Question de M. RAINAUD Marcel (Aude - SOC) publiée le 15/10/2009

M. Marcel Rainaud interroge Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les conséquences pour les collectivités territoriales, des réformes à venir de l'organisation territoriale et de la fiscalité qui suscite l'inquiétude de nombreux élus, membres d'exécutifs locaux et parlementaires.

Le Gouvernement a récemment affirmé que le maintien de l'autonomie financière des collectivités territoriales constituait un grand principe, dont il garantirait le respect.

Force est de constater qu'il est d'ores et déjà bafoué, comme le révèle l'importance des sommes dues par l'État aux conseils généraux.

Pour le département de l'Aude, sur l'année 2008, les charges non compensées par l'État représentent 10 millions d'euros au titre du RMI, 4,8 millions pour la prestation de compensation du handicap, 24 millions pour l'allocation personnalisée d'autonomie auxquels s'ajoutent 2,4 millions d'euros pour ce qui est du transfert des personnels TOS des collèges.

Au total, ceux sont plus de 41 millions d'euros de charges supplémentaires, qui alourdissent le budget 2008, du département de l'Aude. Autant d'argent que le département ne pourra pas insuffler dans l'économie audoise, par des investissements directs ou l'aide aux collectivités.

Quand la commande privée marque le pas, l'économie de proximité a besoin d'une commande publique dynamique. C'est la raison pour laquelle autant de collectivités ont contractualisé avec l'État, pour bénéficier du dispositif de remboursement anticipé de la TVA.

L'économie française est trop dépendante de l'investissement public, trop d'emplois en dépendent, pour que nous laissions faire cette asphyxie financière des collectivités locales.

Il n'est pas envisageable que s'engage la discussion, au Parlement, sur la réforme de l'organisation territoriale ou de la fiscalité locale, sans que l'État n'accepte de reconnaître ses dettes à l'égard des collectivités.

Il lui demande de préciser si elle entend prendre les mesures nécessaires pour qu'à compter de ce jour, et pour les années à venir, le remboursement des dépenses réelles devienne la règle.

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Transmise au Secrétariat d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales


Réponse du Secrétariat d'État à l'outre-mer publiée le 04/11/2009

Réponse apportée en séance publique le 03/11/2009

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud, auteur de la question n° 656, transmise à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

M. Marcel Rainaud. Madame la secrétaire d'État, comme nombre de mes collègues parlementaires et membres d'exécutifs locaux, je suis inquiet après avoir entendu les déclarations du Chef de l'État sur l'avenir de l'organisation territoriale.

Jusqu'à présent, la décentralisation a représenté un formidable mouvement.

Elle a donné plus de liberté aux territoires pour s'administrer eux-mêmes.

Elle a permis l'éclosion d'une démocratie locale vivante, louée unanimement, y compris par ceux qui, au début, en étaient les détracteurs.

Elle a rendu possible l'instauration d'un dialogue, riche et constructif, entre des élus de proximité porteurs de projets et une population attachée à la souveraineté que la décentralisation lui a apportée.

Aujourd'hui, le contexte dans lequel se déroule le débat sur l'organisation territoriale et la fiscalité marque une rupture avec l'esprit de la décentralisation.

Ici même, il a été affirmé que le maintien de l'autonomie financière des collectivités territoriales constituait l'un des principes dont le Gouvernement garantirait le respect. Nous devons être inflexibles sur la question.

Or force est de constater que cet engagement est d'ores et déjà bafoué. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner les sommes dues par l'État aux collectivités.

Pour le département de l'Aude, sur l'année 2008, les charges non compensées par l'État sont de 10 millions d'euros au titre du RMI, de 4,8 millions d'euros au titre de la prestation de compensation du handicap, de 24 millions d'euros pour l'APA, de 2,4 millions d'euros pour les personnels TOS des collèges ; et je n'évoque même pas la situation des personnels routiers ! Cela représente, au total, plus de 41 millions d'euros de charges non compensées sur 2008.

C'est autant d'argent qui ne sera pas injecté dans l'économie audoise, par le biais d'investissements directs ou d'aides aux collectivités. Ce sont autant de coupes qui seront opérées dans les programmes d'équipements, pourtant ô combien nécessaires, dans l'aide apportée aux communes et aux associations, notamment pour la culture et le sport.

Quand la commande privée marque le pas, l'économie de proximité a besoin d'une commande publique dynamique. C'est la raison pour laquelle nombre de collectivités territoriales ont contractualisé avec l'État pour bénéficier du remboursement anticipé de la TVA.

Est-il besoin de rappeler, ici, que 75 % de l'investissement public est réalisé par les collectivités territoriales ? Notre économie est trop dépendante de l'investissement public, en particulier en termes d'emplois, pour que nous assistions sans rien faire à cette lente asphyxie financière des collectivités locales.

La discussion, au Sénat, sur la réforme de l'organisation territoriale ou de la fiscalité locale ne saurait s'engager sans que l'État accepte de reconnaître ses dettes à l'égard des collectivités.

Au regard de la situation extrêmement délicate du budget de l'État, nous pourrions accepter de faire le deuil des années passées, et ce depuis 2004. Mais nous attendons que le Gouvernement prenne l'engagement qu'à compter de ce jour le remboursement des dépenses réelles devienne la règle, une fois pour toutes. Il s'agit d'une mesure vitale, pour rendre nos budgets locaux réalisables et pour sauvegarder le dynamisme économique de nos territoires.

Madame la secrétaire d'État, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour remédier à cette situation ?





M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, l'État compense chaque transfert de compétence dans le respect de l'article 72–2 de la Constitution, c'est-à-dire selon le coût historique de la compétence transférée.

S'agissant du revenu minimum d'insertion, le RMI, l'État a bien transféré le montant des dépenses qu'il consacrait en 2003 au RMI au niveau de chaque département.

Les difficultés constatées sont dues à une dynamique de la dépense plus importante que celle des recettes transférées. Ce constat, l'État le partage.

Ainsi, pour accompagner les départements, il est intervenu au-delà de ses obligations constitutionnelles en compensant le coût exact des dépenses de l'année 2004, puis en acceptant, en 2006, la création du Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion, le FMDI, qu'il a doté de 500 millions d'euros par an pendant trois ans et reconduit en 2009.

Ce fonds est de nouveau reconduit en 2010 pour 500 millions d'euros supplémentaires.

Votre département a profité directement de ce fonds puisqu'il assure une couverture de vos dépenses à hauteur de 90 % pour la période 2005-2008.

En ce qui concerne l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et la prestation de compensation du handicap, la PCH, l'État soutient financièrement les départements par l'intermédiaire de deux concours gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.

Au titre de l'APA, qui constitue une extension de compétence, il n'existe pas d'obligation constitutionnelle de compensation « à l'euro-l'euro » par l'État.

Lors des négociations avec les départements, le gouvernement de l'époque a retenu le principe d'un financement partagé entre la solidarité nationale et les départements, à hauteur, respectivement, de un tiers et de deux tiers, sans que ce cofinancement soit consacré dans la loi. Votre département bénéficie des effets de ce concours puisqu'il vous assure une couverture des dépenses d'APA de 41 % pour la période 2006-2008.

Au titre de la PCH, vous avez bénéficié, en 2006 et en 2007, d'un concours très nettement supérieur aux dépenses supportées, générant un excédent de 4,5 millions d'euros, à peine entamé en 2008 par une dépense nette à votre charge de 400 000 euros.

Enfin, s'agissant du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service de l'éducation nationale, le calcul a été arrêté de manière concertée et consensuelle avec les élus au sein de la commission consultative sur l'évaluation des charges.

La compensation de ce transfert intègre le coût réel des agents au moment de leur transfert, mais aussi les indemnités accessoires. L'État a même pris en compte des coûts qu'il ne supportait pas lui-même, comme les taux de cotisations sociales acquittées par les départements, le 1 % formation, les dépenses de fonctionnement, les dépenses d'aide sociale et les comptes épargne temps.

L'État n'a donc pas de dette à l'égard des départements. (Exclamations sur les travées socialistes.)

Pour autant, il demeure attentif à l'évolution des dépenses des conseils généraux ; il suit, en particulier, la progression des dépenses sociales.

C'est pourquoi le Gouvernement a veillé à ce que les ressources de substitution de la taxe professionnelle, comme la cotisation complémentaire, bénéficient d'un dynamisme réel, en lien avec la réalité de la vie économique de notre pays et adaptées aux départements.

Les discussions actuellement menées par le Parlement répondront, j'en suis convaincue, à vos préoccupations.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud.

M. Marcel Rainaud. Madame la secrétaire d'État, à vous entendre, tout va bien pour les départements !

Votre réponse n'est malheureusement pas à la hauteur des véritables enjeux. Les difficultés financières touchent aujourd'hui toutes les collectivités départementales : quelle que soit leur étiquette politique, les présidents de conseils généraux témoignent de la précarité de leurs finances. La reconduction pour 2010 du Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion, comme de la dotation de développement urbain, ne saurait être une réponse suffisante.

Il est temps de sortir de l'hypocrisie de l'annonce d'une compensation à l'euro près. Il y va de l'avenir de nos collectivités, de celui de nos territoires et des populations qui veulent continuer à y vivre dignement !

Si vous ne révisez pas votre position sur cette question, vous porterez, avec le chef de l'État, une lourde responsabilité dans l'aggravation à venir de la situation économique et sociale de mon département, mais aussi de notre pays.

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