Question de M. BAILLY Gérard (Jura - UMP) publiée le 09/08/2007

M. Gérard Bailly appelle l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur la nécessité de faire le point sur le coût du maintien des prédateurs (loup, ours, lynx, etc.) dans nos montagnes. Au regard des dégâts catastrophiques dont ils sont la cause et qui suscitent le découragement, l'incompréhension et le désarroi de tous les éleveurs ovins, il est particulièrement urgent de faire le point sur les deniers publics utilisés pour leur introduction ou leur maintien dans les zones montagneuses : agents de l'administration, indemnités de prévention, mesures de protection, etc. Alors que l'élevage ovin, très souvent dernier rempart avant la friche, contribue ainsi à l'entretien des alpages et du paysage et permet de maintenir une population en milieu de montagne, les dépenses engagées pour introduire ou maintenir ces prédateurs doivent être transparentes et connues. Il aimerait qu'un point exact de la situation lui soit communiqué par espèce (ours, loup, lynx) et par nature des dépenses ; il aimerait aussi connaître très précisément le nombre d'agents affectés dans les différentes administrations concernées par ce sujet (DDA, DIREN, parcs nationaux et régionaux, associations, etc.), ainsi que leur coût.

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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables


Réponse du Secrétariat d'État aux transports publiée le 10/10/2007

Réponse apportée en séance publique le 09/10/2007

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 24, transmise à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

M. Gérard Bailly. J'avais fait parvenir ma question au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique parce que je voulais surtout insister sur un problème budgétaire. Mais je suis ravi que M. Bussereau, qui connaît bien ce problème, m'apporte une réponse.

Il est urgent et très important de faire le point sur le coût du maintien des prédateurs, qu'il s'agisse des loups dans les massifs alpins et au-delà, des ours dans les Pyrénées ou des lynx dans les montagnes, voire les petites montagnes.

L'actualité le réclame plus que jamais puisque, vous le savez, encore tout récemment, un troupeau de plus de quatre cents moutons a péri en Savoie en se jetant dans un ravin, effrayé par les loups.

La première attaque vient également d'avoir lieu dans mon département, le Jura, provoquant la mort de vingt-trois agneaux, car la progression des loups s'étend bien au-delà du massif alpin.

Monsieur le secrétaire d'État, vous connaissez les dégâts catastrophiques dont ces prédateurs sont la cause et qui suscitent le découragement, l'incompréhension et le désarroi de tous les éleveurs ovins.

Actuellement, mon collègue M. Fortassin et moi-même sommes chargés, par la commission des affaires économiques, d'établir un rapport sur les élevages ovins. À la faveur des déplacements que nous effectuons dans toutes les régions de France concernées par la production ovine, je prends conscience des problèmes immenses posés par lesdits prédateurs. Il me paraît donc particulièrement urgent de faire le point sur les deniers publics utilisés pour l'introduction ou le maintien de ces animaux dans les zones montagneuses en ce qui concerne les agents de l'administration, l'indemnisation, la prévention, les mesures de protection.

Alors que l'élevage ovin est souvent le dernier rempart avant la friche, il contribue, de surcroît, à éviter les feux dans les alpages, l'herbe étant broutée. Ce problème est particulièrement sensible dans les régions méditerranéennes. Au cours de l'un de nos déplacements, dans les Alpes-Maritimes, nous avons pu constater la détresse des éleveurs qui, de plus, ont dû gérer l'absence de pluie pendant cinq mois cette année. Nous avons apprécié l'ampleur des difficultés. Dans d'autres massifs, l'élevage tend à éviter les avalanches. Par ailleurs, sa pratique permet de maintenir une population en milieu rural.

Les dépenses engagées pour introduire ou pour maintenir les prédateurs doivent être connues de tous, au moment où des économies doivent être réalisées sur tous les budgets. Je souhaiterais pouvoir inclure ces données dans le rapport que je suis en train d'établir. C'est pourquoi je demande officiellement que soit effectué un point exact de la situation financière, afin que nos concitoyens soient informés en toute transparence. Comme vous pouvez le penser, nous sommes très fréquemment interpellés au cours des déplacements que nous effectuons.

Je souhaiterais que le point soit fait par espèce, à savoir l'ours dans les Pyrénées, le loup dans les Alpes et au-delà, puis le lynx, et que la nature des dépenses soit indiquée.

Je voudrais également connaître précisément le nombre d'agents affectés dans les différentes administrations concernées par ce sujet, qu'il s'agisse des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDA, des directions régionales de l'environnement, les DIREN, des parcs nationaux et régionaux, voire de nombreuses associations. Il est important que la transparence soit faite sur ce sujet.

Il faut opérer un choix entre les prédateurs et les ovins. De jeunes agricultrices qui s'étaient lancés dans la production ovine ont versé des larmes après que leur troupeau eut subi plusieurs attaques. Parler de désarroi est bien mesuré pour de nombreux éleveurs !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, votre question, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a été transmise au ministre chargé de l'écologie. Toutefois, ayant été ministre de l'agriculture et secrétaire d'État au budget, j'ai quelques idées en la matière. Au nom de Jean-Louis Borloo, dont je vous demande d'excuser l'absence, je vais essayer de vous répondre.

Les grands carnivores présents en France - loup, ours, lynx, cette dernière espèce étant bien connue dans votre région - sont des espèces protégées par des dispositions internationales, notamment la convention de Berne, par une directive communautaire et par des dispositions nationales, plus particulièrement le code de l'environnement. Ils représentent une part non négligeable de la biodiversité, sujet abordé dans le cadre des travaux du « Grenelle de l'environnement ».

La protection instaurée vise à la conservation de ces espèces, voire à leur restauration. C'est en particulier le cas de l'ours qui, au fil des années, avait disparu des montagnes pyrénéennes.

Assurer la protection de ces espèces répond aux obligations internationales de la France et à ses engagements en faveur de la protection de la biodiversité.

En raison des impacts de la présence des grands prédateurs sur les activités humaines, en particulier sur l'élevage ovin, dont vous avez rappelé l'importance dans les zones de montagne et de moyenne montagne, les gouvernements successifs ont mis en place des mesures d'accompagnement du dispositif de protection pour soutenir les activités humaines.

A ainsi été mis en place un suivi efficace des populations animales. Les données recueillies sont communiquées aux autorités françaises et européennes.

Un soutien aux élevages confrontés à la prédation de ces animaux a également été instauré. En outre, notons l'animation pastorale et le soutien au gardiennage. Au-delà de la protection des troupeaux, les aides au pastoralisme permettent de maintenir le pâturage sur certains secteurs qui risqueraient, sinon, d'être abandonnés.

L'indemnisation des prédations permet une juste compensation des dégâts subis par les éleveurs. Cet aspect comprend le volet strictement monétaire, sans ignorer la nécessité de compenser le traumatisme que peut représenter pour un berger la perte d'un animal, de plusieurs, voire de la totalité de son troupeau.

Des opérations d'information et de communication à propos de ces espèces sont menées auprès des publics concernés et des actions partenariales de développement sont conduites avec les collectivités locales. Ces mesures peuvent avoir des conséquences favorables sur l'emploi local.

Le coût de l'ensemble de ces mesures a représenté environ 6,3 millions d'euros en 2006. Pardonnez-moi de citer cette référence un peu lointaine !

La dépense occasionnée dans les Pyrénées représente près de 30 % du budget et, dans l'arc alpin, près de 70 %.

Par catégorie de dépenses, le suivi des espèces représente environ 11 % de la dépense, l'aide au pastoralisme 70 %, l'indemnisation des dégâts 13 %, et les actions d'informations et de développement local 6 %.

À la lumière de ces chiffres, c'est donc plus de 75 % du budget qui est consacré au soutien et au développement des activités humaines en présence des grands carnivores.

La mise en oeuvre de ces actions nécessite l'intervention de différents services de l'État - le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, et le ministère de l'agriculture et de la pêche - ainsi que de ses établissements publics, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et les parcs nationaux, ces derniers en leur qualité de gestionnaires d'espaces protégés. Certains parcs naturels régionaux ont pu également s'impliquer dans les démarches d'accompagnement des activités en présence de loups.

Le nombre d'agents affectés aux missions d'animation et d'appui technique à la protection des troupeaux dans les services du ministère chargé de l'agriculture et de la pêche et du ministère chargé de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, ainsi que dans leurs établissements publics, est d'environ quarante sur l'ensemble de l'aire de répartition des trois espèces, 75 % des effectifs étant mobilisés dans les Alpes.

D'un point de vue comptable, il faut considérer que les données en termes d'effectifs mobilisés ne relèvent pas seulement de la stricte conservation des espèces mais, de surcroît, s'inscrivent dans une perspective plus large de développement durable et de soutien aux activités humaines prenant en compte la protection de la nature.

Monsieur le président, j'ai entre les mains un tableau récapitulatif relatif au coût de la conservation des grands carnivores en France, dont je souhaite qu'il figure sous cette forme dans le compte rendu intégral des débats.

Ce tableau synthétique fournit les crédits consacrés à ces activités pour l'année 2006, en fonction de l'espèce concernée et de la catégorie de dépenses.

<table summary=" " border="1" align="center"><tr><td></td><td><p id="par_117">Ours</p></td><td><p id="par_118">Loup</p></td><td><p id="par_119">Lynx</p></td><td><p id="par_120">TOTAL</p></td></tr><tr><td><p id="par_121">Suivi de l'espèce</p></td><td><p id="par_122">450 000</p></td><td><p id="par_123">260 000</p></td><td><p id="par_124">5 000</p></td><td><p id="par_125">715 000</p></td></tr><tr><td><p id="par_126">Soutien au pastoralisme</p></td><td><p id="par_127">963 000</p></td><td colspan="2"><p id="par_128">3 400 000</p></td><td><p id="par_129">4 363 000</p></td></tr><tr><td><p id="par_130">Indemnisation des dégâts</p></td><td><p id="par_131">112 000</p></td><td><p id="par_132">690 000</p></td><td><p id="par_133">31 000</p></td><td><p id="par_134">833 000</p></td></tr><tr><td><p id="par_135">Action d'information et activités partenariales</p></td><td><p id="par_136">350 000</p></td><td><p id="par_137">40 000</p></td><td><p id="par_138">/</p></td><td><p id="par_139">390 000</p></td></tr><tr><td><p id="par_140">TOTAL</p></td><td><p id="par_141">1 875 000</p></td><td colspan="2"><p id="par_142">4 426 000</p></td><td><p id="par_143">6 301 000</p></td></tr></table>

Ce tableau fait aussi état des effectifs mobilisés (ETP/équivalent temps plein) pour la conduite de ces actions par espèce.

<table summary=" " border="1" align="center"><tr><td></td><td><p id="par_145">Administrations de l'État (ministères de l'écologie et del'agriculture)</p></td><td><p id="par_146">Établissements publics (ONCFS/parcs nationaux)</p></td></tr><tr><td><p id="par_147">Ours</p></td><td><p id="par_148">5</p></td><td><p id="par_149">10</p></td></tr><tr><td><p id="par_150">Loup/lynx</p></td><td><p id="par_151">15</p><p id="par_152">dont 8 techniciens pastoraux</p></td><td><p id="par_153">10</p></td></tr></table>

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse précise. Nous autres, élus, sommes beaucoup interrogés sur ce sujet, et l'on nous demande de fournir des chiffres.

Ces questions seront certainement soulevées lors de la discussion budgétaire, dans des prochaines semaines, soit avec le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, soit avec le ministre de l'agriculture et de la pêche. Il est indispensable de rassurer les membres de la filière ovine, qui s'inquiètent de la propagation de la fièvre catarrhale. Au cours des dix dernières années, cette filière a déjà perdu 20 000 éleveurs et un million de brebis ; ce mouvement va s'accélérer si aucun signe fort dans le sens de la limitation des prédateurs ne lui est adressé.

Ma question, outre son aspect financier, avait pour objet de sensibiliser les autres élus sur le fait qu'« il y a quelque chose à faire », pour reprendre une formule d'une émission de téléréalité bien connue !

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