Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 15/10/2009

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat
sur le projet d'implantation sur le site de l'usine CEREXAGRI de Bassens d'une unité de conditionnement de méthylparathion. Ce projet d'implantation de cette activité de conditionnement par encapsulation classée Seveso 2 soulève l'inquiétude légitime des populations riveraines. Le méthylparathion est un insecticide fabriqué au Danemark, très toxique ; son utilisation est interdite en Europe depuis 2003. Il lui demande de bien vouloir lui apporter toutes les précisions relatives aux risques et aux conséquences d'implantation d'un tel projet. La nécessité de la sauvegarde de l'emploi ne doit pas conduire à une réédition du dramatique dossier de l'amiante.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'écologie publiée le 04/11/2009

Réponse apportée en séance publique le 03/11/2009

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 659, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Philippe Madrelle. Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais attirer votre attention sur un projet d'implantation, sur le site industriel de l'usine Cerexagri de Bassens – une commune portuaire de la rive droite de la Garonne, située face à Bordeaux –, d'une unité de conditionnement de micro-encapsulation de méthylparathion.

Cette usine Cerexagri est la propriété du groupe indien United Phosphorus Limited. Elle fabrique aujourd'hui des produits agro-pharmaceutiques phytosanitaires.

Le méthylparathion est un insecticide organophosphoré systémique, fabriqué au Danemark ; il s'agit d'un produit particulièrement toxique, qui est inscrit sur la liste des trente molécules chimiques les plus dangereuses au monde. Interdite d'utilisation en Europe, en application de la directive communautaire du 10 mars 2003, cette substance est destinée aux marchés américain, australien et turc, sur lesquels un tel insecticide n'est pas soumis à interdiction. On peut néanmoins imaginer son retour en Europe via les fruits et légumes traités, car ce produit étant systémique, il pénètre toutes les parties de la plante traitée.

Ce projet d'implantation suscite l'inquiétude légitime de très nombreux riverains déjà fortement concernés par les risques de pollution industrielle de cette zone urbaine ; en effet, sur la presqu'île d'Ambès se trouvent concentrées un certain nombre d'entreprises industrielles et chimiques, qui font peser des risques élevés. Ces entreprises sont d'ailleurs pour la plupart soumises à la contrainte « Seveso II, seuil haut », ce qui implique des exigences de sécurité spécifiques.

Le méthylparathion est un poison dangereux, soumis à une réglementation très stricte en ce qui concerne les conditions tant de son stockage que de sa manipulation.

Vous comprenez donc, madame la secrétaire d'État, l'inquiétude de toute une population qui s'interroge sur les risques sanitaires et environnementaux d'un tel produit. Qu'adviendra-t-il, par exemple, du rejet des matières organiques volatiles ou de l'évacuation des eaux météoriques collectées sur le site ?

Ce projet d'implantation fait peser des risques graves sur les populations avoisinantes habitant des lotissements situés à moins de cinquante mètres. Par ailleurs, il ne faut pas négliger les dangers liés au transport du produit.

Vous le savez, madame la secrétaire d'État, ce dossier est loin d'être réglé : malgré l'avis du commissaire-enquêteur, il est toujours en cours d'instruction au sein de vos services.

Le préfet, sur proposition de la DRIRE, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, a demandé au pétitionnaire de faire réaliser une analyse critique de l'étude de dangers par un tiers expert. L'instruction, me semble-t-il, est suspendue dans l'attente des conclusions de ce spécialiste, dont le conseil départemental des risques sanitaires et technologiques sera également saisi.

Tous les conseils municipaux des communes situées dans le périmètre des risques ont délibéré contre ce projet.

Le conseil municipal de la ville de Bassens, avant qu'il ne procède à une seconde délibération, a émis un premier vote favorable dont on peut imaginer qu'il a été dicté par le souci de défendre l'emploi. Toutefois, la sauvegarde de trente-sept emplois constitue-t-elle un argument suffisant face aux risques que fait peser cette implantation ? Nous ne pouvons oublier les conséquences dramatiques des activités de l'usine Everitube, dans la même commune, et les trop nombreux décès dus à l'amiante...

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous aujourd'hui m'apporter des précisions quant à l'instruction de ce dossier ? Les populations inquiètes attendent des informations précises. Par ailleurs, qu'en est-il, dans cette zone classée à haut risque, de l'actualisation du plan particulier d'intervention et de l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques ?

Madame la secrétaire d'État, vous qui suivez avec attention la mise en place du Grenelle de l'environnement, pensez-vous qu'il soit opportun de multiplier ainsi les risques industriels sur une zone urbaine déjà fortement éprouvée par une concentration d'usines très dangereuses ?

Pour ma part, j'estime qu'il est amoral, voire immoral, de permettre la fabrication et le commerce d'un produit qui est interdit en Europe et d'une effroyable toxicité.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, le méthylparathion est un liquide utilisé dans la fabrication d'insecticides à destination de pays extracommunautaires, puisque, en Europe, il n'est pas homologué et se trouve donc interdit à la vente.

Cette substance est considérée comme très toxique dans la nomenclature des installations classées. Il est prévu qu'une quantité de 96 tonnes sera utilisée pour être conditionnée sur le site de Bassens, qui est déjà classé « Seveso » pour l'utilisation d'autres produits très toxiques.

Une telle activité de micro-encapsulation a déjà été mise en œuvre pendant plusieurs dizaines d'années à Vaas dans la Sarthe, sans qu'il y ait eu à déplorer d'incident. Son déplacement vers Bassens résulte de la décision du groupe de fermer son usine de Vaas. Ce projet de transfert d'activité est suivi par le préfet de la Gironde depuis 2007, date à laquelle il a été envisagé.

Bien que le site de Bassens soit déjà autorisé pour des activités similaires, il a été demandé à la société Cerexagri de constituer un dossier de demande d'autorisation d'exploiter cette usine au titre des ICPE, c'est-à-dire des installations classées pour la protection de l'environnement, et donc d'engager une procédure complète, avec enquête publique et consultation des différents services de l'État et des communes concernées.

C'est ainsi que l'inspection des installations classées a eu l'occasion d'analyser un premier dossier, qui a suscité de nombreux échanges techniques, puis d'instruire le dossier final. Celui-ci, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, a été soumis à une enquête publique, qui s'est déroulée du 16 février au 18 mars 2009 et qui s'est conclue par un avis favorable du commissaire-enquêteur.

Néanmoins, le préfet a souhaité que soit réalisée par un acteur indépendant une tierce expertise de l'étude de dangers, qui est en cours d'instruction.

J'ajoute que les phénomènes dangereux associés à cette substance seront bien entendu tous scrupuleusement étudiés. Toutes les mesures nécessaires de réduction et de prévention du risque seront retenues. Ces prescriptions spécifiques seront proposées par l'inspection des installations classées et soumises pour avis au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, le CODERST, saisi par le préfet.

Si elle constate que toutes les mesures nécessaires concernant cette substance ne sont pas prises, l'inspection proposera le refus de la demande ; le préfet ne statuera sur cette dernière qu'à l'issue de la procédure.

Enfin, le comité local d'information et de concertation, le CLIC, qui est présidé par le maire de Bassens et qui regroupe, notamment, les collectivités, l'exploitant, les services de l'État et les associations, s'est déjà réuni à ce sujet le 2 juin dernier. Une nouvelle réunion est prévue prochainement pour que soit présentée l'analyse de l'inspection des installations classées.

Tel est, monsieur le sénateur, l'état de cette procédure.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Je sais que vous avez pris conscience de la dangerosité de ce projet, qui doit retenir l'attention de toutes les autorités de ce pays.

Nous savons les conséquences désastreuses entraînées par certaines installations insuffisamment sécurisées, telles que l'usine AZF, entre autres établissements, et nous n'avons pas oublié le drame de l'amiante. C'est pourquoi il faut rejeter ce projet, me semble-t-il.

J'ajoute que je suis envahi de scepticisme à la pensée que c'est le pétitionnaire lui-même qui fait réaliser l'analyse critique de l'étude de dangers par un tiers expert, même s'il est vrai qu'il agit ainsi à la demande du préfet…

Plus que jamais, il est temps que le concept de développement durable, dont on se gargarise beaucoup trop à mon goût, trouve sa traduction dans la réalité quotidienne de nos concitoyens.

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