Question de M. BAILLY Gérard (Jura - UMP) publiée le 18/12/2009

Question posée en séance publique le 17/12/2009

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la crise agricole qui touche notre pays et affecte de nombreuses filières menace l'avenir de notre agriculture tout comme notre indépendance alimentaire, ainsi que l'a rappelé tout à l'heure notre collègue Aymeri de Montesquiou.

C'est cette crise qui a motivé le déplacement récent du Président de la République dans mon département, le Jura, et son intervention forte en faveur du monde agricole.

Cette crise européenne et mondiale pourrait cependant être atténuée si, au niveau national, les prix alimentaires étaient mieux contrôlés grâce à une meilleure répartition – j'insiste sur ce terme – de la valeur ajoutée entre les différents maillons de la filière de production, de transformation et de commercialisation.

Au début de l'année 2008, la grande distribution a profité de l'annonce de la hausse des prix des produits agricoles, pour augmenter de façon significative, après une large médiatisation, ceux des denrées alimentaires. Que n'avons-nous entendu à cette époque !

Depuis, l'ensemble des prix des produits agricoles à la production a chuté, de l'ordre de 30 % pour le blé et de 20 % pour le lait et, de manière générale, au-dessous des prix d'avant la hausse. Pourtant, ceux des denrées alimentaires n'ont pas connu la moindre baisse dans la grande distribution, voire ont augmenté, ce qui est incompréhensible tant pour les producteurs que pour les consommateurs.

Les associations de défense des consommateurs se sont récemment fait l'écho de cette situation dans les médias, chiffres à l'appui. Ils ont même pris l'exemple d'une longue période : ainsi, entre 1992 et 2009, le prix du litre de lait a baissé de 5 % pour le producteur, mais a augmenté de 22 % dans les rayons de la grande distribution !

M. Jean-Marc Todeschini. Que fait le Gouvernement ?

M. Gérard Bailly. Les écarts sont beaucoup plus importants encore notamment pour la volaille, le porc ou la viande bovine.

M. François Marc. Que fait le Gouvernement ?

M. Gérard Bailly. Comment dès lors ne pas être stupéfait d'entendre la grande distribution parler de « défense du pouvoir d'achat » dans ses slogans publicitaires ?

L'observatoire des prix et des marges a présenté le 30 juillet dernier son rapport sur le prix du lait UHT. Or, ce rapport est contredit par celui qu'a publié la Fédération nationale des industriels laitiers, laquelle nie la répartition défendue par cet observatoire.

Au moment où les enseignes de la grande distribution sont assignées en justice en raison des pratiques abusives que leur position dominante pour l'accès au marché leur permet d'imposer aux fournisseurs, il est impératif que la transparence existe, tout particulièrement en période de crise.

Monsieur le ministre, quels moyens vous-même et votre collègue chargé du commerce comptez-vous rapidement mettre en œuvre pour atteindre, dans l'intérêt des consommateurs et des producteurs, cet objectif de transparence ? Celle-ci est en effet le seul moyen de garantir une meilleure répartition de la valeur ajoutée, indispensable si l'on veut assurer le maintien à long terme d'une agriculture en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Jean-Pierre Sueur et Jacques Mahéas applaudissent également.)


Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 18/12/2009

Réponse apportée en séance publique le 17/12/2009

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Bailly, il n'est pas normal, en effet, que les producteurs soient les premiers à souffrir des conséquences de la crise, ni que reposent sur leurs épaules toutes les conséquences de l'effondrement du revenu agricole auquel nous avons assisté en 2009.

M. Charles Gautier. Langue de bois !

M. Bruno Le Maire, ministre. Vous l'avez indiqué, la première voie dans laquelle le Gouvernement, tout particulièrement Christine Lagarde et Hervé Novelli, a décidé de s'engager est celle du renforcement de l'observatoire des prix et des marges.

M. René-Pierre Signé. Paroles, paroles…

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Parti socialiste s'est bien gardé de mettre en place cet observatoire quand il en avait la possibilité ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. Vous avez supprimé les quotas !

M. René-Pierre Signé. Vous n'avez pas succédé à un socialiste !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement a prévu de donner un statut législatif à l'observatoire des prix et des marges à l'occasion de l'examen de la future loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Son champ de compétence sera étendu à tous les produits agricoles, alors qu'il n'en couvrait jusqu'à présent qu'un nombre limité. Le Parlement disposera d'un droit de suite pour pouvoir tirer toutes les conséquences des distorsions qui pourraient être observées dans la répartition de la valeur ajoutée entre producteurs, industriels et distributeurs. Le projet de loi sera présenté au début du mois de janvier en conseil des ministres et examiné par le Parlement dans les tout premiers mois de l'année 2010.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez très bien, l'observatoire ne suffira pas. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure à M. de Montesquiou, il faut aussi assurer une régulation des marchés agricoles pour garantir des prix aux producteurs.

M. René-Pierre Signé. Voilà !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous défendrons cette idée dans le cadre européen qu'avec vingt-deux États membres nous avons mis en place.

En quoi consiste la régulation européenne des marchés agricoles ?

En premier lieu, cela signifie le maintien de capacités d'intervention. Je précise que, à la demande de la France, la Commission a injecté 600 millions d'euros sur les marchés pour relever le prix du lait à l'échelle européenne. Notre action a été efficace, puisque le but visé a été atteint.

En deuxième lieu, nous rénoverons les instruments de régulation pour intervenir plus rapidement et répondre aux attentes des producteurs. Il n'est pas normal que l'intervention se fasse en septembre lorsque le prix du lait s'effondre en juillet !

En troisième lieu, il faudra que nous disposions d'un système permettant la transparence sur les volumes pour éviter que la régulation n'entraîne les surproductions que nous avons connues dans le passé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la conjugaison de décisions nationales – renforcement de l'observatoire des prix et des marges, établissement de contrats entre producteurs et industriels – et d'une régulation européenne forte des marchés agricoles qui permettra de garantir aux producteurs les revenus qu'ils méritent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur. Les applaudissements sont faibles… Ils n'ont pas été convaincus !

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