Question de M. AUBAN Bertrand (Haute-Garonne - SOC) publiée le 16/05/2008

Question posée en séance publique le 15/05/2008

M. Bertrand Auban. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Claude Carle. Excellent ministre !

M. Bertrand Auban. Malgré un mouvement lycéen et enseignant qui dure depuis deux mois, le Gouvernement continue à ne pas vouloir écouter le malaise de tous les acteurs de la communauté éducative. Celui-ci s'exprime encore aujourd'hui, puisque des dizaines de milliers d'enseignants et de lycéens manifestent.

La suppression de 11 200 postes dans le secondaire à la prochaine rentrée fait suite aux 35 000 suppressions précédentes. Quand on sait que, pour la rentrée 2009, circulent les chiffres de 30 000 à 40 000 suppressions de postes dans toute la fonction publique et que l'éducation nationale fait en général pour moitié les frais de l'hémorragie d'emplois, il y a de quoi être très inquiet !

Monsieur le ministre, vous me répondrez que ces suppressions correspondent à une baisse des effectifs dans le secondaire.

M. Jean-Claude Carle. Oui !

M. Bertrand Auban. Cependant, si, dans le secondaire, la baisse de 14 000 élèves attendue pour 2008 se traduit par la suppression de 11 200 postes, dans le premier degré, seuls 1 000 postes sont créés, alors que de 37 000 élèves de plus sont attendus.

Les ratios de création et de suppression sont donc loin d'être les mêmes.

Ainsi, dans le département de la Haute-Garonne, le secondaire, qui attend 800 élèves supplémentaires, perdra 45 postes d'enseignants, tandis que le primaire aura 500 élèves en plus et seulement 10 postes supplémentaires !

Monsieur le ministre, ne me taxez surtout pas de simple comptable ! Ces chiffres décrivent une réalité et témoignent de votre volonté de saborder les moyens de l'éducation nationale, et ce au mépris de la qualité de l'enseignement et de l'égal accès de tous les enfants au service public de l'éducation. Car les premiers perdants seront les plus défavorisés. Il en est ainsi pour l'est parisien, qui perd le plus grand nombre de postes, et pour les lycées technologiques et professionnels, qui seront plus touchés que la filière générale.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que la grève d'aujourd'hui était une « bouffonnerie » et un rite suranné. De tels propos sont bien irrespectueux et méprisants à l'égard des personnels et des lycéens inquiets de la dégradation des conditions de leur scolarité. Ni les uns ni les autres ne défilent par plaisir : les premiers y perdent du pouvoir d'achat, ce pouvoir d'achat que vous n'aurez pas peu contribué à éroder, les seconds y perdent du temps d'étude à l'approche des examens. Et que demandent-ils tous ? Non pas des moyens supplémentaires inconsidérés, mais le simple rétablissement de ceux dont vous avez décidé d'amputer l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, je vous demande, au nom des jeunes et au nom des personnels tout aussi inquiets, de nous expliquer comment vous comptez maintenir à flot la maison Éducation, et de vous engager devant la représentation nationale à ne pas supprimer 15 000 à 20 000 postes supplémentaires en 2009. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 16/05/2008

Réponse apportée en séance publique le 15/05/2008

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, pour la trente et unième fois en sept ans, les fonctionnaires de l'éducation nationale sont en grève et défilent !

Cependant, et les premiers chiffres qui nous sont communiqués le prouvent, nous sommes loin de la « mère de toutes les victoires », de la « manifestation de toutes les manifestations » qui était annoncée. Aujourd'hui, deux personnels sur trois de l'éducation nationale sont au travail : on compte un peu moins de 30 % de grévistes dans les collèges et dans les lycées... (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Raymonde Le Texier. Cela ne suffit pas ?

M. Xavier Darcos, ministre. ... et moins de 45 % de grévistes dans le premier degré.

Ne discutez pas ces chiffres,...

Mme Raymonde Le Texier. On ne les contestera pas !

M. Xavier Darcos, ministre. ... que je publierai, comme je l'ai fait pour la grève du 23 janvier dernier, un par un, avec les prélèvements de grève. Je me suis d'ailleurs rendu compte que j'avais été un peu optimiste au mois de janvier en donnant 15 points de moins que ce qu'annonçaient les syndicats.

M. René-Pierre Signé. Cela leur coûte !

M. Xavier Darcos, ministre. Je ne discuterai pas le fait que cette grève est importante ou non : elle l'est.

Mais contre quoi les uns et les autres manifestent-ils ? Contre le soutien scolaire, que nous avons organisé ? (M. Alain Gournac rit.)

M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !

M. Xavier Darcos, ministre. Manifestent-ils contre l'accompagnement éducatif dans les collèges, que nous avons mis en place ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Manifestent-ils contre le fait que nous organisons des stages pour les élèves en difficulté à la fin de l'école primaire ?

Manifestent-ils contre les programmes de l'école primaire qui, je le rappelle, sont approuvés par les parents d'élèves et par les utilisateurs,...

M. Alain Gournac. C'est vrai !

M. Xavier Darcos, ministre. ...puisque seuls 7 % d'entre eux estiment que cela ne va pas dans le bon sens ?

M. Didier Boulaud. C'est en 1908 que vous auriez dû être ministre de l'éducation nationale !

M. Xavier Darcos, ministre. Vous me répondrez qu'ils protestent contre les suppressions d'emplois. Curieux ! En effet, dans le premier degré, nous ajoutons des postes, et ils sont tout de même en grève ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Et, dans le second degré, ils protestent sans doute contre les suppressions d'emplois, mais c'est là qu'il y a le moins de grévistes !

M. Jean-Pierre Sueur. Ils ne sont pas irrationnels !

M. Xavier Darcos, ministre. Alors, non, monsieur le sénateur, nous ne voulons pas porter atteinte à l'éducation nationale !

M. Didier Boulaud. Bien sûr que si !

M. Xavier Darcos, ministre. Nous voulons porter atteinte à la spirale de l'échec. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Vous savez comme moi que cette spirale est la conséquence de ces raisonnements simplistes et faux qui poussent à réclamer, chaque fois qu'une difficulté surgit, une augmentation des moyens et des effectifs. (Bravo ! sur les travées de l'UMP.- M. Bruno Retailleau applaudit également.)

Nous avons le système le plus coûteux du monde – ou quasiment – et le moins efficace. Nous avons perdu des points dans tous les classements internationaux, parce que nous ne nous sommes pas réformés.

Le gouvernement de François Fillon...

M. Didier Boulaud. Il a été ministre de l'éducation nationale : qu'a-t-il fait ?

M. Xavier Darcos, ministre. ... n'est pas l'ennemi des professeurs ou du service éducatif. Il entend simplement faire comprendre que défiler, protester et réclamer des moyens supplémentaires ne permet pas de régler la question de fond : l'échec scolaire...

M. René-Pierre Signé. Il n'y a plus de démocratie !

M. Xavier Darcos, ministre. ... et l'inefficacité de notre système par rapport à celui des pays comparables.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Didier Boulaud. C'est une obsession de la droite, le service public !

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, nous avons du respect pour ceux qui défilent et qui font grève, mais nous ne croyons pas que leurs protestations régleront quoi que ce soit.

M. David Assouline. Rien n'a été fait sous Raffarin !

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez mentionné les lycéens. Ils ont compris, eux au moins, que l'essentiel, ce n'était ni le nombre de postes, ni les emplois, ni les manifestations. Nous avons passé avec eux un accord concernant l'accompagnement éducatif : ils ont bien voulu, eux au moins, se mettre autour de la table pour parler du fond : la réforme et la lutte contre l'échec scolaire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas ce que l'on nous a dit !


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