Question de Mme KHIARI Bariza (Paris - SOC) publiée le 28/10/2009

Question posée en séance publique le 27/10/2009

Concerne le thème : L'immigration

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, vous venez d'expulser par charter trois Afghans vers un pays en guerre.

Au regard de l'engagement militaire de la France en Afghanistan, ces expulsions sont incohérentes et votre ligne de défense par le droit ne saurait tout justifier.

Nous avons su faire preuve d'humanité dans le passé en trouvant une solution européenne de protection temporaire pour les Kosovars.

Les expulsions auxquelles vous avez procédé, contrairement à vos attentes, n'ont pas rencontré l'adhésion de nos concitoyens. Les Français n'aiment pas qu'on ajoute du malheur au malheur.

Devant cette indignation, vous annoncez un grand débat sur l'identité nationale. S'agit-il de convictions profondes ou d'arrière-pensées électoralistes ? Je ne tranche pas. Mais, de toute évidence, il s'agit d'une diversion en regard des problèmes quotidiens de ceux qui font la France.

Le zapping politique fait office de stratégie gouvernementale, surtout lorsque votre gouvernement est en difficulté. Vous affirmez que ces Afghans ont été renvoyés dans des zones en situation sécuritaire. Or je constate que, pour le ministère des affaires étrangères, aucune zone n'est sûre et que, sur son site, il est déconseillé aux Français de se rendre en Afghanistan. Ce qui vaut pour les Français ne vaudrait-il pas pour les Afghans ? Non seulement vous contredisez le ministère des affaires étrangères, mais vos services se substituent au Haut Commissariat pour les réfugiés qui, lui, a renoncé à établir cette cartographie tant l'instabilité est forte dans ce pays.

La France va-t-elle, pour satisfaire les Britanniques, opérer un tri sélectif d'êtres humains en fonction de leur appartenance à des zones que vos services qualifient de sûres ? En quoi vos services sont-ils habilités à définir les zones sûres et celles qui ne le sont pas en Afghanistan et de quels moyens disposent-ils pour le décider ?

Monsieur le ministre, j'espère sincèrement qu'il n'arrivera rien aux personnes qui ont été reconduites à la frontière, pour elles, d'abord, pour notre conscience collective, ensuite ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)


Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire publiée le 28/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2009

M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Madame la sénatrice, je ne répondrai qu'au volet de votre question relatif à l'Afghanistan. Je reviendrai sur l'identité nationale si une autre question m'est posée sur ce sujet.

Pour ce qui concerne les retours forcés en Afghanistan, la situation est simple.

D'abord, en matière d'asile, la France est sinon le pays le plus généreux au monde, du moins le second après les États-Unis.

M. Bernard Piras. C'est faux !

M. Éric Besson, ministre. Nous sommes le pays le plus généreux en Europe !

Mme Nicole Bonnefoy. C'est du passé !

M. Éric Besson, ministre. Si les demandes d'asile augmentent, les octrois d'asile progressent également de manière importante. La France n'a donc pas de leçons de générosité à recevoir sur ce sujet.

Par ailleurs, les filières criminelles et mafieuses de l'immigration clandestine sont un fléau qui menace le monde, et l'Europe en particulier. Ces filières très structurées, très professionnalisées font payer très cher – et pas seulement aux Afghans – la possibilité de venir jusqu'à Calais pour essayer de passer au Royaume-Uni.

De nombreux autres pays procèdent à des reconduites à la frontière. C'est le cas de la Suède, du Royaume-Uni, de la Belgique, des Pays-Bas ou encore de l'Italie, et cette liste n'est pas exhaustive. Sauf à décider de devenir la cible privilégiée des passeurs, la France ne peut donc pas s'isoler dans un refus de procéder à des reconduites à la frontière.

Avant de décider de reconduire trois personnes à la frontière afghane, nous avons vérifié plusieurs points.

Premièrement, que leur demande d'asile avait été rejetée. Ces trois personnes avaient effectivement été déboutées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, par une juridiction civile, par une juridiction administrative et par la Cour européenne des droits de l'homme.

Deuxièmement, qu'elles avaient refusé un retour volontaire, que cent quatre-vingts autres Afghans ont, pour leur part, accepté depuis le début de l'année.

Troisièmement, qu'elles retournent dans les zones les moins insécurisées ou les plus sûres, c'est-à-dire dans un périmètre de deux cents kilomètres autour de Kaboul.

Voilà, madame la sénatrice, comment nous avons agi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Daniel Raoul. C'est immoral !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour la réplique.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, vous avez sans doute été surpris par le mauvais accueil que cette vilaine opération a eu dans l'opinion publique, une large majorité des Français ayant indiqué qu'elle y était tout à fait opposée.

Vous avez alors « botté en touche », comme on dit au rugby, et vous avez annoncé un grand débat sur l'identité nationale.

Vous considérez sans doute qu'il s'agit d'une bonne petite opération politique parce que cela devrait gêner la gauche. Monsieur le ministre, je vous réponds en toute tranquillité que nous ne sommes absolument pas gênés par ce débat. Vous n'avez pas le monopole de la fierté nationale !

M. Éric Besson, ministre. Tant mieux !

M. Richard Yung. Si ce débat permet d'évoquer les valeurs qui sont les nôtres, de sensibiliser les jeunes – en dépit de la suppression de 16 000 postes d'enseignants, dont la moitié en histoire –, bref, si ce débat permet de progresser, nous serons avec vous.

En revanche, si ce débat vise à fermer la France, à caresser dans le sens du poil la bête jamais endormie…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Yung. Vous disposez d'une minute, c'est le règlement !

M. Richard Yung. Je conclus, monsieur le président. Monsieur le ministre, si, par ce débat, si c'est le nationalisme que vous chercherez à mettre en avant, alors, nous ne serons pas avec vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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