Question de Mme KHIARI Bariza (Paris - SOC) publiée le 11/01/2008

Question posée en séance publique le 10/01/2008

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la rupture, la fin des tabous ne sont pas en soi synonymes de modernité. Au Latran, le Président de la République a franchi une ligne rouge en affirmant que, dans l'apprentissage des valeurs, « jamais l'instituteur ne pourra remplacer le pasteur ou le curé ».

M. Jacques Mahéas. C'est scandaleux !

Mme Bariza Khiari. Cette transgression est, pour nous, une régression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Par ces mots, le Président de la République porte une atteinte sans précédent à la laïcité (Protestations sur les travées de l'UMP), dont l'école républicaine est le lieu d'expression historique. Il laisse entendre que l'école laïque, qui m'a permis, comme à beaucoup d'autres, d'enrichir et de dépasser une identité dont j'ai hérité, aurait formé pendant des générations des individus sans vertu, incapables de distinguer le bien du mal. (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. N'importe quoi !

Mme Bariza Khiari. La morale laïque est essentielle pour la construction d'un citoyen éclairé et autonome.

Auriez-vous pour projet, monsieur le Premier ministre - ma question s'adressait à lui -, de substituer à notre République laïque une « politique de civilisation » faite de lois liberticides, de statistiques ethniques, de fichage génétique et de précarisation de notre modèle social ?

À tous ceux qui désespèrent à cause de la baisse de leur pouvoir d'achat, du chômage, de l'absence de logement et qui ne demandent que le « pouvoir vivre », vous proposez, pour éviter la confrontation au réel, un discours sur la transcendance et l'espérance. Mais notre plus grande espérance, c'est la République, ici et maintenant !

Pour contourner la question sociale, vous avez essayé de l'ethniciser. Aujourd'hui, vous tentez de la confessionnaliser.

M. Alain Gournac. La question !

Mme Bariza Khiari. Lors des émeutes de 2005, le ministre de l'intérieur de l'époque avait tenté de s'en remettre aux imams. Il y a bien là une constante !

Cette attaque idéologique prépare-t-elle des modifications législatives ou réglementaires ? La réponse faite par Mme Alliot-Marie à M. Christian Bataille, à l'Assemblée nationale, nous inquiète.

Sans modifier la loi de 1905, il est déjà possible d'intégrer des espaces funéraires musulmans. Cela se fait dans beaucoup de communes. En ce domaine, les problèmes sont davantage de nature politique que de nature juridique, et vous le savez bien. Si votre intention est de tenir compte des musulmans de France, sachez qu'ils ont surtout besoin d'être considérés comme des citoyens à part entière, et non comme des citoyens à part.

Notre conception de la laïcité n'est pas intolérante, elle est libératrice. Notre laïcité est le meilleur garant de la diversité, de la mixité et de l'émancipation des femmes.

J'en viens à ma question. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Au motif d'aménagements techniques, comptez-vous, par la voie réglementaire, réformer le statut des associations cultuelles et modifier l'article 2 de la loi de 1905 ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Secrétariat d'État aux Relations avec le Parlement publiée le 11/01/2008

Réponse apportée en séance publique le 10/01/2008

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Certes, monsieur Bodin ! Mais tout va bien, ne vous inquiétez pas !

Madame la sénatrice, je souhaite, tout d'abord, vous présenter les excuses de M. le Premier ministre, qui ne peut être présent parmi nous aujourd'hui.

Vous le savez, madame Khiari, de nombreux membres du Gouvernement sont issus de l'école publique, laïque et républicaine !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ont eu de mauvaises notes ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Plusieurs d'entre eux sont même d'anciens inspecteurs généraux de l'éducation nationale - n'est-ce pas, monsieur Darcos ? -, qui ont défendu la laïcité avec force.

M. Paul Raoult. Raison de plus pour ne pas la casser !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Par conséquent, sur ce sujet, il convient de rester mesuré.

En vérité, et vous le savez bien, la loi de 1905 a été modifiée et aménagée une douzaine de fois, par des gouvernements de gauche comme de droite. Il n'existe donc pas, en la matière, de règle préétablie.

Pour autant, le Président de la République a dit clairement, et il l'a encore répété hier,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il a dit tellement de choses !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.... que la loi de 1905, dans ses principes, ses fondements et ses équilibres, ne serait pas modifiée, même si des aménagements techniques pouvaient intervenir.

Vous avez évoqué le problème des carrés confessionnels. Mme le ministre de l'intérieur a mis en place un groupe de travail qui réfléchit sur ce sujet en particulier et sur un certain nombre d'autres.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un groupe de travail... et on pense que c'est réglé !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Vous avez raison de dire que la solution de ce problème dépend des communes. Mais, en disant cela, vous reconnaissez vous-même que c'est en fonction de la bonne volonté des communes que certains obtiennent satisfaction ou non.

Ne suffit-il pas simplement de prévoir des aménagements afin qu'une même règle s'applique dans l'ensemble du pays ? C'est ce type de mesure qui peut être envisagé par rapport à la loi de 1905.

Personne ne souhaite remettre en cause la laïcité, qui est le fondement du système mis en place dans notre pays.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui le dites !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Pour autant, cessons d'avoir, sous couvert de laïcité - et je ne vous vise pas, madame Khiari -, une vision parfois intolérante.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Merci !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il faut respecter ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, car même ceux qui ne croient pas ont des convictions.

La tolérance consiste aussi à accepter ceux qui croient, à les laisser s'organiser et être ce qu'ils sont. (Très bien ! sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La laïcité est tolérante !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Un peu d'ouverture d'esprit ainsi qu'une vraie laïcité positive et apaisée ne nuisent pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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