Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 01/06/2006

M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur les vives inquiétudes suscitées par le projet de loi visant à réformer le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En effet, ce texte vient réformer le droit applicable aux étrangers sans qu'au préalable un véritable bilan n'ait été réalisé suite aux réformes précédentes. Cette nouvelle modification des règles applicables, de par son contenu et les objectifs annoncés, à savoir un accès restrictif aux documents de séjour, un accroissement de la difficulté et de la précarité du regroupement familial, une aggravation du sort des demandeurs d'asile, ainsi que des demandeurs de naturalisation, vont conduire à marginaliser et stigmatiser une partie de la population, et cela, au mépris des principes qui caractérisent l'histoire de notre pays, patrie des droits de l'homme. Il lui demande de lui indiquer s'il entend tenir compte des remarques légitimes des associations représentatives.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire publiée le 01/02/2007

La nouvelle législation sur l'immigration et l'intégration, qui a été entièrement approuvée par le Conseil constitutionnel et promulguée le 24 juillet 2006, construit un dispositif équilibré et volontaire, porteur d'un projet ambitieux à la fois pour les migrants et pour la nation française, en rupture avec la conception et les pratiques de la politique d'immigration précédente. Cette nouvelle politique repose sur trois principes fondamentaux. Le premier de ces principes est celui de l'immigration choisie. Il signifie que, comme toutes les grandes démocraties du monde, la France doit pouvoir choisir le nombre des migrants qu'elle accueille, selon quels objectifs et dans quelles conditions. L'immigration choisie est à la fois le contraire de l'absence d'immigration et le contraire de l'immigration subie, c'est-à-dire celle qui est subie tant par les Français que par les migrants qui ne parviennent pas à vivre décemment en France et à s'y intégrer. L'Etat doit en effet pouvoir se fixer des objectifs quantifiés d'immigration, pour déterminer la composition des flux migratoires, dans l'intérêt de la France comme dans celui des pays d'origine. La politique d'immigration choisie permet ainsi de lier l'immigration aux capacités d'accueil de notre pays. Elle repose sur des règles claires et prévisibles, qui prévoient que le candidat à l'immigration en France doit être autorisé à venir s'y installer, avant son entrée sur notre territoire. Il ne s'agit pas d'un système élitiste qui n'accepterait que des étrangers extrêmement qualifiés mais d'une politique de régulation de l'immigration apportant sa contribution positive à la vie de notre nation. Dans cet esprit, la loi dispose que la délivrance d'un visa de long séjour par les services consulaires français devient la condition préalable à l'immigration en France. Elle abroge en conséquence le système des régularisations automatiques après dix ans de séjour illégal, sans interdire pour autant le droit de régularisation au cas par cas, pour tenir compte des situations humanitaires et des intérêts de notre pays.La loi nouvelle réforme par ailleurs les règles du regroupement familial, dans le but de s'assurer que toutes les conditions sont réunies pour que la famille puisse s'intégrer dans notre société. C'est ainsi que le migrant qui souhaite faire venir sa famille devra séjourner régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois et non plus un an, durée nécessaire pour mieux préparer l'arrivée de son conjoint et de ses enfants. Il devra prouver qu'il se conforme aux principes qui régissent la République française et qu'il sera en mesure de pourvoir aux besoins de sa famille par les ressources de son seul travail et non des prestations sociales. Il devra aussi disposer d'un logement décent dans les mêmes conditions qu'une famille française comparable. Cette réforme du regroupement familial s'accompagne d'une clarification des règles concernant les autres voies d'immigration familiale. Les conditions de délivrance des cartes de séjour pour motifs de « vie privée et familiale » sont ainsi précisées par la loi, qui prévoit que l'étranger présent dans notre pays devra justifier de l'ancienneté, la stabilité et l'intensité de ses attaches en France, de la nature de ses liens avec la famille restée dans son pays, de ses conditions d'existence sur notre territoire ainsi que de son insertion dans notre société 93. Les nouvelles dispositions permettent par ailleurs de mieux lutter contre les mariages de complaisance, dont le seul objet est de procurer un titre de séjour et, à terme, la nationalité française au conjoint d'un Français. Elles suppriment le lien automatique entre le mariage et le droit au séjour et portent à quatre ans la durée de vie commune requise avant de devenir français. Ces règles n'interdisent évidemment pas à un ressortissant français d'épouser un étranger, ni même de se marier avec un étranger en situation irrégulière, mais permettent de décourager les mariages de complaisance. Le deuxième principe de cette réforme repose sur la nécessité d'assurer le lien fondamental entre l'intégration et l'immigration. La venue en France de nouveaux migrants nécessite que notre pays se donne les moyens de les accueillir et d'organiser leur insertion dans la société française. L'absence de volonté politique en la matière durant les dernières décennies a conduit aux phénomènes de ghettoïsation et de violences urbaines qui se sont développés dans notre pays. La rupture avec les conceptions et pratiques antérieures se manifeste désormais par la subordination du droit de séjour durable à la manifestation claire de la volonté des migrants de s'intégrer, en faisant l'effort nécessaire pour apprendre la langue française et en respectant les lois et les valeurs de la République. Est ainsi défini, de manière cohérente, un vrai parcours d'intégration, de l'arrivée en France jusqu'à l'installation durable. La signature d'un contrat d'accueil et d'intégration, obligatoire pour toutes les personnes qui entrent en France légalement dans la perspective de s'y installer de manière durable, permet à l'étranger de s'engager à l'égard de notre pays par l'apprentissage de la langue française et le respect des lois et valeurs de la République. En contrepartie, l'Etat s'engage à l'égard de l'étranger en lui donnant une formation linguistique et civique et une première orientation dans ses démarches pour s'adapter à la société française. Le troisième principe de la réforme est celui de la stratégie nécessaire de codéveloppement conduisant la France à conclure de véritables partenariats avec les pays d'origine. L'objectif est de mieux accueillir les étudiants, les actifs et tous ceux qui ont des compétences, la logique de l'immigration choisie et celle du codéveloppement se rejoignant ici. La création de la carte de séjour « compétences et talents », d'une durée de trois ans, permet d'accueillir des personnes dont la présence est une chance pour la France. La mobilité et la circulation des compétences seront ainsi favorisées, dans l'intérêt même des pays en développement, les migrants concernés pouvant apporter à la France leurs talents et acquérir, en retour, une expérience utile à leur pays d'origine. Les choix d'immigration pourront être différents selon les zones géographiques afin de tenir compte des spécificités et des besoins des différents pays d'origine 94. En outre, l'accueil en France des étudiants ayant été choisis dans leurs pays d'origine est simplifié. Après l'obtention d'un diplôme de niveau master dans notre pays, ils pourront bénéficier d'une autorisation de séjour leur permettant de chercher et d'exercer un emploi. Pour ceux qui viennent d'un pays en voie de développement, elle leur permettra d'acquérir une première expérience professionnelle utile avant le retour dans leur pays. Enfin, il est prévu un assouplissement des conditions de recrutement des étrangers, dans des secteurs et des bassins d'emploi qui souffrent de pénuries de main- d'oeuvre. La nouvelle législation sur l'immigration et l'intégration constitue donc un dispositif novateur et ambitieux, permettant d'accueillir les migrants qui seront en mesure de vivre et de travailler décemment en France. Elle renforcera leur intégration et, par voie de conséquence, la cohésion de notre pays.

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