Question de Mme BOURZAI Bernadette (Corrèze - SOC) publiée le 12/02/2009

Mme Bernadette Bourzai attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville au sujet de la régionalisation de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et de sa mise en concurrence.

L'AFPA est une association reconnue d'utilité publique qui fonctionne grâce aux subventions de l'État et des collectivités territoriales, telles que les régions, et occupe plus de 11 000 salariés au plan national.

Depuis le 1er janvier 2009, son financement n'est plus garanti par l'État. La mise en concurrence de l'AFPA sur le marché de la formation fait craindre la disparition du service public de la formation professionnelle qualifiante et de la possibilité d'accès à la formation pour tous à égalité de droit sur tout le territoire. En région Limousin, l'AFPA est présente à Limoges, Guéret et pour la Corrèze à Brive, Ussel et Egletons où elle emploie 380 personnes. Sa vocation première est d'accueillir et de former des publics peu qualifiés : 8 000 personnes en bénéficient chaque année en Limousin, et dans cette période de crise il lui parait impératif de continuer à proposer les formations indispensables aux reconversions professionnelles et aux parcours individuels de formation, préconisés par le Gouvernement.

Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour préserver l'existence et les missions de service public de l'AFPA.

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Transmise au Secrétariat d'État chargé de l'emploi


Réponse du Secrétariat d'État chargé de la fonction publique publiée le 01/04/2009

Réponse apportée en séance publique le 31/03/2009

La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la question n° 442, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, ma question s'adressait à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi, mais je remercie M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique d'être présent pour y répondre.

L'importance du rôle et de l'action de l'AFPA en matière d'orientation et de formation professionnelles est reconnue depuis 1949. Sa vocation était alors de former des chômeurs non qualifiés ou peu qualifiés. Aujourd'hui, alors que les ruptures dans les parcours professionnels sont fréquentes, les 11 000 salariés de l'AFPA savent répondre aux besoins de formation tout au long de la vie que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à attendre.

Dans leur esprit, l'AFPA remplit des missions de service public. Son statut est aujourd'hui remis en cause et les inquiétudes sont nombreuses concernant son avenir, aussi bien chez les personnes qui y travaillent qu'auprès du public.

La loi de décentralisation de 2004 a prévu le transfert du financement de l'AFPA aux régions et, depuis le 1er janvier 2009, les régions doivent passer un appel d'offres pour désigner un prestataire de formations. Autrement dit, dans chaque région, l'AFPA sera soumise à la concurrence. Il s'agit d'un choix du Gouvernement.

À une question écrite de ma collègue Jacqueline Alquier, le secrétaire d'État à l'emploi répondait le 19 mars dernier : « L'État a clairement rappelé que la formation professionnelle est une activité économique pour laquelle la passation de marchés publics doit être le mode principal d'intervention, complété à titre subsidiaire, par l'octroi limité de subventions. »

Le Gouvernement dit s'appuyer sur des arguments juridiques pour soumettre l'AFPA à la logique du marché et a découpé l'AFPA, pour rattacher les personnels de son pôle d'orientation au « Pôle emploi », issu de la fusion ANPE-ASSEDIC, privant ainsi l'AFPA d'une de ses spécificités essentielles.

De fait, la concurrence menace tout ce qu'apportait l'AFPA à nos concitoyens et ce pour quoi elle était reconnue. En effet, l'AFPA est un tout qui constitue un réseau cohérent aussi bien par le lien qui existe entre l'orientation proposée et la réponse en termes de formation que par la diversité des formations proposées bien réparties sur tout le territoire national. C'est ce qui me préoccupe.

Le Gouvernement dit être attaché au caractère national de l'AFPA. Comment celui-ci sera-t-il maintenu concrètement si l'AFPA est écartée dans telle ou telle région ? Et comment l'AFPA ne serait-elle pas écartée dans telle ou telle région où elle propose des formations qui excèdent les besoins propres de la région qui devra les financer ?

Ainsi, dans le Limousin, 380 personnels de l'AFPA, dont je puis attester la qualité professionnelle, travaillent au service de 8 000 stagiaires par an. Tous ces stagiaires ne viennent pas du Limousin.

Dans mon département, la Corrèze, deux centres sur trois ont un recrutement interrégional, voire national : celui d'Égletons, surtout dans les domaines des transports, des travaux publics avec option cabinet de géomètres, et celui de Brive dans les domaines du tourisme et des services. Le centre voisin de Guéret, en Creuse, est très généraliste, mais 40 % de ses stagiaires viennent d'autres régions, car il a une capacité de réponse rapide. Ces centres, implantés pendant les années où l'aménagement du territoire national avait encore un sens, répondent à des besoins nationaux.

Or le financement de l'État, qui ne tient plus qu'à un fil et qui devrait disparaître définitivement à la fin de l'année, est indispensable à ces centres. Ce financement jouait un rôle péréquateur qui méritait d'être maintenu. Je crains que l'aménagement du territoire ne souffre beaucoup du changement de statut de l'AFPA et que les compensations qui seront demandées par les régions ne donnent naissance à des « usines à gaz » coûteuses avant même de pouvoir être utiles.

Ma question est simple : alors que nos concitoyens sont victimes de la crise qui affecte lourdement l'emploi et que des territoires ont besoin de développer des activités, ou au moins de les maintenir, comment l'État compte-t-il utiliser le formidable outil que constitue l'AFPA grâce à son expérience de service public construite et accumulée en matière d'orientation professionnelle et d'accès à la formation depuis soixante ans, s'il ne lui assure pas les financements indispensables ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame le sénateur, je vous remercie de votre question très précise sur le rôle que l'AFPA est amenée à jouer, au moment où le Président de la République et le Gouvernement engagent une réforme importante de la formation professionnelle. Je sais que vous partagez notre attachement à un service public de qualité.

L'AFPA est un acteur essentiel de la formation professionnelle en France du fait de son rayonnement national. C'est pourquoi le Gouvernement entend préserver une AFPA nationale quand certains présidents de région veulent créer vingt-deux AFPA régionales. C'est un point structurant pour les salariés de l'AFPA de préserver leurs missions au sein d'une association gérée nationalement par l'État, les régions et les partenaires sociaux. C'est également un gage de pérennité dans le temps.

Le Gouvernement est évidemment sensible aux inquiétudes des salariés de l'AFPA, mais aussi des parlementaires, sur son devenir, en cette période où de nombreuses évolutions juridiques et institutionnelles la concernent.

Dans un contexte tendu pour les finances publiques, Laurent Wauquiez s'est battu afin que les moyens financiers alloués par l'État à l'AFPA en 2009 soient identiques à ceux alloués en 2008 à champ d'intervention comparable, et ils le sont effectivement. Le Gouvernement a par ailleurs été très attentif à ce que les régions reçoivent de l'État la compensation financière appropriée pour assurer, y compris en termes de fonctionnement des hébergements, l'organisation et le financement des stages de l'AFPA au profit des demandeurs d'emploi, quelle que soit leur origine géographique. D'ailleurs, aucun président de région n'a fait part de remarques particulières sur le niveau de la compensation financière attribuée aux régions dans le cadre de la décentralisation.

Le Gouvernement a conscience que l'avenir de l'AFPA suscite des interrogations du fait de la décentralisation complète de la formation des demandeurs d'emploi, effective depuis le 1er janvier 2009, et d'une soumission plus directe aux règles de la concurrence, comme l'a rappelé le Conseil de la concurrence dans un avis en date du 18 juin 2008. C'est pourquoi Laurent Wauquiez a apporté le 14 janvier dernier des réponses précises aux questions que la gouvernance de l'AFPA s'est posées sur les orientations stratégiques de l'institution et son positionnement.

En parallèle, le Gouvernement a eu des échanges réguliers avec l'Association des régions de France et les partenaires sociaux afin de préciser le cadre juridique et financier dans lequel doit se construire le plan stratégique de l'AFPA pour les cinq prochaines années. Comme Christine Lagarde vous l'avait indiqué au début de l'année 2008, la formation professionnelle est une activité économique pour laquelle la passation de marchés publics doit être le mode principal d'intervention. L'État a fait sien cet état de droit en organisant dès 2009 un marché de formation au profit des publics fragiles relevant de sa responsabilité : les détenus, les militaires en reconversion professionnelle, les travailleurs handicapés, les résidents d'outre-mer, les Français de l'étranger. L'État met sur la table 92 millions d'euros par an, dont près de 18 millions d'euros au titre du Fonds social européen. Compte tenu de son savoir-faire, l'AFPA dispose de nombreux atouts pour être en mesure de répondre à cet appel d'offres.

L'AFPA de demain doit reposer sur des bases économiques, financières et juridiques solides, ce qui suppose de réfléchir de manière approfondie à un schéma d'ensemble incluant les problématiques d'amélioration de la productivité, d'utilisation du patrimoine et de repositionnement des services d'orientation professionnelle. Le Gouvernement accompagnera l'AFPA dans le cadre d'une convention d'objectifs, de moyens et de performance pour les années 2009-2013, que Laurent Wauquiez signera prochainement avec son président et son directeur général. Ce nouveau contrat permettra à l'AFPA de conduire les nécessaires évolutions imposées par les règles communautaires et nationales.

Le Gouvernement appelle les personnels de l'AFPA à faire de ce bel outil, qui fêtera ses soixante ans cette année, un opérateur national de référence en matière de formation professionnelle, alors qu'il viendra bientôt devant vous engager la réforme de la formation professionnelle.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Je remercie M. Santini de sa réponse, mais je doute qu'elle dissipe les craintes qui s'expriment sur le terrain, tout particulièrement dans la ville où je réside. Soumettre le marché de la formation professionnelle aux règles de la concurrence me paraît en complète contradiction avec le maintien de situations, comme celles que je vous ai citées, dans lesquelles les régions concernées ont manifestement un appareil de formation surdimensionné par rapport à leurs besoins réels, mais veulent malgré tout conserver ces centres, puisqu'il s'agit là de lieux très importants pour l'emploi, notamment l'emploi qualifié.

Je m'interroge aussi sur l'avenir du patrimoine de l'AFPA. Je sais que des négociations se sont tenues avec les régions en vue de son éventuelle reprise. Pour l'avoir constaté dans ma ville, je sais qu'il peut se caractériser par un certain vieillissement, pour ne pas dire une certaine vétusté.

Si ce patrimoine était transféré directement à l'AFPA elle-même, il constituerait, à mon avis, une charge lourde pour le fonctionnement de ses centres. Je m'interroge dès lors sur leur capacité à être compétitifs sur un marché de la formation professionnelle que nous savons très concurrentiel. Comme je le constate au centre d'Égletons, les formations proposées nécessitent non pas seulement du papier et un crayon mais, souvent, des engins qu'il faut renouveler et un outillage performant. Il s'agit de former convenablement à des métiers de plus en plus exigeants. J'espère donc que nous saurons trouver un juste équilibre, notamment dans la loi relative à la formation professionnelle, entre la qualité de la formation professionnelle et notre souci de l'aménagement du territoire. (M. le secrétaire d'État opine.)


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