Question de M. GUILLAUME Didier (Drôme - SOC) publiée le 18/09/2009

Question posée en séance publique le 17/09/2009

M. Didier Guillaume. S'il est un lieu où l'on sait ce que sont la ruralité et l'agriculture, c'est bien la Haute Assemblée. Le fait que ma question soit la quatrième adressée au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche montre bien tout l'intérêt que nous portons à ce secteur.

Évoquer l'agriculture nous renvoie à trois questions fondamentales, celles de notre alimentation, de notre mode de vie et de notre santé. Oui, nous devons le réaffirmer ici : les agriculteurs sont utiles à la France ! Il est temps de se souvenir qu'il existe une France rurale, que des hommes et des femmes la font vivre et font vivre notre pays tout entier.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, la détresse du monde agricole est extrême. Cela est particulièrement vrai pour les producteurs de lait, mais aucune filière n'est épargnée, tant en plaine qu'en zone de montagne.

Aucune autre profession, mes chers collègues, n'aurait résisté à une baisse de revenus de plus de 20 % en 2008. Et la chute se poursuit en 2009 ! Aujourd'hui, le niveau du revenu agricole est le même qu'en 1994. Or, en quinze ans, 300 000 agriculteurs ont disparu, soit 30 % des effectifs de la profession.

La crise qui touche le monde agricole n'est pas une crise de production : c'est une crise de nature économique, qui est aussi la conséquence de décisions politiques.

Lorsque, en 2002, par pure idéologie, vous avez supprimé les CTE, les contrats territoriaux d'exploitation,…

M. Josselin de Rohan. Personne n'en voulait !

M. Didier Guillaume. … vous avez mis à mal la multifonctionnalité et une redistribution plus équitable.

En 2004, vous avez soutenu l'Europe libérale avec les accords de Luxembourg.

M. Jean-Pierre Raffarin. C'est une contrevérité !

M. Alain Gournac. C'est faux !

M. Didier Guillaume. La fin des quotas laitiers, entérinée sous présidence française de l'Union européenne, met en difficulté toute la profession.

Les mouvements inspirés par le désespoir auxquels nous assistons en ce moment en témoignent : les éleveurs laitiers se sentent abandonnés ; ils attendent une réponse. La loi de modernisation de l'économie a introduit un nouveau rapport de force favorable à la grande distribution.

M. Daniel Raoul. C'est vrai !

M. Didier Guillaume. Lorsque le kilo de pommes, acheté 48 centimes au producteur, est vendu 2,40 euros au consommateur, lorsque le kilo de tomates, acheté 30 centimes au producteur, est vendu 2,80 euros au consommateur,…

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue. (Oui ! sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Guillaume. … on marche sur la tête !

Il est urgent d'en finir avec ces écarts énormes. Le Gouvernement doit réagir. Les agriculteurs veulent vivre de leur travail, sur la base de prix rémunérateurs, et non grâce à des aides.

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, la régulation économique doit être au cœur du dispositif. Êtes-vous prêt à revoir le système de formation des prix agricoles afin que les agriculteurs puissent vivre décemment ? Quelles mesures concrètes et fortes comptez-vous prendre pour sauver l'agriculture française et redonner aux producteurs espoir et perspectives ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Claude Carle. Qu'a fait la gauche quand elle était au pouvoir ?


Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 18/09/2009

Réponse apportée en séance publique le 17/09/2009

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Guillaume, il y a un point de fond sur lequel je vous rejoins : nous avons tous une dette de reconnaissance à l'égard du monde agricole.

Comme vous l'avez demandé, nous serons très attentifs à la formation des prix, notamment dans la grande distribution, grâce à l'Observatoire des prix et des marges mis en place par ma collègue Christine Lagarde. Ce dernier fera connaître les résultats de ses travaux sur les fruits et légumes le 8 octobre prochain. S'il devait apparaître que des marges trop importantes ont été pratiquées dans ce secteur, Mme Lagarde et moi-même en tirerions toutes les conséquences.

M. Paul Raoult. Lesquelles ?

M. Robert Hue. Vous créerez un autre observatoire ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Quant aux réponses de fond à apporter à l'agriculture française, elles seront l'objet de la future loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, dont j'ai lancé les travaux préparatoires il y a quelques jours. Je vous invite à participer le plus activement possible à son élaboration.

Ce texte doit nous permettre de redonner un nouvel élan à l'agriculture française, en répondant à quelques questions structurelles.

La première de ces questions porte sur l'alimentation. Vous l'avez dit vous-même, monsieur Guillaume, la production agricole française a pour finalité l'alimentation de tous nos concitoyens. La politique agricole commune devrait, elle aussi, avoir pour objectif de nourrir correctement les 500 millions de citoyens européens. J'ai d'ailleurs proposé de rebaptiser la PAC « politique agricole et alimentaire européenne ».

Une deuxième question a trait à la compétitivité de certaines filières. Vous avez évoqué celle des fruits et légumes : il nous faut répondre à la question du coût du travail saisonnier dans ce secteur, qui est de 12 euros de l'heure dans notre pays, contre 6 euros en Allemagne, 7 euros en Espagne et 8 euros en Italie. Nous ne pouvons pas continuer à produire des fruits et légumes dans ces conditions. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

La troisième question essentielle porte sur la stabilisation du revenu des agriculteurs français, qui ne peuvent plus continuer à vivre avec des variations de revenu de l'ordre de 20 % à 30 % chaque année. Je propose donc la mise en place de systèmes assurantiels destinés à leur permettre de faire face aux aléas économiques, de plus en plus importants, qu'ils ont à subir.

Enfin, la dernière question structurelle que je vous propose d'examiner ensemble est relative à la perte de foncier agricole. Tous les dix ans, la France, première nation agricole d'Europe, perd l'équivalent d'un département en surface agricole utile. Ce n'est pas acceptable ! Il nous faut prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite tous à participer activement à l'élaboration de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche voulue par le Premier ministre et le Président de la République ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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