Question de M. BOCKEL Jean-Marie (Haut-Rhin - SOC) publiée le 08/06/2006

M. Jean-Marie Bockel attire l'attention de M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales sur la nécessité de revaloriser les dispositions relatives aux biens de famille insaisissables.
L'article 2 de la loi du 12 juillet 1909 permet la protection d'un « bien de famille » insaisissable, ce qui est particulièrement important dans le cadre de l'exercice familial des professions artisanales. Celui-ci peut notamment porter sur « une maison avec boutique ou atelier et le matériel ou outillage le garnissant, occupés et exploités par une famille d'artisans ».
Cependant, la limite de valeur déterminée par cet article n'a pas été revalorisée depuis l'intervention de la loi du 12 mars 1953 et reste plafonnée à 7 622,45 euros. Ce seuil rend effectivement inapplicable dans les faits ce droit pour les familles, au regard de l'inflation de la fin du XXème siècle et des hausses spectaculaires de l'immobilier.
La loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique a permis aux chefs d'entreprise de rendre insaisissable leur résidence principale. Il faut saluer cette mesure. Mais il serait aussi souhaitable de l'étendre à la protection de l'outil de travail et de redonner toute sa valeur au « bien de famille » en relevant le plafond de ce bien.
Aussi il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles suites le gouvernement entend donner à cette proposition.

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Réponse du Ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales publiée le 24/08/2006

Le bien de famille au sens de la loi du 12 juillet 1909 est une institution qui n'a jamais véritablement été mise en oeuvre pour réaliser la protection d'un patrimoine et qui relève désormais d'une organisation économique dépassée. En effet, le défaut du dispositif réside dans le fait qu'il instaure un patrimoine de main morte, c'est-à-dire que les biens érigés en biens de famille sont à titre définitif hors de toute transaction possible. Les biens sont la propriété d'une entité abstraite, la famille, représentée par le conseil de famille qui n'est pas à proprement parler un organe de décision concernant l'administration des biens concernés, mais dont l'intervention est essentiellement destinée à faire obstacle à toute tentative du chef de famille de faire sortir les biens de la famille. Le caractère rigidement clos de l'institution du bien de famille ne lui a jamais permis de trouver sa place dans l'organisation du droit français, qui ne reconnaît la détention d'un patrimoine qu'aux sujets de droit que sont les personnes physiques et les personnes morales. La famille ne constitue pas une personne morale et même la loi du 12 juillet 1909 ne lui donne pas cette qualité. Pour cette raison, l'institution du bien de famille est rapidement tombée en désuétude. Le second aspect négatif de la législation sur le bien de famille est de tendre à créer une situation malthusienne dans la mesure où le fonds familial, ne pouvant servir de garantie à son propre développement, se trouve conduit à la stagnation. Le plafonnement de la valeur maximale du bien susceptible d'être constitué en bien de famille produit la même conséquence : les titulaires d'un bien de famille ne sont pas incités à mettre en valeur ce bien en particulier pour éviter qu'il perde son caractère familial résultant d'une plus-value trop forte qui porterait sa valeur au-dessus du plafond légal. Après avoir exactement pris en compte l'inadaptation de l'institution du bien de famille, la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique a préféré créer la déclaration d'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel par un acte authentique si tel est son souhait. Ce dispositif a répondu à l'objectif de protéger l'habitation du chef d'entreprise et de sa famille contre les aléas de l'activité économique et les risques financiers liés à l'esprit d'entreprendre. Le dispositif, qui ne repose pas sur une valeur plafond du local d'habitation, demeure suffisamment souple puisque le propriétaire du bien immobilier peut lever l'insaisissabilité aisément s'il doit donner sur ce bien des garanties à ses créanciers professionnels. La facilité de la mise en oeuvre de la protection de la résidence principale prévue par la loi du 1er août 2003, qui requiert une seule déclaration devant notaire d'un coût modique, sans modifier la situation patrimoniale du bien, lequel relève toujours de son propriétaire sans dessaisissement en faveur d'une entité familiale mal définie et susceptible d'être le centre de conflits d'intérêts soumis à l'arbitrage du juge des tutelles, a, pour ces raisons, semblé préférable à la revitalisation de l'ancienne institution du bien de famille résultant de la loi du 12 juillet 1909.

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