Question de M. AUBAN Bertrand (Haute-Garonne - SOC) publiée le 16/11/2007

Question posée en séance publique le 15/11/2007

M. Bertrand Auban. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'est pas là...

M. Jacques Mahéas. On ne comprend pas pourquoi elle n'est pas là !

M. Bertrand Auban. Vous avez engagé, madame le ministre, une réforme de la carte judiciaire qui se traduit en ce moment par des visites, région par région, où tombent vos sentences de suppressions de juridictions.

Autant de verdicts élaborés dans le secret des bureaux de la place Vendôme, sans la moindre vraie concertation. Vous refusez d'écouter et même de recevoir les élus ; je fais partie de ces malchanceux. Vous négligez les avis des chefs de cours et ceux des autorités préfectorales, en particulier dans le cas de la Haute-Garonne. Et, surtout, vous ne tenez pas compte des réalités des territoires, que vous condamnez sans entendre leur défense.

Cette prétendue réforme se limite à une succession de voyages ministériels après lesquels la justice de proximité ne repousse pas.

La hache que vous maniez est trop grosse, au point que même les élus de la majorité ne se sont pas privés de manifester leur colère.

Il est tout de même rare de voir un gouvernement à ce point indifférent aux élus de la nation ! En Haute-Garonne, tous les parlementaires, le président du conseil régional, le président du conseil général et l'immense majorité des maires vous ont répété leur refus argumenté de voir disparaître le TGI et le tribunal de commerce de Saint-Gaudens, ainsi que le tribunal d'instance de Villefranche-de-Lauragais.

En effet, la réalité géographique, la croissance démographique et le développement de tous les territoires de la Haute-Garonne commandaient le renforcement de la justice locale et non son démantèlement.

Ne comptez pas sur nous, madame le ministre, pour cautionner votre entreprise de « déménagement du territoire » !

Le véritable problème de la justice en France, c'est celui du manque de moyens humains, matériels et budgétaires, au point que notre pays se trouve condamné régulièrement par les instances européennes en raison de retards de traitement inadmissibles. Or ce sont justement des tribunaux de proximité, où les délais sont plus courts, que vous supprimez !

M. Alain Gournac. Non ! Les délais y sont plus longs !

M. Bertrand Auban. Nous avons déjà connu bien des attaques contre le service public, qu'il s'agisse des petits hôpitaux, des lignes de transport, des bureaux de poste, des trésoreries, des commissariats et gendarmeries ou des succursales de la Banque de France, ainsi que contre l'égalité des droits entre les citoyens. Voilà que vous vous attaquez à présent à un autre pilier des missions régaliennes de l'État, à savoir le service public de la justice ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Fouché. Et la gauche, qu'est-ce qu'elle a fait ?

M. Bertrand Auban. Avez-vous le moindre souci de la vie quotidienne des justiciables dans nos territoires ? Saint-Gaudens se trouve à 100 kilomètres de Toulouse et à 150 kilomètres des justiciables du sud du département !

M. Alain Vasselle. La question !

M. Bertrand Auban. Au bas mot, il faut deux heures ou deux heures trente de trajet routier pour avoir accès à la justice !

À l'heure du Grenelle de l'environnement, voilà une décision pertinente ! (La question ! sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Auban, ou je devrai vous interrompre !

M. Bertrand Auban. Je n'ai pas dépassé le temps de parole qui m'était imparti, monsieur le président !

Qui pourra payer le carburant et sacrifier le temps nécessaire pour se voir rendre justice dans une juridiction toulousaine terriblement surchargée ?

Depuis la révision de 1958, la France compte quasiment vingt millions d'habitants en plus : à qui veut-on faire croire que la suppression de tribunaux rendra la justice plus efficace et plus proche ? (La question ! la question ! sur les travées de l'UMP.) Un peu de tolérance, mes chers collègues ! Je dis tout haut ce que vous pensez tout bas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Il est vraiment temps de conclure, monsieur Auban !

M. Bertrand Auban. Je termine !

La justice aurait mérité un projet ambitieux, développé à partir d'une réflexion sur l'organisation judiciaire.

M. Josselin de Rohan. Et Mme Guigou, qu'est-ce qu'elle a fait ?

M. Bertrand Auban. Madame le ministre, au nom de mes collègues du groupe socialiste, je vous demande de mettre un terme à cette réforme engagée en dépit du bon sens (Exclamations sur les travées de l'UMP) et de consacrer le temps indispensable à une véritable réflexion et à un débat parlementaire, sur la base d'un constat objectif de la situation de la justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique publiée le 16/11/2007

Réponse apportée en séance publique le 15/11/2007

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Mme Rachida Dati, qui se trouve retenue à l'Assemblée nationale pour présenter le budget du ministère dont elle a la charge. Elle aurait aimé vous répondre, mais je tenterai de le faire à sa place.

Monsieur Auban, votre présentation est légèrement caricaturale ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. Légèrement...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au contraire, elle est tout à fait exacte !

M. Éric Woerth, ministre. Très sincèrement, la méthode suivie par Rachida Dati est faite aussi bien de concertation (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.), et je vous le prouverai, que de décisions, car voilà trop longtemps que l'on ne décide pas, en France, dans le domaine de la justice.

Je vous renverrai simplement aux conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur Outreau,...

M. Jean-Pierre Michel. Cela n'a rien à voir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel rapport avec la réforme de la carte judiciaire ?

M. Éric Woerth, ministre. ... une affaire dont il faut bien tirer les conséquences, même si ce n'est pas facile, et c'est précisément l'objectif de Mme le garde des sceaux et du Gouvernement.

Les Français souhaitent une justice rapide, efficace, lisible et équitablement présente sur l'ensemble de notre territoire. Or il existe aujourd'hui 1200 juridictions réparties sur 800 sites, et la carte judiciaire est la même qu'en 1958, alors que le pays a changé. Nous devions réagir, et Mme le garde des sceaux s'y emploie.

La concertation a eu lieu (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), et elle se poursuit !

Voilà plus de quatre mois, le 27 juin dernier, Mme le garde des sceaux a installé le comité consultatif de la carte judiciaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui ne s'est jamais réuni !

M. Éric Woerth, ministre. Elle a demandé à l'ensemble des préfets et des personnalités concernées de lui faire remonter, ainsi qu'à ses services, des propositions sur les spécificités territoriales, ce qui a été fait. Elle a tenu compte de toutes ces remarques, et se rend elle-même sur le terrain, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle n'y va plus !

M. Éric Woerth, ministre. ... dans chaque région, afin d'expliquer la réforme et d'écouter l'ensemble des parlementaires, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition.

M. Jean-Marc Todeschini. Pour tenter de les cajoler !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les sénateurs UMP aussi défendent leurs tribunaux !

M. Éric Woerth, ministre. Il y a donc bien concertation, monsieur le sénateur, et les vingt-cinq schémas d'organisation qui ont été arrêtés ont tous été présentés et soumis au débat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est faux !

M. Éric Woerth, ministre. Ce n'est que par le regroupement et la mutualisation des moyens que nous obtiendrons une justice plus rapide, plus efficace, mais aussi plus juste pour tous des Français, car elle sera délivrée partout dans les mêmes conditions.

Telles étaient d'ailleurs les conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur Outreau.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n'a rien à voir !

M. Éric Woerth, ministre. S'agissant des quatre départements qui concernent la cour d'appel de Toulouse, ils conserveront cinq tribunaux de grande instance et neuf tribunaux d'instance.

Le tribunal d'instance de Saint-Gaudens, quant à lui, sera renforcé : il aura la possibilité, en 2010, de continuer à accueillir le contentieux familial qui relève aujourd'hui du tribunal de grande instance. La présence de la justice en Haute-Garonne restera donc forte, à la hauteur des besoins de ce département.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre. Enfin, de façon générale, monsieur Auban, les réseaux des services publics doivent être adaptés, comme toute organisation. Nous nous efforçons de les faire vivre, dans le respect de tous les territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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