Question de M. CARRÈRE Jean-Louis (Landes - SOC) publiée le 14/11/2008

Question posée en séance publique le 13/11/2008

La parole est à M. Jean-Louis Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.

Voilà quelques semaines, quand le virus des subprimes s'est répandu dans les bilans des banques françaises, le Gouvernement a annoncé que 360 milliards d'euros, soit l'équivalent du budget de l'État, seraient consacrés au sauvetage des banques.

M. Philippe Marini. Ce sont des garanties !

M. Jean-Louis Carrère. Pour justifier la dépense, il a invoqué l'urgence et la situation dramatique de notre économie, menacée d'une rupture de crédit.

Les banques, heureuses bénéficiaires de cette aide qui s'élève, pour l'heure, à 10,5 milliards d'euros sous forme de prêts rémunérés, devaient accorder plus de crédits aux ménages, aux entreprises et aux collectivités locales.

Cependant, aujourd'hui, la plupart des entreprises ne trouvent pas les moyens de se financer et même M. René Ricol, le tout nouveau médiateur du crédit, en témoigne : il a déjà reçu plus de mille dossiers d'entreprises en panne de crédits et auxquelles les banques ont claqué la porte au nez.

La Banque de France le confirme : 82 % des banques ont durci leurs conditions de prêts à l'égard des PME, sans parler des collectivités locales.

Il fallait se douter que les banques ne joueraient pas le jeu : elles ont préféré gonfler leurs bénéfices, privilégier le court terme, réaliser des profits vite faits sur le dos du contribuable, plutôt que de contribuer à relancer la croissance.

Je ne puis croire que le Gouvernement n'a pas vu venir le coup et qu'il a pensé que ses incantations suffiraient à contraindre les banques à honorer leurs engagements. Je ne puis croire non plus que les directions départementales de la Banque de France seront en mesure de forcer celles-ci à respecter leurs obligations : ces gens-là se connaissent de longue date !

Pour avoir présidé durant dix ans le conseil d'orientation et de surveillance d'une grande banque française, je connais trop bien la mécanique. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Houel. Le fautif est trouvé !

M. Jean-Louis Carrère. J'y avais été élu, pas nommé, moi !

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est qu'en participant aux organes exécutifs d'une banque que l'on peut peser sur ses décisions ; ce n'est pas en souscrivant une participation sans droit de vote !

Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas suivi les conseils de François Hollande : entrer dans le capital des banques pour pouvoir contrôler et orienter l'usage qui serait fait de l'argent des Français ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Que compte-t-il faire pour que l'argent des Français, qui est pour le moment entre les mains d'une caste de banquiers pour le moins frileux, puisse être utilisé à des fins d'intérêt général ? Il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.).

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. La question est embarrassante !


Réponse du Premier ministre publiée le 14/11/2008

Réponse apportée en séance publique le 13/11/2008

M. François Fillon, Premier ministre. Que demande M. Carrère ? Que l'État entre au capital de l'ensemble des banques françaises ? A-t-il un instant réfléchi à l'effort que représenterait pour l'État le simple fait de prendre une minorité de blocage ? Car, pour pouvoir agir, il faut prendre une minorité de blocage dans l'ensemble des banques françaises, monsieur Carrère ! Avez-vous réfléchi un instant…

Un sénateur de l'UMP. Non, il ne réfléchit pas !

M. François Fillon, Premier ministre. … au fait que les 370 milliards d'euros de garanties et de prêts, dont la majorité de cette assemblée a approuvé l'octroi, ne suffiraient pas à prendre une minorité de blocage dans l'ensemble des banques françaises ?

Vous dites que d'autres l'ont fait, mais c'est faux ! Cela ne s'est produit en Europe que dans le cas de banques qui étaient au bord de la faillite. En Grande-Bretagne, le Gouvernement est entré dans le capital de trois banques afin d'éviter leur effondrement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est classique ! On ne sauvera les banques qu'en leur donnant de l'argent pour se renflouer !

M. François Fillon, Premier ministre. L'État français, lui, n'est entré que dans le capital de la banque Dexia, et j'espère bien que la situation financière de notre pays et de nos banques lui permettra d'éviter, demain, d'entrer dans le capital des banques françaises (Applaudissements sur les travées de l'UMP.), car cela signifierait qu'elles sont en difficulté.

Monsieur Carrère, il est vrai que nous sommes tous extrêmement attentifs quant au sort de l'aide apportée au système financier : va-t-elle bien profiter aux entreprises, aux PME, aux grands groupes et aux ménages ?

M. David Assouline. Les grands groupes, pas les ménages !

M. François Fillon, Premier ministre. La réponse à cette question sera connue à la fin du mois de novembre, puisque c'est alors que sera publié par chacune des banques, comme le Gouvernement l'a exigé, l'encours des crédits accordés par secteur d'activité. Nous saurons ainsi si le dispositif a été efficace.

Les banques n'ont pas, bien sûr, que des qualités ; elles ont aussi des défauts, mais elles ne méritent pas pour autant d'être livrées en pâture à l'opinion, ainsi que vous le faites (M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation.), comme si, dans les agences du réseau bancaire et dans les communes que vous administrez, y travaillaient des hommes et des femmes dépourvus du sens de l'intérêt général et ne se démenant pas chaque jour pour aider l'économie française.

Nous verrons si les banques sont au rendez-vous de l'intérêt général. Si elles n'y sont pas, le Gouvernement en tirera les conséquences. Il retirera les moyens mis en place et envisagera, le cas échéant, d'autres mesures.

Mme Catherine Tasca. Lesquelles ?

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Carrère, non seulement vous et vos amis n'avez pas approuvé le plan de soutien des banques, alors que, dans tous les autres pays européens, il y a eu un élan national en faveur des banques…

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Oui !

M. François Fillon, Premier ministre. …mais, de surcroît, aujourd'hui, d'une façon qui n'est pas honnête, vous jetez le discrédit sur le secteur bancaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce plan ne change rien dans le fonctionnement des banques !

M. François Fillon, Premier ministre. Les socialistes devraient pourtant se souvenir qu'ils ont souvent eu des comportements qui n'étaient pas en accord avec les discours qu'ils tiennent aujourd'hui.

Ainsi, et je livre cet exemple à la sagacité de votre assemblée, au début de l'année 2002, soit juste avant les élections présidentielles, un ministre des finances socialiste a pris une décision que vous avez certainement appréciée et soutenue : il a décidé que les bonus des opérateurs financiers ne seraient plus soumis aux cotisations sociales ni à l'impôt sur le revenu ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.– Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Mercier. Bien vu !

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