Question de M. GOUJON Philippe (Paris - UMP) publiée le 08/06/2006

M. Philippe Goujon attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de sensibiliser les magistrats à l'importance des bénéfices retirés de la pratique du travail illégal, afin qu'ils soient incités à prononcer des sanctions véritablement dissuasives. Traditionnellement, les employeurs d'étrangers sans titre s'exposent à des sanctions pénales et sont assujettis au versement d'une amende administrative, la contribution spéciale due à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations. En matière pénale, la loi n° 2003-1115 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, a durci les peines applicables en cas d'emploi d'étranger sans titre de travail. L'employeur s'expose à une peine de cinq ans d'emprisonnement et à une amende de 15 000 euros par salarié concerné. Ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. Elles sont plus sévères que celles encourues pour d'autres formes de travail illégal, puisque l'infraction de travail dissimulé est punie, par exemple, de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ; cela témoigne de l'accent mis sur la lutte contre l'emploi d'étrangers en situation irrégulière, qui se justifie par la particulière vulnérabilité de ces derniers. Créée en 1976, la contribution spéciale due à l'ANAEM, visée à l'article L. 341-7 du code du travail, est une amende administrative à la charge des entreprises qui emploient des étrangers dépourvus d'autorisation de travail. Son montant est égal à mille fois le taux horaire du minimum garanti mentionné à l'article L. 141-8 du code du travail, soit 3 110 euros par travailleur irrégulier. En dépit de leur quantum apparemment dissuasif, ces sanctions traditionnelles ont, depuis quelques années, montré leurs limites. Il apparaît, en effet, que les condamnations effectivement prononcées par les tribunaux demeurent relativement modérées, le montant moyen des peines étant de moins de 3 000 euros, tous types d'infractions relatives au travail illégal confondus. De l'avis de la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal, « l'application des peines conduit à des quanta faibles non pas par mauvaise volonté des juges mais parce que les juges ne sont pas toujours conscients de l'importance des sommes qui sont en jeu ». Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui préciser les dispositions qu'il entend prendre afin de remédier au problème exposé.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/10/2006

Le garde des sceaux fait savoir à l'honorable parlementaire qu'il partage son souhait de voir les magistrats sensibilisés aux différentes formes du travail illégal. A cet effet, le ministère de la justice, qui veut être réactif aux évolutions de la criminalité en la matière, a adressé aux parquets généraux, le 27 juillet 2005, une circulaire de politique pénale pour la répression des infractions relatives au travail illégal. Cette circulaire comporte trois parties. La première met en exergue les instruments d'une lutte efficace contre le travail illégal. Elle rappelle les moyens opérationnels qui peuvent être mis en oeuvre (comité opérationnel de lutte contre le travail illégal, office central de lutte contre le travail illégal, office central pour la répression de l'immigration irrégulière) et le caractère interministériel de l'action judiciaire. Elle préconise de développer une politique de partenariat avec les fédérations professionnelles. Cette circulaire insiste sur la nécessité de créer des audiences dédiées à ce contentieux. La deuxième partie de cette circulaire présente les axes prioritaires de lutte contre le travail illégal définis par la Commission nationale de lutte contre le travail illégal en mars 2004 (spectacle vivant, agriculture, bâtiment et travaux publics, hôtels, et restaurants), et explicite les éléments constitutifs des infractions concernant l'emploi illicite d'étrangers, les fraudes transnationales et le recours au travail dissimulé. La troisième partie est consacrée au traitement judiciaire des infractions et évoque des procédures spécifiques de procédure pénale à la disposition des services répressifs. Par ailleurs, le 8 août 2005, la direction des affaires criminelles et des grâces a transmis la dépêche-circulaire du ministère de l'emploi du 29 juillet 2005 adressée aux préfets de région et préfets, afin que soit organisée dans chaque département d'ici au 31 octobre 2005 au moins une opération exemplaire de contrôle des sites de travail où étaient susceptibles d'être occupés illégalement des étrangers sans titre de séjour. Environ 500 opérations conjointes ont ainsi été organisées et ont abouti à l'ouverture d'une quinzaine d'informations judiciaires et à plus de 70 comparutions d'auteurs d'infractions devant une juridiction répressive. Par la suite, la circulaire interministérielle du 27 février 2006, portant sur la mise en oeuvre en 2006 de nouvelles opérations conjointes visant à lutter contre l'emploi d'étrangers sans titre de travail et le travail dissimulé, a également été diffusée aux procureurs généraux près les cours d'appel le 22 mars 2006 aux fins d'exécution. Ces opérations sont en cours. Enfin, le plan national de lutte contre le travail illégal pour 2006 et 2007 arrêté par la Commission nationale de lutte contre le travail illégal a été communiqué par voie de circulaire aux parquets le 26 mai 2006. Ces nombreuses circulaires démontrent que la lutte contre le travail illégal est une des priorités gouvernementales, et donc du ministère de la justice. En outre, au-delà des peines qui peuvent être prononcées par les juridictions en matière d'emploi d'étrangers sans titre de travail et qui ont été aggravées par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, il existe une amende administrative prévue par l'article L. 341-7 du code du travail (contribution spéciale au bénéfice de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations). Un projet de décret relatif à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine devrait compléter le dispositif de sanction administrative en matière d'emploi d'étranger démuni de titre de séjour.

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