Question de M. LISE Claude (Martinique - SOC-A) publiée le 20/02/2009

Question posée en séance publique le 19/02/2009

M. Claude Lise. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, même si, à en croire le document qui nous a été distribué par le service de la séance, il ne souhaite apparemment pas répondre à l'opposition d'outre-mer…

La Guadeloupe est, depuis un mois, en proie à un mouvement social d'une ampleur sans précédent et qui est en train de connaître un développement d'une exceptionnelle gravité puisque l'on doit déjà déplorer la mort d'un homme.

À mon tour, je veux adresser à sa famille, à ses proches et au peuple guadeloupéen un message de sympathie et de solidarité.

La Martinique connaît, elle aussi, depuis plus de dix jours, un mouvement syndical et citoyen de revendications sans précédent.

En réalité, on le voit bien, ce sont les quatre départements d'outre-mer qui ne peuvent plus supporter en silence les effets d'une crise sociale se caractérisant non seulement par des taux de chômage, notamment des jeunes, qui constituent de tristes records d'Europe et un pourcentage de RMIstes cinq fois supérieur à celui de l'Hexagone, mais également par un coût de la vie atteignant des niveaux inacceptables.

Cette crise, il faut le souligner, ne peut être considérée comme un simple effet de la crise financière et économique mondiale actuelle. Il s'agit d'une crise dont les racines sont anciennes, et Dieu sait que nous avons été un certain nombre à multiplier, y compris ici même, les cris d'alarme et les mises en garde !

M. René-Pierre Signé. Ils sont sourds !

M. Claude Lise. Hélas ! nous nous sommes toujours heurtés à un mur de surdité !

Il s'agit d'une crise structurelle profonde, qui dépasse de loin une simple crise sociale. Il s'agit d'une véritable révolte des citoyens d'outre-mer contre la condition qu'ils subissent depuis trop longtemps dans des sociétés encore largement structurées par un passé colonial, des sociétés extrêmement inégalitaires, marquées par beaucoup trop d'abus, d'injustices et, disons-le aussi, de discriminations et d'atteintes à la dignité des personnes.

Je ne reviendrai pas sur les différentes erreurs commises par le Gouvernement dans la gestion de la crise ni sur le silence assourdissant du Président de la République. (Nombreuses marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Ce qui importe maintenant, c'est de savoir si le Gouvernement a enfin pris la mesure des enjeux – cela ne semble pas être le cas pour l'instant – et compris la nécessité de s'engager dans la recherche d'une issue pacifique aux mouvements en cours, en renonçant à tout recours à une répression dont on ne connaît que trop les conséquences.

Dans ce cadre, le Gouvernement a-t-il pris la mesure du caractère inadapté de l'actuel projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer ?

Est-il prêt à aller vers une réécriture de ce texte dans la plus large concertation, à dégager de nouvelles marges de manœuvre financières, à prendre en compte d'indispensables amendements et à répondre néanmoins, d'urgence, à un certain nombre de revendications légitimes portées par les collectifs de Guadeloupe et Martinique, singulièrement en matière de vie chère, de pouvoir d'achat, de contrôle des prix ou encore de logement social ?

Par ailleurs, le Gouvernement va-t-il respecter les engagements déjà pris avec les syndicats et le patronat, notamment en Guadeloupe – point auquel mon collègue Jacques Gillot tient beaucoup – dans le cadre du préaccord négocié le 8 février dernier sur la revalorisation des bas salaires, grâce à des allégements de charges sociales destinées aux très petites entreprises ?

Enfin, au-delà de la réponse à l'urgence, le Gouvernement est-il prêt à engager une réflexion approfondie avec les élus et les forces vives de nos pays…

M. Dominique Braye. Temps de parole dépassé !

Mme Éliane Assassi. Un peu de pudeur et de respect, monsieur Braye !

M. Claude Lise. … pour repenser les modes de développement ainsi que les modalités des rapports entre l'État et les départements d'outre-mer dans le cadre d'indispensables réformes institutionnelles ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)


Réponse du Premier ministre publiée le 20/02/2009

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2009

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Lise, je ne refuse pas de répondre à l'opposition et il me semble que nous avons d'ailleurs eu l'occasion de nous entretenir à plusieurs reprises. Je suis même allé deux fois dans votre département et je crois avoir tenu tous les engagements que j'y avais pris. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Bien entendu, nous partageons le constat que vous faites de la situation, et c'est bien parce que nous le partageons que nous avons depuis un an mis en chantier le projet de loi pour le développement de l'outre-mer, dont le Sénat va débattre dans quelques jours.

Encore une fois, ce constat ne date pas d'aujourd'hui, vous le reconnaissez avec moi. Il est lié à une structure économique. Il est peut-être lié aussi à une organisation institutionnelle qui mérite d'être réformée.

Vous me demandez si nous sommes prêts à aborder ces deux sujets. Ce sera l'objet de la réunion qui va avoir lieu tout à l'heure et à laquelle vous allez participer. Nous sommes prêts à tout mettre sur la table. Nous verrons d'ailleurs à cette occasion si l'ensemble des élus d'outre-mer sont prêts aussi à accepter les changements qui sont nécessaires,…

M. Dominique Braye. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. …en termes d'organisation et de structures économiques, pour assurer l'avenir de l'outre-mer.

En attendant que ce débat puisse s'engager, nous allons tout faire, monsieur le sénateur, pour répondre à l'urgence de la crise sociale qui se déroule en Guadeloupe et, naturellement, les mesures que nous prendrons seront étendues aux trois autres départements d'outre-mer.

Vous m'avez demandé, monsieur le sénateur, si le Gouvernement était prêt à tenir les engagements qu'il aurait pris de compenser l'intégralité des hausses de salaire par l'impôt. (Plusieurs sénateurs socialistes font des signes de dénégation.)

Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Didier Boulaud. Il n'a pas dit cela ! Vous transformez !

M. François Fillon, Premier ministre. Par des allégements de charges sociales, ce qui revient à peu près au même ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Vous travestissez !

M. François Fillon, Premier ministre. Comment peut-on défendre une telle position ?

M. Jacques Mahéas. Travestissement !

M. François Fillon, Premier ministre. En faisant une telle suggestion, vous rendez singulièrement plus commode la position du patronat dans la négociation,...

M. Didier Boulaud. Vous entendez ce que vous voulez !

M. François Fillon, Premier ministre. ... car il n'a plus qu'à attendre que l'État dégage les sommes nécessaires pour accepter d'augmenter les salaires !

La réponse est non : je n'accepterai pas cette mesure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

S'il existe un problème de salaire aux Antilles, c'est par une négociation entre le patronat et les organisations syndicales qu'il faut le régler. Le Gouvernement est prêt à y apporter sa contribution, mais en aucun cas il n'acceptera que les augmentations de salaire dans les entreprises privées soient prises en charge par les contribuables. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous le faites depuis des années !

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