Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 14/12/2006

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'avenir de la Monnaie de Paris. Cet établissement qui compte 712 salariés dont 516 ouvriers d'État est l'objet de graves inquiétudes. Cette institution dont l'essentiel des activités relève de l'exercice de missions régaliennes ne bénéficie pour l'instant d'aucun projet industriel et est l'objet de modifications statutaires insuffisamment concertées et considérées comme préjudiciables par les personnels.

Par ailleurs le Gouvernement vient de confirmer que la parcelle de l'an IV, actuellement dans le périmètre des activités de l'administration des Monnaies et Médailles 11, Quai Conti, sera cédée à l'Institut de France à l'horizon 2010. Il est à noter que sur ce terrain a été bâti le grand hall de frappe sous verrière inauguré en 1896 par le Président Félix Faure. Ce terrain est dédié depuis 1795 à des activités de fabrication de l'Hôtel des Monnaies. A ce jour, il abrite l'essentiel des presses d'estampage des médailles d'art et des décorations officielles, ainsi que des infrastructures lourdes comme la station d'alimentation en énergie électrique du bâtiment et du parc machines-outils et la station de traitement des eaux.

Céder cet espace et ces locaux, porterait gravement atteinte aux activités parisiennes regroupant les métiers d'art des Monnaies et Médailles et menacerait plus de 300 emplois, ouvriers, employés et techniciens très qualifiés. En effet, il est évident que la cession de la parcelle de l'an IV et des activités qui s'y trouvent conduira à plus ou moins long terme à une délocalisation des derniers ateliers d'art encore en activité au cœur de la capitale. Paris se trouverait ainsi privé d'un patrimoine culturel considérable et du savoir faire des personnels sur place. Après le départ de l'Imprimerie Nationale ce serait un nouveau coup dur porté aux activités industrielles parisiennes.

C'est pourquoi elle lui demande de revenir sur cette orientation et d'agir en faveur d'un maintien de la Monnaie de Paris au cœur de la capitale dans tout son périmètre, toutes ses activités manufacturières, artistiques et patrimoniales, et tous ses emplois.


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Réponse du Ministère délégué au budget et à la réforme de l'État, porte parole du Gouvernement publiée le 17/01/2007

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2007

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 1192, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaiterais évoquer la situation de l'Hôtel des monnaies, établissement cher à mon coeur et à celui des Parisiens, mais peut-être pas au vôtre, monsieur le ministre...

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Cela commence très mal ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soit, je veux bien croire qu'il est également cher à votre coeur !

Je ne m'attarderai pas ici à retracer l'histoire de la monnaie, car M. le président ne le permettrait sans doute pas. (Nouveaux sourires.)

Quoi qu'il en soit, l'avenir de la Monnaie de Paris, qui compte 712 salariés dont 516 ouvriers d'État, suscite quelques inquiétudes au sein du personnel et parmi les Parisiens.

Il a été question, lors des débats budgétaires, de céder à l'Institut de France, d'ici à 2010, la parcelle dite « de l'an IV », actuellement comprise dans le périmètre des activités de l'administration des Monnaies et médailles, sise au 11, quai de Conti.

C'est sur ce terrain qu'a été bâti le grand hall de frappe sous verrière, inauguré en 1896 par le président Félix Faure. Ce terrain est dédié depuis 1795 à des activités de fabrication de l'Hôtel des monnaies. À ce jour, il abrite l'essentiel des presses d'estampage des médailles d'art et des décorations officielles, ainsi que des infrastructures lourdes comme la station d'alimentation en énergie électrique du bâtiment et du parc de machines-outils ou la station de traitement des eaux.

Céder cet espace et ces locaux porterait gravement atteinte aux activités parisiennes regroupant les métiers d'art des Monnaies et médailles et menacerait plus de 300 emplois d'ouvrier, d'employé ou de technicien très qualifié.

En effet, il est évident que la cession de la parcelle de l'an IV et des activités qui y sont assurées conduira, à plus ou moins long terme, à une délocalisation des derniers ateliers d'art encore en activité au coeur de la capitale. Paris se trouverait ainsi privé d'un savoir-faire et d'un patrimoine culturel considérables. Après le départ de l'Imprimerie nationale, ce serait un nouveau coup dur porté aux activités industrielles parisiennes.

La commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2007, dont les conclusions ont été adoptées le 19 décembre 2006, est fort heureusement revenue sur la disposition de l'amendement présenté par M. Marini concernant la parcelle de l'an IV, ce dont bien entendu je me réjouis.

Je ne suis cependant pas totalement rassurée, car mes collègues de la majorité sénatoriale, en particulier M. Marini, persistent à vouloir obtenir du Gouvernement l'engagement que les ateliers considérés soient déménagés d'ici à 2010.

Je maintiens donc ma question : comment l'État compte-t-il agir dans la durée en faveur du maintien, au coeur de la capitale, du périmètre actuel de la Monnaie de Paris, de l'ensemble de ses activités manufacturières, artistiques et patrimoniales, ainsi que de tous ses emplois ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Madame Borvo Cohen-Seat, il n'y a pas d'un côté une gentille sénatrice de la capitale qui se préoccupe de l'avenir de la Monnaie de Paris et de l'autre un méchant ministre du budget qui ne s'en soucie pas ! Je rappellerai que la Monnaie de Paris est placée sous la tutelle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et que je suis de très près ce dossier d'une importance majeure, dont nous avons longuement débattu lors de la discussion budgétaire, à laquelle vous avez participé. Les questions orales peuvent certes permettre de se dire les choses, mais alors disons-les jusqu'au bout !

S'agissant tout d'abord de la concertation, Thierry Breton et moi-même nous étions donné un an, entre l'annonce du changement de statut, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, et sa réalisation, le 1er janvier 2007.

Cette année 2006 a donc été mise à profit pour mener une concertation très approfondie avec la direction des Monnaies et médailles et les représentants du personnel. Que ce soit au sein des comités d'entreprise ou avec mon cabinet, le dialogue social a été permanent.

D'ailleurs, la rédaction de l'article 36 de la loi de finances initiale pour 2007 tient largement compte de ces discussions, en ce qui concerne notamment la sécurisation du régime de retraite, le maintien des règles statutaires applicables aux ouvriers et la confirmation du monopole des Monnaies et médailles pour la fabrication des pièces.

Après le temps de la concertation avec la direction et le personnel est venu celui du débat parlementaire, au cours duquel les dispositions précitées ont été amendées.

J'observe enfin que le dialogue social se poursuit dans un esprit de responsabilité, dans l'optique de la préparation du décret en Conseil d'État prévu par l'article 36 de loi de finances initiale pour 2007 et en vue de la signature d'un véritable accord d'entreprise.

S'agissant maintenant du projet industriel, on ne peut à la fois en demander un et regretter le changement de statut, puisque l'un et l'autre sont étroitement liés !

En effet, la transformation de la direction des Monnaies et médailles en un établissement public industriel et commercial vise précisément à permettre à la Monnaie de Paris de développer un véritable projet industriel : je n'ai cessé de le répéter lorsque nous en avons débattu. Le statut antérieur de direction d'administration centrale contraignait la direction des Monnaies et médailles dans le développement de son activité, notamment pour répondre à des appels d'offres internationaux. Le délai de réponse était extraordinairement long, en raison de contraintes administratives inadaptées à un projet moderne. Nous travaillons donc à un contrat d'entreprise pluriannuel.

S'agissant enfin de la fameuse parcelle de l'an IV, dont l'histoire est longue et tumultueuse, j'ai réitéré l'engagement pris en 2004 par Nicolas Sarkozy de la restituer à l'Institut de France à l'horizon de 2010.

En effet, cette parcelle n'avait été affectée que provisoirement à l'administration des Monnaies et médailles, en 1795. Le décret du 28 mars 1805 avait ensuite affecté l'ensemble du domaine à l'Institut de France.

La cession étant programmée à l'horizon de 2010, la totalité des activités d'art situées à Paris peut donc être maintenue à court et à moyen terme. J'ai demandé que la cession soit minutieusement préparée, en prévoyant la réimplantation au sein des autres locaux de la Monnaie de Paris de la partie, minoritaire, des ateliers de production établie sur ladite parcelle.

C'est non pas cette question immobilière qui va déterminer l'avenir des métiers d'art, mais le contrat d'entreprise. Je peux vous confirmer que, en cette matière comme en d'autres, je ne manque pas d'ambition pour cette activité fondamentale.

Comme vous pouvez le constater au travers de ma réponse, madame la sénatrice, je suis ce dossier de très près et j'attache la plus grande importance à ce que cette belle institution qu'est l'établissement des Monnaies et médailles puisse continuer son développement dans des conditions d'équilibre financier et de cohérence industrielle, sans jamais négliger la dimension sociale et humaine du projet.

Par conséquent, je me sens très concerné par cette question, c'est le moins que l'on puisse dire. Vous ayant entendue, j'ai compris que vous l'étiez aussi : nous nous rejoignons, dans ce domaine, pour servir l'intérêt général !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, ne prenez pas la mouche ! J'ai dit que l'Hôtel des monnaies était cher à mon coeur, je ne savais pas qu'il l'était également au vôtre ; vous venez de l'affirmer, j'en prends donc acte !

Cela dit, je ne suis pas totalement rassurée par votre réponse.

Un projet industriel me paraît effectivement nécessaire, les perspectives de développement étant réelles. Toutefois, celles-ci n'ont pas été évoquées, à ma connaissance, lors du débat sur le changement de statut de l'administration des Monnaies et médailles.

Ainsi, le conseil ECOFIN, qui réunit les ministres de l'économie et des finances des États membres de l'Union européenne, a décidé de faire graver et frapper une nouvelle face commune pour les pièces en euros. La gravure actuelle, qui ne comporte que le contour de la petite Europe des Quinze, sera remplacée par une nouvelle gravure figurant l'Europe des Vingt-Sept. Même si elle est de moyen terme, la mise en oeuvre de cette décision représente un besoin de frappe nouveau, ce qui contredit l'annonce du déclin de la part régalienne des activités de la Monnaie de Paris. Ce point est important, même s'il ne s'agit pas de l'ensemble des activités de l'établissement.

Monsieur le ministre, vous vous étiez effectivement engagé sur le maintien de la situation du personnel, qu'il s'agisse des fonctionnaires techniques régis par le décret n° 68-270 du 19 mars 1968 ou des personnels ouvriers régis par voie réglementaire. Je crois comprendre que vous entendez tenir vos engagements,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Comme toujours ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... mais, pour l'instant, les choses n'ont pas abouti.

Permettez-moi, en conclusion, de réaffirmer notre refus de la marchandisation des activités de la Monnaie de Paris. Vous m'avez dit que le Gouvernement avait doté les Monnaies et médailles du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial pour que les activités industrielles puissent être développées. J'espère bien sûr que l'avenir vous donnera raison, monsieur le ministre, mais, pour notre part, le précédent malheureux de l'Imprimerie nationale, qui a vu son activité s'effondrer après sa transformation en société anonyme, nous inquiète fortement !

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