Question de Mme MATHON-POINAT Josiane (Loire - CRC-SPG) publiée le 19/03/2009

Mme Josiane Mathon-Poinat appelle l'attention de M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur la situation des parents d'enfants de nationalité étrangère qui se sont vu refuser par les caisses d'allocations familiales le bénéfice de prestations familiales au motif que leurs enfants étaient arrivés sur le territoire français en dehors de la procédure du regroupement familial, en vertu de l'article L.512-2 du code de la sécurité sociale.

De telles dispositions sont contraires aux traités internationaux ratifiés par la France. Ainsi, l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) dispose que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur l'origine nationale. Par ailleurs, en vertu de l'article 8 de la CEDH, les États signataires doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir aux personnes présentes sur leur territoire le droit au respect de la vie privée et familiale. Enfin, selon l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

C'est sur cette base que la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a décidé dans un arrêt du 16 avril 2004, que les prestations familiales étaient dues à une mère togolaise en situation régulière, pour ses deux enfants entrés en France hors regroupement familial. La Cour a confirmé cette jurisprudence dans un arrêt du 6 décembre 2006.

Ce sont aussi pour ces mêmes raisons que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) a adopté deux délibérations successives en 2006 et 2008 demandant à l'État de se mettre en conformité avec ses engagements internationaux et de délivrer des prestations familiales aux parents d'enfants de nationalité étrangère résidant de façon permanente en France.

Enfin la Défenseure des enfants a adopté la même position, tant dans son rapport remis au comité de suivi des droits des enfants des Nations Unies en mai 2004, que dans une proposition de réforme adressée aux autorités le 9 juin 2004.

Elle lui demande donc de modifier la loi pour la mettre en conformité avec les accords internationaux qui lient la France, avec la jurisprudence de la Cour de cassation et les préconisations des autorités compétentes sur ces sujets.

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Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire publiée le 04/06/2009

L'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, modifié par l'article 89 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006, prévoit que les ressortissants étrangers peuvent demander à bénéficier des prestations familiales pour les enfants à leur charge, sous réserve de la régularité de leur séjour et, s'agissant de l'enfant à charge, de sa naissance sur le territoire national ou de son appartenance à une catégorie prévue par la loi : entrée au titre du regroupement familial, enfants de réfugiés, apatrides, etc. L'exigence d'une entrée régulière « dans le cadre de la procédure de regroupement familial » a été retenue par le législateur pour mettre un terme à des situations contentieuses qui avaient conduit les caisses d'allocations familiales à verser des prestations familiales à des parents d'enfants de nationalité étrangère dont l'entrée en France n'avait pas respecté le cadre de cette procédure. Toutefois, la loi précitée a introduit une autre catégorie d'enfants pouvant bénéficier des prestations familiales. Il s'agit de ceux dont les parents se sont vu délivrer une carte de séjour au titre du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et qui ne peuvent, par conséquent, justifier d'une entrée régulière sur le territoire national. Pour ces enfants, il est spécifié que le ou les enfants à charge doivent être entrés en France « au plus tard en même temps que l'un de leurs parents titulaires de la carte susmentionnée ». Il est donc inexact de conclure que seuls les parents d'enfants entrés sur le territoire national dans le cadre de la procédure de regroupement familial peuvent prétendre à l'attribution des prestations familiales, cette dernière catégorie concernant, au contraire, tous les parents admis exceptionnellement au séjour en raison de leurs liens personnels et familiaux avec la France. En revanche, l'exigence de la régularité du séjour des parents n'est pas contraire aux principes évoqués par l'honorable parlementaire, inscrits dans les textes internationaux que la France a ratifiés. Aucun arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme ne permet d'affirmer que les prestations familiales constituent, au même titre que les prestations sociales, un droit patrimonial qui entre dans le champ d'application de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Par ailleurs, si l'article 14 de la CEDH dispose que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur l'origine nationale, sauf à justifier d'un motif raisonnable et objectif », il doit être considéré que la vérification de la régularité du séjour des parents de nationalité étrangère, comme de leurs enfants à charge, représente un motif raisonnable et objectif de restriction de l'attribution des prestations familiales. Enfin, le Conseil constitutionnel a explicitement jugé, dans sa décision n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005, qu'en adoptant les dispositions de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, « le législateur a entendu éviter que l'attribution de prestations familiales au titre d'enfants rentrés en France en méconnaissance des règles du regroupement familial ne prive celles-ci d'efficacité et n'incite un ressortissant étranger à faire venir ses enfants sans que soit vérifiée sa capacité à leur offrir des conditions de vie et de logement décentes, qui sont celles qui prévalent en France, pays d'accueil ». Il a émis une simple réserve d'interprétation, dans son considérant 18, en indiquant que « lorsqu'il sera procédé, dans le cadre de la procédure de regroupement familial, à la régularisation d'un enfant déjà entré en France, cet enfant devra ouvrir droit aux allocations familiales ». Cette exigence est respectée puisqu'un certificat médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est délivré à l'enfant à l'issue de la procédure de regroupement familial, même lorsque celle-ci a eu lieu sur place. Aussi l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, dont la conformité à la Constitution a été établie, n'a pas à être modifié.

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