Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 13/09/2007

M. Roland Courteau attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur la pratique des numéros de téléphone surtaxés, plus particulièrement, à destination des services publics et organismes sociaux, mais également de certaines banques… de services après vente… etc…

Force est, en effet, de constater, que nombre de ces services ont très souvent recours aux plates-formes téléphoniques avec numéros spéciaux, temps d'attente suffisamment longs et … tarifs exorbitants.

A titre d'exemple, il lui indique que, selon les informations dont il dispose, les tarifs pour accéder à certains services, peuvent être facturés 12 centimes d'euro par minute à partir d'un téléphone fixe et 60 centimes depuis un portable, chaque opérateur mobile appliquant sa propre surtaxe.

Il lui fait remarquer que de telles pratiques, qui constituent des abus manifestes, pénalisent évidemment, plus les personnes de condition modeste. A noter également que ces numéros surtaxés sont très souvent, le seuil moyen connu des usagers pour accéder aux services publics précités.

Ainsi, donc, les numéros d'appels à tarification normale devraient pouvoir être accessibles à tous, de manière générale, depuis des téléphones fixes ou mobiles, et plus particulièrement pour l'ensemble des services sociaux et services publics. Et ce d'autant qu'il existe derrière ces numéros surtaxés, des numéros géographiques dont la publication ne serait pas portée à la connaissance du grand public, privant ainsi les clients éventuels d'une véritable liberté de choix entre le numéro surtaxé et le numéro géographique.

Il lui rappelle, par ailleurs, que selon l'ARCEP (autorité de régulation des communications et des postes), il n'existe aucun cadre juridique permettant aux administrations et services publics de faire participer l'usager au financement des structures d'accueil téléphonique, au-delà du seul coût d'une communication non surtaxée. On peut donc s'attendre à de légitimes et innombrables plaintes.

De plus, il lui indique que la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précise dans son article 55 « qu'un décret en Conseil d'État détermine, chaque année, la liste des services sociaux mettant à la disposition des usagers, des numéros d'appels spéciaux accessibles gratuitement, depuis les téléphones fixes et mobiles », et qu'à ce jour, ce décret n'a toujours pas été publié.

Enfin il souhaite également, connaître son sentiment sur la question relative à la gratuité du temps d'attente.

Il lui, demande donc, si elle entend, lui faire connaître sur les différents problèmes évoqués les initiatives qu'elle compte prendre en faveur des consommateurs.

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Transmise au Ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique


Réponse du Secrétariat d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur publiée le 10/10/2007

Réponse apportée en séance publique le 09/10/2007

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 31, transmise à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'État, depuis ces dernières années, la pratique des numéros de téléphone surtaxés, s'intensifie.

À l'origine, les numéros surtaxés ont été mis en place pour rémunérer les fournisseurs de service à faible valeur ajoutée. Or, aujourd'hui, cette pratique n'a pour ses initiateurs, dans la plupart des cas, qu'un intérêt financier, et ce au détriment des usagers.

Certaines entreprises, banques, assurances, cliniques ou encore Air France, ont recours à ces pratiques sans qu'il y ait, en retour, un véritable service ; ou alors, le service est loin d'être à la hauteur du tarif.

Mais il y a plus grave car cette pratique des numéros surtaxés s'est propagée jusque dans les organismes sociaux, les services publics, les administrations. Je citerai, par exemple, les caisses d'allocations familiales ou les caisses d'assurance maladie, la SNCF, Infos douane service, le Centre impôts service, Allo service public, SOS carte bleue/visa perdue ou volée - service qui dépend de la Banque de France, me semble-t-il. Les tarifs varient de 12 centimes la minute à 45 centimes et plus, ce qui est à comparer aux 2 ou 3 centimes la minute au tarif normal.

Une simple demande de document auprès d'un organisme a coûté 8 euros lors d'un appel vers un numéro surtaxé, dont la durée s'est élevée à 17 minutes. Multiplié par des milliers d'appels, ce serait presque le jackpot pour les opérateurs et les éditeurs. De fait, leurs revenus sont évalués sur une année à 2,5 milliards d'euros, et ce au détriment des usagers.

Et l'addition peut être plus salée encore car, pour les appels passés depuis un téléphone portable, à cette taxe s'en ajoute une autre qui varie, bien sûr, selon l'opérateur. C'est ce que l'on appelle la « double taxe ». Or il faut savoir que 30 % des appels sont effectués depuis des téléphones mobiles.

Monsieur le secrétaire d'État, ce sont bien souvent des personnes de condition modeste souhaitant joindre des organismes sociaux qui sont le plus touchées. De plus, en ce qui concerne les services publics, cela revient à faire payer l'impôt deux fois : au contribuable, d'abord, et à l'usager, ensuite.

Aux termes de l'article 55 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, « un décret en Conseil d'État détermine chaque année la liste des services sociaux mettant à disposition des usagers les numéros d'appels spéciaux accessibles gratuitement depuis les téléphones fixes et mobiles. »

Trois ans après le vote de cette loi, monsieur le secrétaire d'État, qu'attend-on pour publier ce décret ? Va-t-on enfin respecter la volonté du législateur ?

De plus, selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, il n'existe aucun cadre juridique permettant aux administrations et aux services publics de faire participer l'usager au financement des structures d'accueil téléphoniques au-delà du seul coût d'une communication non surtaxée.

Autre remarque, plus générale encore : qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé, force est de constater que, lorsqu'il y a numéro surtaxé, l'usager n'a pas connaissance du numéro géographique qui pourtant existe, mais qui n'est plus communiqué au public et pour cause, on devine les raisons !

Or le site internet Geonumbers.com avait pris l'initiative de proposer au public les numéros géographiques, donc non surtaxés. Ce site a dû fermer sous l'effet d'importantes pressions Il est aisé de deviner d'où elles provenaient.

Monsieur le secrétaire d'État, peut-on attendre du Gouvernement qu'il légalise les démarches comme celle de Geonumber.com, qui sont des démarches à visée sociale ?

Avec certains de mes collègues, j'aurai l'occasion de revenir bientôt sur cette question. Une pétition circule qui atteindra vraisemblablement les 100 000 signatures en novembre.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles sont vos intentions sur ce problème important ? Allez-vous tenir compte de nos demandes et sous quels délais ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est tout à fait fondée ; elle est parfaitement d'actualité.

Le 25 septembre dernier s'est tenue à Bercy une table ronde réunissant les associations de consommateurs et les opérateurs de téléphone, coprésidée par Luc Chatel, le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme, et moi-même, car il y a en effet dans ce domaine matière à réflexion.

S'agissant de la question spécifique des numéros surtaxés, il convient de bien distinguer plusieurs volets.

Les numéros dits « surtaxés », commençant généralement par 08, permettent d'accéder à une grande variété de services à valeur ajoutée. La surtaxe prévue est généralement pleinement justifiée par la prestation rendue par le destinataire de l'appel.

M. Roland Courteau. Pas toujours !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. J'ai bien dit : « généralement » !

Il ne s'agit donc pas de remettre en cause - ce que vous n'avez d'ailleurs pas fait - l'existence des numéros surtaxés, qui constituent un moyen de règlement efficace pour des prestations épisodiques d'un montant limité.

En revanche, dans le cas des services publics ou s'agissant des propres services après-vente des opérateurs téléphoniques, la question peut effectivement se poser, monsieur le sénateur, dans des termes radicalement différents.

Pour ce qui concerne les services publics, la question a été récemment examinée dans le cadre d'un audit de modernisation sur l'accueil à distance dans les administrations.

S'agissant du coût pour l'usager, le rapport d'audit souligne la diversité des pratiques des administrations, certains appels pouvant être surtaxés, alors que d'autres sont facturés au prix d'une communication locale. Le rapport recommande la mise en oeuvre d'une politique d'abaissement général du coût des appels vers les administrations, qui pourrait notamment passer par le recours à des numéros en 09, moins coûteux que les numéros payants existants en 08.

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a décidé de suivre cette recommandation et a donné instruction pour que les appels des usagers aux services placés sous sa responsabilité soient tarifés au prix d'une communication locale. Cette mesure importante concerne les appels au centre d'appel « Impôt service », le CIS, et à Infos Douane Service, soit plus d'un million d'appels par an. En outre, Éric Woerth, qui est plus globalement chargé de la réforme de l'État, a demandé que soit réalisée une évaluation de l'impact de la généralisation de cette mesure à l'ensemble des ministères.

Enfin, monsieur le sénateur, vous posez la question du décret d'application de l'article 55 de la loi de 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Le rapport d'audit dont j'ai parlé a, il est vrai, identifié une série de problèmes qui rendent difficile l'application littérale de cette disposition législative et expliquent le retard dont vous avez fait état.

D'abord, la gratuité totale de l'accès aux services est porteuse d'effets pervers, car elle est susceptible d'entraîner en grand nombre d'appels non pertinents, inutilement réitérés ou abusivement prolongés. De plus, le coût de la mise en place d'une telle mesure s'avère extrêmement important, de l'ordre de 80 millions d'euros pour les trois principaux organismes de protection sociale, la CNAM, la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAV, la Caisse nationale d'assurance vieillesse, et la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales.

Les auteurs de ce rapport envisagent donc deux possibilités, soit une modification de l'article 55 de ladite loi, soit la publication d'un décret d'application ne concernant qu'un nombre très limité d'organismes, comme ceux qui répondent à un critère de « détresse sociale ».

La réflexion est en cours et le Gouvernement étudie actuellement ces propositions, sachant qu'il existe évidemment d'autres moyens d'assurer la gratuité ou le plafonnement du coût des appels pour certains publics. Ainsi, on pourrait envisager que certains usagers se voient reconnaître la possibilité d'appeler en PCV grâce à un code d'identification personnel ou que des lignes spécifiques moins coûteuses soient ouvertes pour certains publics.

Par ailleurs, comme je l'ai indiqué au début de mon propos, la question du service après-vente des opérateurs de communications électroniques a été abordée lors de la rencontre du 25 septembre dernier avec les consommateurs et les opérateurs. À cette occasion, Luc Chatel a indiqué l'intention du Gouvernement de légiférer sur ce point dans le cadre du projet de loi sur la concurrence et les droits du consommateur qui sera déposé très prochainement sur le bureau de l'Assemblée nationale. Je vous donne l'assurance, monsieur le sénateur, que des dispositions concerneront la tarification de certaines communications électroniques.

L'interdiction qui pourrait être faite aux opérateurs de communications électroniques de recourir à des numéros surtaxés pour leurs services après-vente fait partie des possibilités actuellement à l'étude. En effet, il n'est pas juste qu'un client ait à supporter des surcoûts pour faire valoir une réclamation lorsque le service qu'il a souscrit n'est pas rendu. Tel est d'ailleurs le sens d'une décision récente du tribunal de grande instance de Paris, selon laquelle le professionnel « ne saurait faire supporter à son client le coût des moyens mis en oeuvre pour satisfaire son obligation de résultat ; qu' [il] doit donc en conséquence supporter le coût des frais de communication avec la hotline ».

En outre, il faut souligner que la quasi-totalité des opérateurs de communications électroniques ont déjà mis en place la gratuité des temps d'attente, ou vont très prochainement le faire, pour ce qui concerne les appels à destination de la hotline émanant de leur propre réseau. Le Gouvernement entend confirmer cette mesure dans le projet de loi sur la concurrence et les droits du consommateur.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'État, nous serons particulièrement attentifs à l'évolution de la situation. J'ai pris acte de vos d'engagements, et nous aurons très prochainement l'occasion de revenir sur ce sujet.

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