Question de M. LE MENN Jacky (Ille-et-Vilaine - SOC) publiée le 02/04/2009

M. Jacky Le Menn attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'évolution du droit pénal des mineurs, pan majeur de notre justice, et les conditions dans lesquelles les services de la protection judiciaire de la jeunesse le mettent en oeuvre.

Alors que les préconisations du rapport sur la refonte de la justice des mineurs viennent d'être publiées, les services du ministère de la justice anticipent son application et traduisent dans leurs décisions de gestion les dispositions d'un projet de loi dont le Parlement n'a pas encore été saisi. Si le projet stratégique de la protection judiciaire de la jeunesse affirme son rôle de force de proposition sur la protection de l'enfance en danger, sa capacité d'investigation et d'accompagnement des jeunes vers un meilleur état de santé ou vers un parcours d'insertion réussi, les chiffres clés de son activité sur l'exercice passé laissent apparaitre une réalité totalement différente. Celle-ci est faite d'un désengagement massif du civil et d'un recentrage autour du pénal : orientation annoncée par le rapport précité.
Les termes de la note-circulaire du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse en date du 5 septembre 2008 sont clairs quand ils assignent aux directions inter-régionales de la protection judiciaire de la jeunesse de réduire la part du civil et d'effacer les mesures de protection des jeunes majeurs à l'horizon 2011. Cet objectif est regrettable quand on sait que ces dernières mesures concluent souvent une démarche éducative patiente, complexe et déterminée pour étayer un parcours que les aléas et les difficultés sociales ont pu fragiliser. La règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a vocation dans ces conditions à s'appliquer aux effectifs oeuvrant sur les activités au civil.

Un des objectifs qui peut être déduit de ses déclarations et de la commande faite à la commission sur la refonte de la justice des mineurs est la disparition de l'instruction, c'est-à-dire ce temps utilisé pour s'attacher aux faits et à l'évolution de la personnalité du jeune. Cette instruction permet que le jeune soit aussi jugé sur ce qu'il devient, ce qui lui donne une chance d'échapper à une peine sévère s'il évolue bien. On sait que le travail social peut l'y aider. Doit-on en conclure que ces considérations pèsent de peu de poids face à la révision générale des politiques publiques qui commande de jouer sur le temps : juger vite pour sanctionner vite ?

Face à ces interrogations, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son approche sur ce dossier et notamment de lui confirmer que les services de la protection judiciaire de la jeunesse demeurent confirmés dans leur rôle de protection globale de l'enfance en danger.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 01/10/2009

La protection de l'enfance et les réponses aux mineurs commettant des actes délinquants connaissent depuis plusieurs années des modifications profondes et successives touchant tant aux missions qu'aux acteurs. Les lois de décentralisation de 1983 et 1986, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités des collectivités territoriales ont considérablement modifié l'organisation de la protection de l'enfance. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance en a conféré la responsabilité de principe aux conseils généraux. Les services éducatifs de l'État concentrent leur action sur les prises en charge des mineurs en matière pénale. En réponse à l'importance croissante de la place de la délinquance des mineurs dans les préoccupations des citoyens depuis 1996, des réformes législatives importantes sont intervenues : lois Perben 1 et 2 de 2002 et 2004, loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et mineurs. Ce souci de réforme et d'adaptation du droit pénal se traduit aujourd'hui par un projet de code de la justice pénale des mineurs issu notamment des propositions de la commission Varinard. Le recentrage des services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse sur les prises en charge des mineurs en matière pénale est engagé de manière continue depuis plusieurs années. En effet, ce sont les premiers conseils de sécurité intérieure en 1998 qui ont initié cette priorisation, conduisant au fur et à mesure la direction de la protection judiciaire de la jeunesse à consacrer une part de plus en plus importante de ses moyens à la mise en oeuvre des mesures confiées par les juridictions au titre de l'ordonnance du 2 février 1945. Depuis, les mesures pénales confiées au secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse sont en constante augmentation (62,71 % des jeunes suivis au pénal par le secteur public en 2004, 88,4 % fin juin 2009). L'ambition actuelle de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est d'assurer la prise en charge sans délai des mesures pénales, de manière à ce que les décisions des juges des enfants soient effectives et lisibles pour le mineur et sa famille. L'exécution des décisions des juridictions pour mineurs souffre encore aujourd'hui d'un manque de célérité. Il s'agit également d'améliorer la qualité de la prise en charge des mineurs en matière pénale. La priorisation de l'activité des services éducatifs en matière pénale a été inscrite dans le projet de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse 2008-2011. Elle se traduit dès 2009 par la réduction des délais de mise en oeuvre des décisions judiciaires pénales et la structuration de l'intervention éducative autour d'activités de jour visant à ce que chaque jeune « décrocheur » des dispositifs de droit commun bénéficie d'une activité facilitant le travail de socialisation et le lien éducatif. Cette orientation conduira à terme à la baisse du nombre de jeunes suivis par éducateur. Il faut préciser à cet égard que cette orientation ne concerne que les services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, et pas le secteur associatif habilité. Cependant, si le recentrage au pénal est la priorité de l'activité des services du secteur public, ceux-ci restent exceptionnellement impliqués en matière d'assistance éducative. Ainsi, outre l'exercice des mesures d'investigations civiles prononcées par le juge des enfants, si toutes les mesures éducatives pénales sont prises en charge sans délai, les services peuvent prendre en charge les mesures d'assistance éducative civiles de placement ou de milieu ouvert. Il convient de préciser que cette démarche ne traduit pas un désengagement des services de l'État à l'égard des jeunes en danger, mais la recherche d'une complémentarité plus efficiente en matière de réponse aux besoins des territoires à travers notamment une augmentation conséquente des moyens engagés. Il faut rappeler en effet que les effectifs et le budget de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse n'ont cessé d'augmenter depuis dix ans. Par ailleurs, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse reste compétente en matière de protection judiciaire de l'enfance. Le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice confère à cette direction une mission distincte des missions opérationnelles de ses services, que ce soit en assistance éducative ou en matière pénale : dans le cadre de la compétence du ministère de la justice et des libertés, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est chargée de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs, civile ou pénale, et de la concertation entre les institutions y concourant.

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