Question de M. BODIN Yannick (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 23/10/2008

M. Yannick Bodin attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la réforme du recrutement et de la formation des maîtres. Jusqu'à aujourd'hui, les futurs enseignants pouvaient intégrer les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) dès l'obtention d'une licence, soit après trois années d'études supérieures. Ensuite, les étudiants pouvaient passer deux années au sein d'un IUFM, une première année comprenant des enseignements théoriques pour la préparation des concours et une deuxième année durant laquelle le futur titulaire fréquentait en alternance un établissement d'enseignement scolaire.
Aujourd'hui, la réforme mise en place se prépare à supprimer cette année d'alternance et à conditionner la possibilité de passer les concours à l'obtention d'un master, soit après cinq années d'études supérieures. Élever le niveau des connaissances est une bonne chose. Cependant, pour compenser la suppression de l'année d'alternance et la professionnalisation progressive qu'elle permettait, la titularisation ne sera effective qu'un an après le passage du concours et un « compagnonnage » sera mis en place au cours de cette année. Avec cette réforme, la pédagogie mise en place par les IUFM qui permettait aux futurs enseignants d'acquérir les capacités à transmettre les savoirs, les compétences nécessaires à l'exercice de leur métier et une culture professionnelle, disparaissent. La fin annoncée des IUFM et la prise en main de la formation des maîtres par les universités vont occulter la dimension professionnelle de cette formation. En effet, aucun stage à responsabilité dans un établissement d'enseignement ne sera obligatoire pendant la formation des futurs enseignants pour passer le concours. Les formalités du « compagnonnage » ne sont pas définies mais, contrairement à l'année d'alternance en IUFM, l'enseignant sera entièrement responsable de sa classe.
Il lui demande donc comment une véritable professionnalisation des futurs enseignants sera assurée par la nouvelle formation des maîtres.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 18/11/2008

Réponse apportée en séance publique le 17/11/2008

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 316, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, la formation et le recrutement des maîtres sont en train d'être réformés. Jusqu'à aujourd'hui, les futurs enseignants pouvaient intégrer les instituts universitaires de formation des maîtres dès l'obtention d'une licence. Les étudiants passaient ensuite deux années au sein de l'IUFM, une première année comprenant des enseignements théoriques pour la préparation des concours et une deuxième année où le futur titulaire fréquentait, en alternance, un établissement d'enseignement scolaire. Bref, ils recevaient à la fois une formation universitaire et une formation professionnelle.

Aujourd'hui, la réforme qui va être mise en place se prépare à supprimer cette année d'alternance et à conditionner la possibilité de passer les concours à l'obtention d'un master. Élever le niveau des connaissances est une bonne chose. Mais la suppression de l'année d'alternance et de la professionnalisation progressive qu'elle permettait ne rendra effective la titularisation qu'un an après le passage du concours. Un « compagnonnage » dans une classe, de quelques mois seulement, sera créé.

Avec cette réforme, la pédagogie mise en place par les IUFM, qui permettait aux futurs enseignants d'acquérir les capacités à transmettre les savoirs, les compétences nécessaires à l'exercice de leur métier et une culture professionnelle, disparaît.

Certes, une réforme des IUFM était nécessaire, mais la fin annoncée de ceux-ci – je rappelle, entre parenthèses, que M. Fillon avait juré, au moment de la loi d'orientation, qu'ils ne seraient jamais supprimés – et la prise en main de la formation des maîtres par les universités vont occulter la dimension professionnelle de cette formation.

En effet, aucun stage à responsabilité dans un établissement d'enseignement ne sera obligatoire, pendant la formation des futurs enseignants, pour leur permettre de passer le concours. Les formalités du « compagnonnage » ne sont pas définies et, contrairement à ce qui se passait pendant l'année d'alternance en IUFM, l'enseignant sera entièrement responsable de sa classe.

Enseigner est un métier, et un métier s'apprend. Rien ne garantit, à ce jour, que les modules mis en place par les universités, sans véritable harmonisation, et dont les contenus restent imprécis et théoriques, offrent un véritable apprentissage du métier d'apprendre.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, comment une véritable professionnalisation des futurs enseignants sera assurée par la nouvelle formation des maîtres.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, la réforme que le Président de la République a souhaitée et que le Gouvernement met en œuvre obéit à des principes simples qui ne prêtent pas vraiment à discussion.

Il s'agit, d'abord, d'améliorer le niveau de qualification des futurs enseignants en le fixant au niveau bac +5. Non seulement cette amélioration est qualitative, mais, à moyen terme, elle emportera des conséquences en matière de salaire et de grille indiciaire. En outre, elle portera le recrutement à un niveau à peu près conforme à celui des autres pays européens.

Il s'agit de faire confiance aux formateurs. Les IUFM n'ont pas disparu, mais ont intégré les universités. Les contenus de la formation initiale ont été discutés avec la conférence des présidents d'université et avec la conférence des directeurs d'IUFM. Valérie Pécresse et moi-même avons signé avec eux un texte qui fixe ce que devra être la formation délivrée dans le cadre des masters. Celle-ci comprendra évidemment une professionnalisation sous forme de stages d'observation et de pratique accompagnée qui permettront aux étudiants de se familiariser avec leur futur milieu d'exercice.

Enfin, il s'agit d'éviter que les professeurs ne passent un concours à caractère strictement universitaire. Les épreuves devront également contenir une validation pédagogique et une validation de la bonne maîtrise du système éducatif.

Vos inquiétudes devraient donc être levées puisque le concours, lui-même, comprend un aspect professionnel.

Que deviennent ensuite les lauréats de ce concours ? Ils effectuent une première année de stage, au sein d'une école ou d'un établissement public local d'enseignement. Dans ce cadre, ils bénéficieront de l'aide et du soutien de professeurs expérimentés, selon un horaire variant en fonction de la période de l'année. Ainsi, on peut imaginer que le compagnonnage sera plus soutenu en début d'année et que, progressivement, les professeurs stagiaires voleront de leurs propres ailes.

J'insiste sur le fait que ce dispositif se mettra en place après validation des concours et par accord entre nos établissements et les universités de proximité.

À la fin de cette première année, le professeur stagiaire sera titularisé, après avoir subi une inspection de ses compétences pédagogiques.

Le professeur débutant pourra, en outre, bénéficier d'actions de formation spécifiques qui lui seront proposées, en dehors du temps scolaire, pendant ses deux premières années en école ou en établissement du second degré. Nous prévoyons donc un accompagnement de formation au sein même de l'éducation nationale.

Monsieur le sénateur, voilà les bases sur lesquelles les futurs professeurs seront recrutés et formés. Je le répète, votre inquiétude sur la professionnalisation de la formation initiale me paraît pouvoir être levée. De par la nature même du concours, organisé désormais au niveau master, et la mise en place d'un accompagnement spécifique au cours des deux premières années, toutes les précautions sont effectivement prises pour garantir l'acquisition des compétences professionnelles et pédagogiques.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses.

Toutefois, aucun diplôme universitaire, quelles que soient l'importance et la qualité des connaissances acquises, n'a jamais valu certificat d'aptitude à l'enseignement. Je n'ai pas besoin, me semble-t-il, de convaincre l'ancien inspecteur général de l'éducation nationale que vous êtes de cette réalité, que reconnaissent la totalité des enseignants eux-mêmes.

Je l'ai dit tout à l'heure, enseigner est un métier, et un métier, cela s'apprend. C'est ce qui s'appelle la formation professionnelle ou, en l'espèce, la formation pédagogique. Elle nécessite à la fois une réflexion théorique et un apprentissage face à la classe.

J'ai donc noté avec beaucoup d'attention vos réponses, qui se voulaient rassurantes. Il me reste à demeurer attentif, ce que je vais faire, pour savoir ce que l'université française sera capable d'offrir dans ce domaine et qui, il faut bien l'avouer, constitue une mission nouvelle pour elle.

Cela étant, je persiste à regretter qu'il n'existe plus d'école pour former les enseignants.

En guise de post-scriptum – ou plutôt de nota bene ! (Sourires) –, permettez-moi de rappeler qu'il fut un temps où tous les maîtres apprenaient à enseigner l'instruction civique et morale. J'attends des initiatives de l'université, et donc du Gouvernement, pour former les nouveaux hussards dont la République a besoin.

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