Question de M. CAMBON Christian (Val-de-Marne - UMP) publiée le 22/12/2005

M. Christian Cambon attire l'attention de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur l'indemnisation des communes qui ont subi d'importants dommages matériels lors des récents mouvements de violences urbaines. Il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre pour les aider à faire face aux dépenses, souvent très importantes, qui leur incombent désormais pour permettre le fonctionnement des équipements collectifs dégradés ou détruits.

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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 22/02/2006

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2006

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, selon les chiffres établis par les préfectures, les violences urbaines de novembre dernier ont provoqué entre 55 millions et 60 millions d'euros de dégâts pour les collectivités touchées par ces événements.

Dans mon département, le Val-de-Marne, sur quarante-sept communes, seules quatre ont été totalement épargnées. Nos villes ont été victimes d'actes de vandalisme, de dégradations, voire de destructions d'équipements, pour un coût estimé, à ce jour, à près de 3,5 millions d'euros.

En incendiant des halls de mairie, des crèches, des écoles, des centres de loisirs, des postes de police - la liste est longue - des poignées d'irresponsables, emportées par la violence aveugle des banlieues, ont provoqué un véritable traumatisme pour nos communes et pour leurs habitants.

Le Gouvernement a parfaitement réagi et je tiens à saluer ici l'action du Premier ministre et celle du ministre de l'intérieur, qui ont su prendre les mesures nécessaires pour rétablir l'ordre public avec fermeté, mais aussi dans un souci d'apaisement.

Mais, aujourd'hui, les communes victimes de ces dégâts voient leur équilibre financier particulièrement fragilisé. Nombre d'entre elles, peu ou mal assurées contre les actes de vandalisme, devront faire face à des coûts de reconstruction que leurs budgets n'avaient pas prévus. Outre les travaux, il a souvent fallu assumer aussi des frais complémentaires pour permettre l'accueil des enfants dans des services de substitution : crèches, écoles, gymnases notamment.

Certes, comme toute personne physique ou morale, ces communes sont susceptibles de bénéficier du régime de réparation prévu à l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel l'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis lors d'attroupements ou de rassemblements, soit contre les personnes, soit contre les biens.

Si l'engagement de la responsabilité de l'État existe effectivement, et sous certaines conditions, comme l'ont précisé de multiples avis et arrêts du Conseil d'État, la jurisprudence l'a toutefois totalement écarté lorsque les dommages résultent d'actions préméditées et mises au point par de petits groupes constituant en réalité des opérations de commando.

Monsieur le ministre, c'est cette jurisprudence qui vous a conduit à rejeter l'hypothèse d'une indemnisation des dommages par l'État, à l'exception d'un nombre très limité de situations correspondant aux premiers événements survenus à Clichy-sous-Bois.

Mais permettez-moi une nouvelle fois d'insister sur l'étendue et sur le coût des dégâts, qui laissent de très nombreuses communes dans une situation de très grave déséquilibre financier, et ce en dépit des mécanismes d'assurance. Les assureurs pleurent avec vous le premier jour, puis ils discutent, et c'est alors une autre chose.

Le bénéfice d'une dotation globale de 10 millions d'euros pour la reconstruction des bâtiments, via le remboursement anticipé du Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, adopté dans le budget pour 2006, ne permettra pas toujours aux communes touchées de faire face à leurs dépenses.

Le Gouvernement ne peut pas rester insensible à cette situation et vous avez annoncé qu'il examinerait, au cas par cas, la situation des communes les plus fragilisées.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles initiatives vous comptez prendre afin d'apporter des solutions pour l'avenir et, par ailleurs, préciser quelles sont les mesures immédiates qui pourraient être mises en oeuvre pour permettre aux élus locaux de reconstruire au plus vite les équipements détruits, sans remettre en question leurs engagements et les investissements prévus et ainsi de répondre à l'attente de leurs administrés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le rappeler à juste titre, les violences urbaines auxquelles nous avons dû faire face, du 27 octobre au 16 novembre dernier, ont provoqué d'importants dégâts dans les collectivités locales.

Leur coût global est estimé à 200 millions d'euros. S'agissant des collectivités locales, et je sais que vous avez suivi cette procédure avec attention, nous avons interrogé les cinquante-six préfets concernés. Selon les estimations qu'ils ont transmises au ministère de l'intérieur et qui sont concordantes avec celles des services du ministère de l'intérieur et celles des assureurs, le bilan de ces dégâts serait de l'ordre de 55 millions à 60 millions d'euros.

Dans le Val-de-Marne, il apparaît que le coût des travaux de remise en état des biens communaux touchés, mais aussi de ceux qui dépendent du conseil général s'élève à 3,4 millions d'euros. Vingt-trois communes sont directement concernées, ainsi que trois collèges gérés par le conseil général.

J'ajoute que la commune de Saint-Maurice a été particulièrement touchée - cela n'a pas échappé au préfet du Val-de-Marne - par la destruction de la crèche Delacroix.

La première préoccupation du Gouvernement a été, conformément aux souhaits des élus locaux, d'apporter des réponses rapides pour faciliter la remise en état des équipements publics. Nous avions, au coeur et à l'esprit, la simple volonté d'éviter que ceux qui ont eu à subir ces émeutes, ne soient, en outre, doublement pénalisés par une privation durable de ces équipements.

C'est donc à la demande du ministère de l'intérieur qu'a été adoptée, en loi de finances, une disposition qui permet aux collectivités concernées de bénéficier d'un remboursement immédiat du FCTVA - c'est donc une réponse précise et rapide - sans attendre les deux ans de droit commun. Avec cette procédure « d'urgence », en quelque sorte, ce sont près de 16 % du coût des travaux que l'État prendra à sa charge.

Certains souhaitent qu'il aille plus loin. Au-delà des compliments et des encouragements que vous avez adressés au ministère de l'intérieur, c'est sans doute également votre souci.

Une première hypothèse est que l'État reconnaisse sa responsabilité au titre des attroupements. Cette notion juridique suscite de ma part trois remarques.

La première est que les dégâts recensés concernent des biens assurables et, dans les faits, très majoritairement assurés. Vous conviendrez avec moi que les assureurs ont fait leur travail, avec une vraie réactivité, sans que l'État ait à intervenir ni à les indemniser.

La deuxième est qu'il ne faut pas se tromper de responsables, et pour les trouver, il faut se tourner vers les auteurs des exactions, et non pas vers l'État. Au-delà, c'est la jurisprudence du Conseil d'État sur la responsabilité de l'État du fait des attroupements prévu par la loi du 7 février 1983 qui doit s'appliquer. À ce titre, l'hypothèse d'une indemnisation par l'État est possible pour un nombre limité de situations.

Enfin, monsieur Cambon, et ce sera ma troisième remarque, si certaines communes se trouvent confrontées, malgré les indemnisations des assureurs, à de graves risques de déséquilibres financiers, nous examinerons, au cas par cas, avec le ministre délégué au budget, les moyens de les aider, dans le cadre des procédures prévues à cet effet.

Voilà, monsieur le sénateur, ce que j'ai dit le 2 février dernier aux représentants des assureurs et des associations d'élus locaux. Nous ne sommes pas tombés d'accord sur tout, mais nous avons engagé, pour la première fois, un dialogue que les assureurs eux-mêmes ont considéré constructif.

Nous avons ainsi décidé la constitution de trois groupes de travail qui devront me rendre leurs conclusions à la fin du premier semestre 2006 et qui aborderont trois axes de réflexion, l'assurabilité des collectivités territoriales permettant d'établir un diagnostic nécessaire et préalable à tous les acteurs avant d'aborder la question d'un éventuel fonds de mutualisation, le cahier des charges des marchés publics, ainsi que la prévention des risques.

Monsieur le sénateur, la réponse que le Gouvernement souhaite apporter aux collectivités concernées par ces événements peut se résumer en une réaction rapide, une relation responsable avec les collectivités et les assureurs et une réflexion constructive tournée vers l'avenir.

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et des initiatives qui ont été prises.

Nous avons été particulièrement sensibles au dialogue qui s'est noué avec les assureurs, car il était important de les faire réfléchir sur ces questions.

Par ailleurs, j'ai apprécié l'ouverture que vous faites en proposant d'examiner cas par cas la situation des communes qui connaissent de grandes difficultés financières.

S'agissant de la recherche des responsabilités, comme vous le savez, monsieur le ministre, ces émeutes se caractérisent malheureusement par le fait qu'elles impliquent souvent de jeunes manifestants. Vous avez eu la gentillesse de citer l'exemple de Saint-Maurice, qui a vu sa crèche de soixante berceaux détruite. Le coût de la remise en état de l'établissement, qui s'élève à 350 000 euros, ne sera que partiellement indemnisé par les assurances. Les auteurs de cette destruction sont vraisemblablement trois jeunes âgés de quatorze ans et demi dont les parents sont insolvables. Les recherches de responsabilités seront donc très simples !

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je vous remercie des ouvertures que vous avez faites et dont je ferai part aux communes concernées.

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