Question de M. ADNOT Philippe (Aube - NI) publiée le 28/09/2006

M. Philippe Adnot attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat sur la récente annonce de la simplification des règles régissant le droit de l'entreprise, afin qu'à terme, les salariés de France bénéficient d'une fiche de paie numérique et qu'une économie substantielle - de l'ordre de 190 millions d'euros pour les entreprises et par an - soit ainsi réalisée. Il lui rappelle qu'en vertu d'une circulaire de 1947 (circ. TR. 55 du 17 juillet 1947 : BOMT 1947) : « Les bulletins de paie peuvent être établis non seulement à l'encre, mais également à l'aide de tout procédé permettant d'obtenir une écriture indélébile comme, par exemple, le crayon encre ou le papier carbone. Il s'ensuit que ne peuvent être acceptés les procédés dont l'utilisation présente des risques d'effacement et expose ainsi les salariés à se voir contester les droits qu'ils auraient à faire valoir en présentant un bulletin de paie. Le caractère indélébile des mentions portées sur la pièce justificative doit être vérifié par le service de l'inspection du travail. ». Or, force est de constater, en pratique, que la fiche de paie, telle qu'imprimée aujourd'hui à l'aide d'imprimantes bureautiques sur papier blanc ou préimprimé sans aucune protection, a totalement perdu ses caractéristiques de non-répudiation par l'employeur, de non-falsification par le salarié et donc d'opposabilité aux tiers (banques, propriétaires immobiliers, ASSEDIC, tribunaux de prud'hommes, organismes sociaux chargés des prestations sociales soumises à conditions de ressources, etc.). Il semblerait que cette situation ait engendré de telles dérives que l'on ne peut plus considérer la fiche de paie que comme un début de preuve, comme en atteste le fait qu'elle ne rentre plus dans les calculs de taux d'endettement par les banques qui lui préfèrent l'avis d'imposition (que l'administration imprime sur papier sécurisé afin de lui conférer son statut de pièce justificative). Aussi, il souhaiterait connaître les précautions que le Gouvernement entend prendre, d'une part pour assurer la validité juridique des fiches de paie dématérialisées, et, d'autre part pour mesurer l'exacte économie que ce système pourra permettre de réaliser, étant entendu que devront être également pris en compte les coûts pour les entreprises des investissements liés aux mises à jours de logiciels et aux surcoûts d'un mode de gestion à deux vitesses.

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Réponse du Ministère délégué au budget et à la réforme de l'État, porte parole du Gouvernement publiée le 04/01/2007

La simplification de la vie quotidienne des Français et la réduction du poids des réglementations, lorsqu'elles ne sont pas justifiées, est une des priorités du Gouvernement. Dans cette optique, il a engagé une série d'actions visant à simplifier le bulletin de paie. L'enjeu est considérable puisque 16 millions de documents sont échangés chaque mois dans ce cadre. Ainsi, le décret du 14 mars 2005 (codifié à l'article R. 143-2 du code du travail) a permis de réduire de 21 à 7 le nombre de lignes du bulletin de paie pour l'ensemble des salariés et de 28 à 11 pour les cadres. Le Gouvernement prépare actuellement des mesures pour faciliter le recours à cette option, en remplaçant le récapitulatif annuel individualisé actuellement obligatoire par un tableau explicatif. Le Gouvernement a décidé de franchir une étape supplémentaire, en cohérence avec le développement de la société de l'information, en prévoyant, dans le cadre de la loi de simplification déposée au Sénat le 13 juillet 2006, la faculté pour les employeurs d'adresser le bulletin de paie par voie électronique, avec l'accord du salarié. Cette mesure permettrait à ce dernier de disposer instantanément du document. Quant aux entreprises, libérées des contraintes d'impression, de mise sous enveloppe et de distribution, elles gagneraient du temps, réduiraient les coûts et limiteraient les risques d'erreur. Au total, les gains à attendre de la dématérialisation du bulletin de paie sont considérables, comme l'a souligné le rapport de M. Patrick Turbot en 2005. Cette mesure s'inscrit dans le contexte du développement de la société de l'information, dans lequel par exemple les téléservices occupent une place toujours plus importante pour les Français. Ainsi, 5,7 millions de contribuables ont déclaré leur impôt sur le revenu par internet en 2006. Dans ce cadre, le Gouvernement partage la préoccupation de l'auteur de la question, et confirme que la dématérialisation du bulletin de paie n'aura pas pour effet de lui faire perdre son caractère de pièce justificative des éléments qu'il contient. Juridiquement, conformément à l'article 1316-1 du code civil, un document sous forme électronique a la même force probante qu'un écrit sur papier dès lors que la personne dont il émane est identifiée et qu'il est établi et conservé dans des conditions permettant d'en établir l'intégrité. En outre, les bulletins de paie traités sous forme électronique, ce qui est déjà très souvent le cas, sont soumis aux dispositions de l'article 34 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés imposant au responsable du traitement de prendre toutes précautions utiles pour préserver la sécurité des données, et empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès. Au total, la dématérialisation conduit à des exigences accrues en matière de sécurité. En pratique, à travers le recours à des formules électroniques non modifiables, la dématérialisation rend les falsifications plus difficiles, et plus aisément détectables par les administrations et les organismes sociaux. Dans ce contexte, le Gouvernement travaille sur des mesures d'accompagnement permettant de sécuriser l'intégrité et l'archivage des données du bulletin de paie et de maximiser les avantages de la dématérialisation à travers le développement des échanges de données électroniques. A cet égard, l'ordonnance du 8 décembre 2005 sur les téléservices prévoit que chaque Français pourra, dès 2008, disposer d'un coffre-fort électronique pour stocker sur internet ses pièces administratives. Au total, l'objectif est que chacun gagne à la dématérialisation du bulletin de paie : les entreprises, les salariés et les administrations.

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