Question de M. MICHEL Jean-Pierre (Haute-Saône - SOC) publiée le 05/02/2009

M. Jean-Pierre Michel appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur un article publié dans "Le Monde" daté du 28.01.2009 par un vice-président chargé de l'instruction au pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris. En effet, dans cet article, ce magistrat du siège, s'exprimant à titre personnel, répond sur un ton qui frise la polémique à un parlementaire qui s'inquiétait des conditions dans lesquelles est menée une procédure au pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris. Cette prise de position est profondément choquante à plusieurs points de vue : un magistrat du siège peut-il s'exprimer publiquement, à titre personnel, sur une procédure qu'il connaît ? et au surplus pour critiquer l'expression d'un parlementaire qui peut légitiment donner son avis, protégé par l'article 26 de la Constitution. En conséquence il lui demande de lui fournir son avis sur cette question au regard des textes qui régissent l'obligation de réserve.

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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 09/04/2009

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le devoir de réserve, évoqué à l'article 10 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, et dont il n'existe aucune définition textuelle, est une notion dont les contours ont été précisés par la jurisprudence disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Celui-ci, par un avis du 9 octobre 1987, a précisé que le magistrat n'est pas « obligé au conformisme » et ne saurait être « réduit au silence ». Le principe de sa liberté de pensée, d'opinion et d'expression est le fondement même de « ce droit particulier » à l'indépendance qui distingue le magistrat du fonctionnaire. La liberté d'expression du magistrat trouve sa limite principale dans l'image que doivent renvoyer l'institution judiciaire et chacun de ses membres. Le service de la justice ne peut fonctionner que s'il inspire confiance et respect au justiciable et au citoyen. Cette confiance repose en partie sur l'assurance que la justice est rendue avec impartialité et neutralité et que le magistrat, soucieux des exigences du service public dont il assure le fonctionnement, agit avec objectivité et sérénité. Sont ainsi sanctionnés, au titre du manquement au devoir de réserve, des propos comportant, dans la forme, l'utilisation d'expressions outrancières, et, au fond, toute critique de nature à porter atteinte à la confiance et au respect que la fonction de magistrat doit inspirer au justiciable. L'article de presse visé par l'honorable parlementaire ne constitue pas, au regard de ces principes, un manquement caractérisé au devoir de réserve. Le juge d'instruction qui en est l'auteur n'a pas davantage failli au secret auquel il est tenu. La garde des sceaux, ministre de la justice, s'accorde cependant avec l'honorable parlementaire pour regretter une telle publication et pour déplorer, d'une manière générale, que malgré le principe de la séparation des pouvoirs et les limites posées par les dispositions combinées de l'article 26 de la Constitution et de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les médias deviennent un lieu de débats sur le déroulement de procédures judiciaires en cours.

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