. L'idée d'une plaquette précisant les principes de la loi est intéressante.

Mais il importe surtout de publier la circulaire à laquelle vous avez fait référence. Il faut en effet donner des instructions très claires aux services de l'équipement, afin que le problème ne perdure pas.

On ne peut pas demander à chaque hameau d'avoir un service public ou un commerce sur son territoire avant d'accorder un permis de construire. Bien au contraire ! Souvent, ces hameaux sont desservis par des commerçants ambulants, dont le local commercial est situé au milieu du bourg et qui représentent une richesse de la vie sur le littoral.

J'attends beaucoup de la publication des derniers décrets. J'ai d'ailleurs eu un espoir ce matin en lisant la presse locale. Mais j'aurais préféré pour ma part que l'on procède à une réécriture partielle de ce texte, comme cela a été fait pour la loi montagne.

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