Question de M. MADEC Roger (Paris - SOC) publiée le 13/11/2008

M. Roger Madec attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les moyens alloués pour endiguer le suicide en milieu carcéral.

Ces dernières semaines, le monde carcéral fut une nouvelle fois endeuillé par le drame du suicide en prison. Ces dernières affaires qui ont suscité une émotion particulière amènent un triste décompte. Entre le 1er janvier 2008 et le 24 octobre 2008, quatre-vingt-douze détenus se sont donné la mort, ce qui porte le chiffre à sept cent soixante-deux détenus suicidés depuis 2002, date à laquelle on a constaté les derniers suicides de mineurs incarcérés. 60 % des suicidés sont des prévenus, en attente de jugement ; 14,5 % commettent leur geste suicidaire au cours de la première semaine d'incarcération ; plus du tiers des suicides ont lieu au cours du premier mois d'incarcération et les trois quarts des morts par suicide ont lieu la première année.

Les suicides en prison doivent être pris au cas par cas. Ils mettent en évidence de graves défaillances du système pénitentiaire français. La surpopulation carcérale a explosé depuis 2004. Elle atteint un niveau record et la France est aujourd'hui la lanterne rouge européenne avec un taux de surpopulation de 126 % alors que la moyenne s'établit à 102 % en Europe. On dénombre soixante-trois mille détenus pour cinquante mille places dans des établissements vieillissants. À titre d'exemple, la prison de la Santé voit son projet de rénovation repoussé à 2012 pour une livraison en 2016.

L'examen de la future loi pénitentiaire dont des dispositions viseront à améliorer la prise en charge des détenus a été repoussé au premier trimestre 2009 alors que nos prisons manquent de moyens et de personnels qualifiés.

La Convention européenne des droits de l'homme dans son article 3 stipule que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Les règles pénitentiaires européennes ajoutent que le traitement des détenus doit préserver leur santé et sauvegarder leur dignité.

Il lui demande en conséquence de lui préciser la nature des actions entreprises par la justice française, afin d'améliorer le sort des détenus dans les prisons françaises pour éviter tout risque d'être confronté à de nouveaux suicides.

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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 09/04/2009

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'elle est particulièrement sensible à la question du suicide des personnes incarcérées, qui est l'une de ses priorités d'action. S'agissant des suicides, depuis 1967 (date de la première circulaire), l'administration pénitentiaire mène une politique de prévention des suicides à destination de toutes les personnes incarcérées. Elle a renforcé son action en 1997 en définissant un plan d'action comportant des mesures d'application immédiate et un programme expérimental. Tout en veillant au respect des mesures précitées, la direction de l'administration pénitentiaire a développé, en 2000 et 2001, de nouvelles actions destinées à parfaire le dispositif existant, en cohérence avec « la stratégie nationale d'actions face au suicide pour 2000-2005 » lancée le 19 septembre 2000 par le ministère de la santé. La circulaire interministérielle (ministère de la santé/ministère de la justice) du 26 avril 2002 complétant celle du 29 mai 1998 réaffirme le bien-fondé des actions engagées en termes de repérage du risque suicidaire, de soutien aux personnes présentant ce risque et d'accompagnement des familles. Elle introduit surtout un axe complémentaire sous forme de priorité : la formation des personnels à la prévention du suicide en détention. En 2003, le garde des sceaux et le ministre de la santé ont conjointement missionné le professeur Jean-Louis Terra afin de conduire une évaluation des actions mises en oeuvre tant sur les plans quantitatif que qualitatif, dans le but de dégager des propositions destinées à compléter et à affiner le dispositif préexistant. À la suite des recommandations du professeur Terra, un certain nombre d'orientations de travail ont été énoncées : la formation des personnels pénitentiaires au repérage de la crise suicidaire, l'élaboration de procédures de détection de la crise suicidaire et le déploiement de plans de prévention et de réduction des moyens d'accès au suicide dans la conception des nouveaux établissements (par exemple : « les potences » soutenant les postes TV). En juillet 2005, un rappel de ces axes de travail issus des conclusions du rapport du professeur Terra a été réalisé en vue d'atteindre l'objectif de réduction de 20 % du nombre de suicides d'ici à 2009. Fin 2008, la garde des sceaux, ministre de la justice a confié l'animation et la coordination d'un groupe de travail chargé de procéder à une évaluation du dispositif en place et de faire des propositions concrètes à un médecin expert, le docteur Louis Albrand. Les conclusions de ce rapport devraient être rendues dans les prochaines semaines. Sans attendre ses analyses, une liste de mesures de vigilance à appliquer a été transmise aux établissements pénitentiaires en matière de prévention et d'intervention en cas de crise suicidaire. Le personnel doit notamment augmenter la fréquence des rondes et réduire au maximum le temps de solitude dans la journée. Il a également été demandé de créer en lien avec les professionnels de santé, des groupes de parole afin de limiter l'effet d'entraînement qu'un suicide peut créer. Dans le cadre de la prise en charge globale du mineur initiée avec l'ouverture des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), un groupe de travail réunissant la direction générale de la santé, la direction de protection judiciaire de la jeunesse et la direction de l'administration pénitentiaire a été constitué en juin dernier afin de conduire une réflexion sur la prévention du suicide des mineurs. Ce groupe de travail interministériel a pour mission d'élaborer des préconisations sur cette thématique et de créer une grille spécifique d'évaluation du risque suicidaire et des comportements à risques.

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