Question de M. POINTEREAU Rémy (Cher - UMP) publiée le 18/05/2006

M. Rémy Pointereau attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sur les conditions dans lesquelles un technival a été organisé dans le département du Cher et sur le devenir de ce type de manifestations.
En effet, lors du long week-end du 1er mai, s'est tenu durant quatre jours dans le Cher à Chavannes, commune de 169 habitants, un technival sur des terrains agricoles privés, pour la plupart en culture, ayant été réquisitionnés par l'État. Cette manifestation, qui a regroupé jusqu'à 82 000 personnes sur environ 120 hectares, a été encadrée par l'État dans le but de la sécuriser, ce que l'on comprend tout à fait. Mais il faut préciser que cela s'est effectué contre l'avis du maire de la commune, de la majorité des habitants, contre l'avis des agriculteurs concernés et même des organisateurs qui ne souhaitaient pas s'installer sur des terres cultivées.
Certes, on peut se réjouir et se féliciter de la mobilisation et de la qualité de l'engagement des services de l'État autour du préfet du Cher. Ils ont su faire face et ont déployé les moyens nécessaires à l'afflux massif des « ravers », alors que se déroulait à trente kilomètres « le Printemps de Bourges », manifestation musicale phare et reconnue du département.
Malgré cela, il est regrettable d'y avoir constaté des incidents, des malaises graves conduisant à des hospitalisations ainsi qu'un décès dû à une overdose.
Car toutes sortes de stupéfiants ont circulé en masse grâce à de nombreux dealers, et ce malgré la présence de policiers qui ont effectué d'importantes saisies de ces drogues.
Il est à noter qu'un arsenal invraisemblable d'armes ont été saisies.
On peut également déplorer les nuisances sonores ressenties jusqu'à 20 kilomètres aux alentours.
Aujourd'hui, l'attention du ministre est appelée sur l'impression de chaos, l'effet très négatif de cet événement dans la population du Cher et chez beaucoup d'élus locaux qui ne comprennent pas que l'État aménage spécialement sur des deniers publics (on évoque plus de 500 000 euros) un site dont l'emprise est constituée de terres agricoles en culture. Ils ne comprennent pas non plus que l'on puisse laisser des jeunes (y compris des mineurs) s'autodétruire par le biais des décibels et des consommations de drogues dures.
La volonté d'encadrer ces manifestations depuis 2002 est tout à fait louable, évitant ainsi les dérives encore plus graves qui avaient lieu autrefois.
Mais aujourd'hui, il convient de se poser les questions suivantes :
- Peut-on continuer à autoriser ces technivals ?
- Si ce genre de manifestation à destination d'une catégorie de jeunes devient un phénomène annuel, ne pourrait-elle pas être organisée sur des sites appartenant à l'État, notamment sur des terrains militaires (nous en possédons près de 15 000 ha dans le Cher) ; le polygone aurait pu être réquisitionné le temps d'un week-end.
Car en effet, même si les agriculteurs seront indemnisés, leurs terrains se retrouvent dégradés pour plusieurs années et l'effet psychologique est désastreux
Sur ces différentes questions il souhaiterait avoir son avis afin de rassurer la population, les élus et les agriculteurs du Cher.

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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 07/06/2006

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2006

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 1048, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Rémy Pointereau. J'ai en effet souhaité appeler l'attention du ministre de l'intérieur sur les conditions dans lesquelles un technival a été organisé dans le département du Cher et sur le devenir de ce type de manifestations.

Lors du week-end du 1er mai, s'est tenu durant quatre jours dans le Cher, à Chavannes, commune de 169 habitants, un technival sur des terrains agricoles privés, pour la plupart en culture, qui avaient été réquisitionnés par l'État. Cette manifestation, qui a regroupé jusqu'à 82 000 personnes sur environ 120 hectares, a été encadrée par l'État, le souci étant de la sécuriser, ce que l'on comprend tout à fait.

Toutefois, il faut préciser que cet énorme rassemblement s'est effectué contre l'avis du maire de la commune, de la majorité des habitants et des agriculteurs concernés, et même contre l'avis des organisateurs, qui ne souhaitaient pas s'installer sur des terres cultivées.

Certes, on peut se féliciter de la mobilisation et de la qualité de l'engagement des services de l'État autour du préfet du Cher. Ils ont su faire face à l'afflux massif des « ravers » en déployant les moyens nécessaires, alors que se déroulait à trente kilomètres le Printemps de Bourges, manifestation musicale phare et reconnue du département.

Malgré cette mobilisation, on a pu déplorer des incidents, des malaises graves conduisant à des hospitalisations, ainsi, hélas ! qu'un décès dû à une overdose. Car toutes sortes de produits illicites ont circulé en masse par l'intermédiaire de nombreux dealers, en dépit de la présence de policiers, qui ont effectué d'importantes saisies de drogues. Il est à noter qu'un arsenal invraisemblable d'armes a également été saisi. Il convient en outre de signaler que les nuisances sonores se sont fait sentir jusqu'à vingt kilomètres aux alentours.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, je veux souligner le sentiment d'invraisemblable chaos qu'éprouvent la population du Cher et de nombreux élus locaux, qui ne comprennent pas que l'État ménage, en prélevant sur les deniers publics - on évoque environ un million d'euros -, une emprise sur un site constitué de terres agricoles en culture. Ils ne comprennent pas non plus que l'on puisse laisser des jeunes, y compris des mineurs, s'autodétruire en consommant des drogues dures dans un excès de décibels. Point n'est besoin d'évoquer davantage l'effet très négatif de cet événement.

La volonté dont témoigne l'État depuis 2002 d'encadrer ces manifestations est tout à fait louable, car elle a permis d'éviter les dérives encore plus graves observées autrefois. Mais de nombreux points restent à éclaircir aujourd'hui. Doit-on continuer à autoriser ces technivals ?

Si ces manifestations intéressant une catégorie de jeunes deviennent un phénomène annuel, ne pourraient-elles être organisées sur des sites appartenant à l'État, notamment sur des terrains militaires ? Il en existe environ 15 000 hectares dans le Cher, notamment celui du Polygone, qui aurait pu être réquisitionné le temps d'un week-end.

Sur ces différentes questions, je souhaiterais avoir votre avis, monsieur le ministre, afin de rassurer la population et les élus du Cher.

Je tiens, en conclusion, à insister sur les répercussions psychologiques désastreuses qu'a eues, pour les agriculteurs, la dégradation de leurs terres agricoles et que l'indemnisation ne suffit pas à effacer.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous souhaitez connaître les conditions dans lesquelles le technival du Cher s'est tenu le week-end du 1er mai et vous vous interrogez sur le devenir de ce type de manifestations.

Comme vous le savez, depuis 2002, l'État s'est efforcé de nouer un dialogue avec les médiateurs du mouvement « techno » et il s'est engagé dans une politique de réduction des risques de tous ordres, particulièrement à l'égard des grands rassemblements de type « technival ».

Chercher à interdire ces rassemblements aurait été peu réaliste, voire irréaliste, s'agissant d'un mouvement qui compte plus de 300 000 adeptes, composés en majorité de jeunes adultes. Avant 2002, la situation était quelque peu chaotique : il n'existait aucune réglementation couvrant ce type manifestations. Souvenons-nous des difficultés innombrables liées à des envahissements sauvages, suscitant la fureur, bien compréhensible, des élus locaux.

Face à ces rassemblements spontanés de plusieurs dizaines milliers de personnes, sans organisateurs facilement identifiables, il s'agissait pour l'État de prendre les dispositions de sauvegarde nécessaires afin de limiter les risques pour les personnes et les biens, ainsi que les troubles à l'ordre public.

L'accompagnement par les services de l'État de plusieurs technivals a démontré, dans chaque cas, l'intérêt d'être associé le plus en amont possible à ces rassemblements, plutôt que de subir, comme par le passé, leur tenue clandestine, avec tous les risques qui en découlent.

La présence des services de l'État permet aussi, c'est incontestable, de mener une lutte énergique contre les trafics et usages de produits stupéfiants. Au fil des ans, au fur et à mesure que des condamnations exemplaires sont prononcées, le message adressé aux dealers potentiels est de mieux en mieux reçu.

Corrélativement à cette action accrue contre les trafics, des actions de prévention et de surveillance sont mises en oeuvre.

Sur le plan financier, il convient de noter qu'un rassemblement encadré se révèle nettement moins onéreux qu'un technival clandestin. En effet, dans les deux cas, la mobilisation des forces de l'ordre est la même et l'État doit prendre en charge l'indemnisation des dégâts occasionnés. Or un rassemblement clandestin occasionne indiscutablement davantage de dégâts qu'un rassemblement encadré de manière à éviter les débordements.

Il faut aussi rappeler que la charge induite par ces manifestations pour le budget de l'État demeure sensiblement inférieure à celle d'autres rassemblements culturels ou sportifs, pour lesquels d'importantes subventions sont versées.

Ces principes de politique générale à l'égard des technivals étant rappelés, j'en viens à celui qui s'est tenu dans le Cher à l'occasion du week-end du 1er mai.

En ce qui concerne l'utilisation des terres agricoles, une surface de 90 hectares, dont une partie en jachère, a été utilisée. Dans son rôle de garant de l'intérêt général et de l'ordre public à l'échelon local, le préfet a tenu plusieurs réunions avec les exploitants dont les terres étaient réquisitionnées afin d'ajuster le protocole d'indemnisation, avec le concours de la chambre d'agriculture, la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles et les maires des communes concernées.

J'aurai d'ailleurs l'occasion de rencontrer prochainement ces derniers ainsi un certain nombre d'élus du département lors de la réunion de l'assemblée départementale, à laquelle j'ai été convié par vous-même, monsieur le sénateur.

L'indemnisation, qui est en cours, représente environ 100 000 euros. Elle couvre les pertes ainsi que la remise en état du site.

Durant la préparation du site, il a été tenu compte des observations formulées par les agriculteurs. En outre, des aménagements pérennes ont été réalisés, notamment le remblaiement de voies en terre, au bénéfice direct de la commune concernée.

Un état des lieux complet et contradictoire a été réalisé dès le 4 mai et une remise en état intégrale des terrains a été effectuée.

L'information des élus locaux et de la population a été assurée régulièrement avant le technival et pendant tout son déroulement.

S'agissant de l'utilisation de terrains militaires, ceux qu'abrite le département du Cher sont tous utilisés de manière permanente. Pour ce qui a trait plus particulièrement au Polygone de tir, les autorités militaires sollicitées ont fait valoir les dangers résultant de la présence de résidus de munitions et de munitions non explosées.

En matière de prévention des toxicomanies, les services de l'État ont distribué plus de 40 000 dépliants d'information à l'entrée du technival afin de prévenir les jeunes sur les risques qu'ils encouraient. D'autre part, des éthylotests individuels ont été remis aux conducteurs à la sortie du technival, où étaient également postés les représentants de cinq associations de réduction des risques en matière de drogues.

Quatre postes de secours et un poste médical avancé ont été mis en place, ce qui a permis, notamment, de sauver la vie à plusieurs jeunes victimes d'overdose, même si l'on doit déplorer, hélas ! le décès d'une jeune femme par overdose.

S'agissant de l'action répressive, les forces de l'ordre ont procédé à de très nombreux contrôles. Des quantités importantes de produits stupéfiants ont été saisies, dont 8,7 kilogrammes de cannabis, 2 kilogrammes de cocaïne, et 5 875 cachets d'ecstasy. Quarante-quatre personnes trouvées en possession de drogues ont été placées en garde à vue ; quinze ont fait l'objet de peines allant de quatre mois à dix-huit mois d'emprisonnement ferme.

Enfin, contrairement à des rumeurs qui ont circulé et dont la presse s'est fait l'écho, aucun chien n'a été éventré à l'occasion de cet événement.

Dès lors qu'une manifestation rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes, l'État doit assumer ses responsabilités et prendre des mesures d'encadrement nécessaires, quelle que soit la nature du rassemblement. C'est vrai pour les 24 heures du Mans, pour l'Enduro du Touquet, et pour bien d'autres manifestations.

Lors du technival du Cher, l'État n'a pas failli à l'une de ses missions essentielles, celle qui consiste à assurer la sécurité des biens et des personnes.

Je sais, monsieur le sénateur, que c'est là l'une de vos préoccupations majeures. Croyez bien que c'est aussi celle du Gouvernement et du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

J'ai bien compris votre souhait de voir les services de l'État accompagner de telles manifestations, ce qui permet effectivement de prévenir un certain nombre de dérives, plutôt que de les subir. En l'occurrence, l'État n'a pas failli et, je tiens à le souligner, le préfet du Cher s'est fortement investi dans la préparation et le déroulement de ce technival.

Permettez-moi de répondre à votre objection concernant l'utilisation des terrains militaires : s'ils représentaient un danger pour les « ravers », il en serait de même pour ceux qui reprennent régulièrement les chevreuils ou ceux qui effectuent des battues administratives. Or je n'ai jamais vu aucun d'eux sauter sur une mine ou une bombe ! Il me paraît donc souhaitable d'explorer cette piste. Le Polygone n'est pas utilisé pour le tir tous les jours de l'année et il me semble qu'il serait possible de consacrer une centaine d'hectares de ce terrain à cette manifestation. Pour m'y être rendu à plusieurs reprises, au même titre qu'un certain nombre d'élus, je puis témoigner du fait qu'il est sans danger : jamais le moindre accident ne s'y est produit.

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