Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - SOC) publiée le 22/01/2009

M. Bernard Cazeau attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'avenir de la Société nationale des poudres et des explosifs (SNPE). En effet, les articles 10 et 11 du projet de loi de programmation militaire 2009-2014 proposeraient d'autoriser à l'État de pouvoir privatiser la SNPE.

Ce projet suscite une vive et légitime inquiétude non seulement chez les salariés du site SNPE de Bergerac, mais aussi au sein de la population du bassin d'emploi du bergeracois, dont le dynamisme et l'attractivité sont liés à la pérennité de ce site industriel majeur du département.

Depuis plusieurs années, la réduction progressive du nombre de salariés travaillant sur ce site a déjà mis à mal la cohésion sociale et la vitalité économique d'un secteur par ailleurs touché par de multiples désengagements de l'État en matière de santé, de services publics, d'éducation nationale ou encore de ferroutage…

Si une telle évolution menace les emplois et les savoir-faire de nombreux salariés, elle fragilise également la souveraineté de l'État en matière de défense nationale. En confiant au secteur privé une partie non négligeable de la production de poudres et d'explosifs destinée au secteur militaire, le Gouvernement privilégie en effet les considérations financières et la rentabilité au détriment de la sécurité et de l'emploi.

Au-delà de ce choix stratégique contestable, il est impératif que le Gouvernement prenne toutes les dispositions nécessaires afin d'assurer concrètement la reconversion des sites menacés de fermeture et de garantir un emploi aux salariés concernés, ceci dans les plus brefs délais.

Il lui demande donc de bien vouloir préciser, le cas échéant, le calendrier de mise en œuvre de ce projet et, surtout, quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin d'assurer l'avenir des salariés concernés par les évolutions envisagées.

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Réponse du M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants publiée le 18/02/2009

Réponse apportée en séance publique le 17/02/2009

La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 403, adressée à M. le ministre de la défense.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur l'avenir de la Société nationale des poudres et des explosifs, la SNPE.

Dans mon département, le chômage a augmenté de 13 % en un an, soit 1 500 chômeurs de plus en 2008.

Comme partout en France, les entreprises privées confrontées à la crise ont tendance à débaucher massivement, et les inquiétudes sont vives s'agissant des entreprises publiques.

Voilà quelques mois, on nous annonçait la suppression prochaine de 120 emplois de l'armée de terre dans le cadre de la réduction des implantations militaires ; il s'agit de l'Établissement spécialisé du commissariat de l'armée de terre, sis à Bergerac.

Désormais, ce sont la Société nationale des poudres et des explosifs et ses branches, à savoir Bergerac NC, DURLIN France, EURENCO et MANUCO, qui sont au cœur des préoccupations des élus locaux, des syndicalistes et des citoyens de ce département.

En effet, l'article 11 du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 ouvre la voie à la privatisation de cette entreprise d'État. L'exposé des motifs, qui introduit le texte, est on ne peut plus explicite, puisqu'il annonce la possibilité de transfert au secteur privé de la société SNPE, de ses actifs et de sa filiale SME.

Ainsi, après trente-sept ans d'appartenance à la sphère publique, toutes les activités directes ou filialisées de la SNPE pourront être détenues par des capitaux privés.

Cette volonté affichée de privatisation est regrettable et incompréhensible. Comment admettre que la France se dessaisisse de moyens propres à la défense nationale, par exemple la balistique de la dissuasion nucléaire, au profit du secteur privé ?

Pourquoi ouvrir la voie au démembrement d'un grand groupe public industriel français et prendre le risque d'amorcer sa vente « par appartements » ?

Nous ne comprenons pas que, en cette période de crise de l'emploi, l'État prenne le risque de « fabriquer » encore plus de chômeurs.

Monsieur le secrétaire d'État, je demande donc la révision de ce projet. Je souhaite que l'on revienne sur la perspective de privatisation et que l'on définisse un véritable projet industriel public pour le site de Bergerac. Pouvez-vous m'apporter des précisions sur ces sujets ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, l'État est de longue date favorable à une consolidation des activités de la SNPE et de SAFRAN dans le domaine de la propulsion solide.

Cette consolidation a pour objectif d'améliorer l'organisation industrielle de la filière, de maintenir au meilleur niveau des technologies critiques pour la France, notamment la propulsion des missiles balistiques de la force stratégique de dissuasion, étant observé, d'ailleurs, que les deux groupes collaborent depuis longtemps dans ce domaine.

L'État, qui est également le premier actionnaire de SAFRAN, prendra toutes les dispositions nécessaires pour assurer la maîtrise des activités stratégiques de la SNPE, comme c'est d'ores et déjà le cas pour celles de SAFRAN et pour certaines filiales d'EADS.

Le président-directeur général de la SNPE, qui a été nommé récemment, a pour mission de rechercher dans les meilleurs délais les solutions industrielles les mieux à même de pérenniser et, si possible, de développer différentes activités, non seulement de la branche matériaux énergétiques portée par SME, mais aussi des deux autres branches - chimie fine et chimie de spécialité - du groupe SNPE.

Les réflexions en cours concernent en particulier deux filiales ayant des établissements implantés à Bergerac : d'une part, Bergerac NC, ou BNC, spécialisée dans la fabrication de la nitrocellulose et dans l'exploitation de ses applications, et, d'autre part, EURENCO, spécialisée dans les poudres et explosifs, dont SME est l'actionnaire majoritaire aux côtés du Suédois SAAB et du Finlandais PATRIA.

La situation économique de BNC demeure préoccupante dans un contexte de marché déprimé dont le système de gravité est désormais situé en Asie. Les efforts mis en œuvre par le groupe SNPE depuis plus de dix-huit mois pour restaurer les performances du site de Bergerac et la compétitivité de ses productions n'ont, vous le savez, jusqu'à présent pas donné les résultats escomptés.

La société EURENCO est pour sa part lourdement pénalisée depuis sa création par les pertes récurrentes de sa partie française dont le redressement est l'un des objectifs prioritaires du nouveau président de la SNPE.

En ce qui concerne l'établissement de cette société située à Bergerac, l'activité est désormais essentiellement concentrée sur les objets combustibles. Ces perspectives dépendent largement de la production des charges propulsives pour le canon Caesar, de Nexter Systems, qui entre en service dans l'armée française et fait également l'objet d'importants contrats à l'exportation.

La Direction générale de l'armement apporte un soutien actif au développement et à l'industrialisation de ces produits, qui représentent un marché important pour les prochaines années.

La stratégie du Gouvernement concernant l'évolution du groupe SNPE ne pénalise pas l'avenir d'EURENCO. Elle vise au contraire à mieux positionner cette société comme fournisseur transverse des munitionnaires européens, tout en préservant les intérêts des munitionnaires nationaux et ceux de l'État, notamment au regard des enjeux de sécurité et d'approvisionnement de nos forces armées.

Dans ce contexte, le Gouvernement portera une attention toute particulière aux propositions qui seront faites par le nouveau président de SNPE. Il est à ce stade prématuré de préciser le calendrier et les modalités pratiques de mise en œuvre de ce projet industriel. L'État veillera tout particulièrement à ce qu'il offre les meilleures perspectives à l'ensemble des activités de la SNPE et à ses salariés.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le secrétaire d'État, pour suivre avec une grande attention les activités de cette société nationale, je connais très bien les difficultés de BNC et d'EURENCO.

Je constate que l'État se préoccupe de ce dossier puisque vous avez évoqué plusieurs actions, sans d'ailleurs préciser dans quelle direction on allait s'orienter.

Pour autant, monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas répondu à ma question, qui portait sur la privatisation de l'ensemble de la SNPE, envisagée dans le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009-2014.

La Cour des comptes, dans le chapitre intitulé « Observation des juridictions financières » de son rapport public annuel, remis au début du mois de février, désavoue publiquement l'État sur le projet de privatisation de la SNPE. Permettez-moi de vous rappeler les termes de ce rapport : « Le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 prévoit, dans son article 11, d'ajouter SNPE à la liste des sociétés privatisables. » Et elle continue plus loin : « Pour les matériaux énergétiques de SNPE - aujourd'hui regroupés dans la filiale SME, dont tous les actifs sont hautement stratégiques -, la question de leur rattachement capitalistique est particulièrement complexe, dans la mesure où la restructuration du secteur peut faire intervenir un groupe français, SAFRAN, un groupe européen, EADS, et l'industrie italienne, Avio. »

C'est sur ce sujet-là que j'interrogeais le ministre de la défense. Faute d'avoir obtenu des indications plus précises, je vais être obligé de poursuivre mon questionnement…

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