Question de Mme BRICQ Nicole (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 08/02/2007

Mme Nicole Bricq souhaiterait attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de l'emploi chez Nestlé France, entreprise installée depuis le début des années 1990 à Noisiel en Seine-et-Marne, qui vient d'annoncer la suppression d'au moins 350 emplois. Cette filiale de Nestlé, leader mondial de l'alimentaire, dont le siège est à Vevey en Suisse, souhaite comprimer ses coûts et, à ses dires, « accélérer le développement de ses marques ». Les conséquences sociales sont lourdes et les conséquences économiques pèseront sur l'activité de cette partie est de l'Ile-de-France. D'autant qu'il est question par ailleurs de modifier la réglementation nationale qui consiste à ce que les filiales installées sur notre territoire augmentent fortement la rétribution qu'elles doivent verser à leur maison mère propriétaire des marques qu'elles exploitent. Cette contribution devrait être portée de 3,5 % à 7 % du chiffre d'affaires. Si tel devait être le cas, il est à peu près certain que cette modification aurait une conséquence directe sur les choix du groupe. En tout état de cause, cette mesure apparaît incompréhensible aux salariés au moment où leur emploi est mis en cause. C'est pourquoi elle souhaiterait qu'il clarifie la position du Gouvernement à ce sujet.

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Réponse du Ministère délégué au budget et à la réforme de l'État, porte parole du Gouvernement publiée le 21/02/2007

Réponse apportée en séance publique le 20/02/2007

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 1248, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre délégué au budget, je me réjouis que vous soyez présent au banc du Gouvernement pour me répondre, car je souhaite attirer votre attention sur la situation de l'entreprise Nestlé France qui, vous le savez, se trouve installée depuis le début des années 1990 à Noisiel, en Seine-et-Marne, et vient d'annoncer la suppression d'au moins 350 emplois.

Cette filiale de Nestlé, le leader mondial de l'agro-alimentaire, dont le siège se trouve à Vevey en Suisse, souhaite comprimer ses coûts et, à l'en croire, « accélérer le développement de ses marques ».

Bien sûr, cette décision aura de lourdes conséquences sociales et pèsera sur l'activité économique de l'est de l'Île-de-France, un territoire où le ratio entre l'emploi et la population totale est très faible, ce que vous savez aussi bien que moi.

Par ailleurs, les services fiscaux ont modifié le taux de la redevance due par la filiale Nestlé France à sa maison mère au titre des marques dont celle-ci est propriétaire et qui sont exploitées dans notre pays.

En effet, le taux de cette redevance passe de 3,5 % à 7 % du chiffre d'affaires réalisé en France, ce qui porte son montant à 100 millions d'euros. Par voie de conséquence, l'impôt sur les sociétés dû à l'État s'en trouve fortement diminué.

Cette décision semble incompréhensible pour les salariés. Ceux-ci, au moment où leurs emplois se trouvent menacés, sont en droit de se demander si l'État entend encourager l'évasion fiscale !

En effet, ni l'attractivité du territoire ni les finances de l'État ne trouvent leur compte à cette mesure. Monsieur le ministre, s'agit-il d'organiser en douceur le départ de Nestlé France hors du territoire national ? J'attends bien sûr avec intérêt votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Nous abordons une séquence consacrée à la Seine-et-Marne !

Mme Nicole Bricq. Ce problème va bien au-delà !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nestlé France a en effet annoncé le 26 janvier dernier, lors d'une réunion du comité central d'entreprise, la suppression, d'ici à la fin de l'année 2008, de 250 à 270 contrats à durée indéterminée et de 30 contrats à durée déterminée, au siège social de Noisiel, sur un total de 1800 salariés, ce qui est donc considérable.

Il est inutile de vous préciser, madame Bricq, que je suis moi aussi très attentif à cette situation, en tant que ministre délégué au budget mais également en tant qu'élu de la Seine-et-Marne, un département cher à mon coeur comme au vôtre.

Ces suppressions concernent les fonctions support. La direction de Nestlé a précisé qu'elles prendraient la forme de mesures de départs anticipés de fin de carrière, de préretraites et d'actions de mobilité interne, mais en aucun cas de licenciements secs, pour reprendre la formule consacrée, même si elle n'est pas très élégante.

Cela dit, le Gouvernement reste extrêmement vigilant s'agissant des mesures qui seront proposées aux salariés, et il est très attentif à la pérennisation du siège de Nestlé sur le site de Noisiel.

En ce qui concerne l'éventuelle modification des rétributions des marques par les filiales aux maisons mères, je tiens à préciser qu'aucun projet n'est en cours, à ma connaissance.

En fait, la restructuration du siège social à Noisiel participe d'un mouvement plus large, puisque le groupe prend manifestement un tournant, dans un contexte marqué par le possible ralentissement de son activité en 2007 aux États-Unis et en Allemagne.

Je le répète, le Gouvernement sera très attentif aux effets de cette mutation sur les bassins d'emploi concernés et à leurs conséquences sociales.

Nous serons toujours présents pour favoriser les solutions qui n'impliquent pas de licenciements secs et pour mettre en oeuvre des processus de revitalisation concertés.

Enfin, Madame Bricq, on ne peut pas d'un côté verser des larmes sur des emplois non reconduits et, de l'autre, refuser, comme vous l'avez fait, de voter les mesures aptes à maintenir la compétitivité du site France !

Je pense en particulier, vous l'aurez compris, à cette belle réforme de la taxe professionnelle, que vous n'avez pas votée alors même qu'elle permet de plafonner cette imposition à 3,5 % de la valeur ajoutée, ce qui mérite tout de même d'être souligné, car, auparavant, 200 000 entreprises en France se voyaient imposer jusqu'à 10 % parfois de leur valeur ajoutée !

De la même façon, d'ailleurs, vous n'avez pas voté la baisse de deux points de l'impôt sur les sociétés que nous proposions.

Je n'aurai pas la cruauté de poursuivre l'énumération des mesures d'attractivité que mes prédécesseurs ou moi-même avons mises en oeuvre depuis cinq ans. Je rappellerai seulement que vous n'en avez voté aucune !

Je regrette donc qu'il y ait deux poids deux mesures : d'un côté, vous vous inquiétez - à juste titre d'ailleurs, et je partage votre souci - qu'une entreprise décide ou annonce telle ou telle mesure de restructuration ; de l'autre, vous refusez de défendre l'attractivité de notre territoire à travers des réformes fiscales adaptées.

Il est vrai que la candidate à l'élection présidentielle que vous soutenez se situe dans une autre logique, puisqu'elle affirme aider les entreprises et prend en même temps un malin plaisir à laisser entrevoir toutes les taxes qu'elle pourrait être amenée à instaurer !

Pour l'anecdote, j'ai relevé, dans les quatre jours qui ont suivi son discours de Villepinte, qu'elle nous a annoncé quatre taxes nouvelles, dont une sur les bénéfices des grosses entreprises, une sur les fameux expatriés et une sur les recettes publicitaires des chaînes de télévision privées !

Je trouve que cela fait beaucoup pour quelqu'un qui promet de stabiliser les impôts !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, je voudrais vous ramener à notre sujet : il s'agit ce matin de questions orales, et non de questions d'actualité au Gouvernement !

Nous débattons d'un problème qui est territorial, mais pas seulement, à savoir l'attractivité de notre pays et la localisation des sièges des grandes multinationales.

Or le Sénat a précisément décidé de créer une mission d'information sur la notion de centre de décision économique, dont le président est M. Philippe Marini, le rapporteur M. Christian Gaudin et dont je suis vice-présidente.

Nous avons reçu tous les patrons des multinationales dont le siège se situe en France et nous avons réalisé un voyage d'études afin d'observer le comportement des autres multinationales dans un certain nombre de pays d'Europe du Nord.

Je suis donc en mesure de vous assurer que la question fiscale - vous avez abordé les questions de fiscalité locale, de taxe professionnelle, etc. - n'intervient jamais dans la décision d'une entreprise de rester ou de s'installer sur un territoire. En revanche, toutes nos auditions et tous nos déplacements ont montré que les choix économiques locaux et les choix sociaux d'une multinationale dépendaient du lieu où elle avait établi son siège social. Si celui-ci ne se trouve pas sur le territoire français, elle licenciera plus facilement sur ce territoire. La localisation du siège social, notamment la proximité de ce dernier par rapport à la holding, est donc très importante.

Monsieur le ministre, mon intervention visait plus globalement à vous interroger sur l'emploi et à vous poser une question sociale. Mais il s'agit également d'un problème national : pourquoi une entreprise installe-t-elle son siège social à tel ou tel endroit de notre territoire et pourquoi fait-elle le choix de la France, alors que ses activités, son marché, ses lieux de production ou ses centres de recherches peuvent se trouver sur d'autres territoires que le nôtre ?

Ma question était donc sérieuse. Vous avez choisi d'y répondre, comme vous le faites souvent, monsieur le ministre, en la déplaçant sur le terrain des propositions fiscales, lesquelles font l'objet d'un débat public. Ce n'était pas le lieu ici !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Madame Bricq, il n'y a pas, d'un côté, vous qui êtes sérieuse, et, de l'autre, moi qui ne le suis pas ! Pardonnez-moi de vous avoir répondu comme je l'ai fait. À l'avenir, dites-moi ce que vous voulez entendre, je m'y soumettrai volontiers !

Je souhaite apporter à votre réflexion deux éléments complémentaires.

D'une part, vous vous interrogez - avec raison d'ailleurs - sur la stabilité des sièges sociaux. Je ne sais pas si ma réponse vous satisfera, mais je vous la donne malgré tout : parmi les mesures d'attractivité que j'ai prises et que vous n'avez pas votées, il en est une qui consiste à exonérer les plus-values de cession de titres de participation entre les filiales et les maisons mères. Il s'agit d'un très puissant outil permettant de bloquer les délocalisations de sièges. Nous l'avons constaté, cet élément est extrêmement positif.

D'autre part, je suis d'accord avec vous : il faut travailler à améliorer l'attractivité de la France. Approuvez alors les mesures que nous prenons pour encourager notre économie ! Nous avons fait adopter un bouclier fiscal pour enrayer les délocalisations : c'est un plus, même si cela ne règle pas tout. Or vous avez annoncé que vous le supprimeriez ! Votez également les mesures d'attractivité que nous prenons en termes de crédit d'impôt, d'exportations, de recherches, de développement des PME ! Approuvez aussi la disposition que nous proposons sur l'impôt de solidarité sur la fortune lorsqu'il concerne le capital des PME !

Madame Bricq, ce que je m'efforçais de vous dire très gentiment, sur le problème de Nestlé que vous avez évoqué, mais, au-delà, sur votre discours, c'est que l'on ne peut pas prétendre soutenir les entreprises et, dans le même temps, n'annoncer aucune mesure allant dans ce sens. Cela s'appelle la stratégie du double langage. Sur ce sujet, vous savez que je serai toujours au rendez-vous pour vous le rappeler.

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